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Bart Decrem
Responsable Marketing
Mozilla Foundation
Bart Decrem
"Yahoo et Google ont tout à gagner à travailler avec nous"
Le responsable marketing de la Mozilla Foundation, éditrice du navigateur web Firefox, explique comment une association non lucrative peut concurrencer les plus grands acteurs.
(28/10/2004)
 
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Mozilla.org

Tel Brad Pitt pour la sortie de son dernier film, Bart Decrem fait sa tournée européenne pour promouvoir le lancement, prévu début novembre, de la version stable du navigateur web libre de droits Firefox. Le responsable marketing de la Mozilla Foundation nous éclaire sur le fonctionnement de l'association à but non lucratif qui fournit gratuitement des solutions notamment concurrentes à celles proposées par Microsoft.

JDN. La Mozilla Foundation a appelé au soutien les utilisateurs des outils qu'elle fournit pour promouvoir la sortie de Firefox 1.0. Quelle somme cette opération vous a-t-elle permis de collecter ?
Bart Decrem. Nous avons collecté 170.000 dollars en sept jours, soit trois fois plus que nous espérions. Plus de 5.000 internautes ont tenu à nous soutenir. Les utilisateurs de nos outils sont nombreux à vouloir faire partie de la communauté Mozilla, ce qui représente un avantage concurrentiel indéniable. Nos clients sont non seulement fidèles, mais ils assurent également la promotion de nos solutions par le bouche à oreille. Sur notre site Firefox.org notamment, lequel compte plus de 12.000 membres enregistrés, les internautes ont la possibilité de télécharger des bannières à installer sur leurs propres sites afin de nous rapporter du traffic. Nous n'avons pas de grands départements marketing, mais nous n'en avons pas besoin car nous sommes proches de notre clientèle.

Comment allez-vous utiliser l'argent récolté ?
Nous allons acheter une pleine page de publicité dans le New York Times. Et compte-tenu du fort succès remporté par cette opération, nous envisageons de lancer également une campagne en Europe. Plus généralement, les fonds que nous percevons couvrent nos dépenses marketing et nos frais de fonctionnement.

Sur une année, a combien s'élève les fonds ainsi collectés ?
En 2003, nous avons récolté deux millions de dollars. Du côté des internautes, la moitié des revenus proviennent de dons spontanés, l'autre moitié de la vente de t-shirts et autres produits et services que nous fournissons. Plus de 12.000 personnes nous ont donné de l'argent l'année dernière. Certains clients B2B financent également la fondation en échange d'un soutien technique. Dans cette catégorie, je citerais la société canadienne Komatsu qui utilise plus de 1.300 licences de Firefox. Ou encore une société qui compte parmi les cents premières fortunes américaines et qui a déployé notre outil de messagerie Thunderbird sur plus de 50.000 postes. Mais notre première source de revenus est constituée par des sponsors comme AOL, IBM, Sun Microsystems et Red Hat.

Dans quel but ces grandes sociétés financent-elles une organisation comme la votre ?
Les solutions offertes par Microsoft, telles Internet Explorer, sont directement intégrées au système d'exploitation fourni par ce même acteur et sont les plus utilisées du marché. Un IBM qui souhaite interfacer son Websphere avec un navigateur web va donc d'abord chercher à se conformer à Internet Explorer. Pour éviter de tomber dans une situation de dépendance vis à vis d'un seul et unique acteur, les sociétés comme IBM ou Oracle soutiennent le développement d'outils alternatifs.

les navigateurs et les services web ont tout intérêt à développer des synergies"

Comment évolue votre part de marché ?
Selon des sites grands publics tels que Web Side Story, 5 % des internautes utilisent aujourd'hui Firefox. Mais au sein de populations plus ciblées comme celle touchée par le site d'information professionnelle CNet, notre part de marché atteint 18 %. Par ailleurs, la version de test de Firefox 1.0 a fait l'objet de 5 millions de téléchargements en moins d'un mois, dont 350.000 la première journée. A titre de comparaison, la version précédente du navigateur web a été téléchargée 6,5 millions de fois en trois mois. L'audience du site Mozilla.org, qui accueille chaque mois près de 10 millions d'internautes, témoigne également de l'ampleur de notre organisation.

Selon la rumeur, Google concevrait en ce moment son propre navigateur web et cet outil serait basé sur la technologie de Mozilla. Est-ce vraiment une rumeur ?
Je pense que les navigateurs et les services web ont tout intérêt à développer des synergies. Donc des acteurs comme Amazon, Ebay, Yahoo ou Google ont tout à gagner à travailler avec nous ou à utiliser notre technologie libre de droits. Les outils de recherche local illustrent quelque part cette philosophie dans la mesure où ils sont issus des services web et prennent la forme d'un logiciel à installer sur l'ordinateur. A mon avis, Google Desktop Search et MSN Desktop Search ont un grand potentiel de réussite.

Que pensez-vous de Google ?
C'est une excellente société qui innove et fournit de bons produits. Google remporte un franc succès parce qu'il respecte ses clients. Il a en effet trouvé le moyen de faire beaucoup d'argent en faisant en sorte que ce soit utile aux utilisateurs. Je pense bien sûr aux liens promotionnels. J'admire également cette entreprise, car elle est responsable et respectueuse des internautes et de ses propres employés.

Nous concevons un agenda électronique"

Le projet Mozilla a été lancé par les anciens fondateurs de Netscape. Quelles leçons avez-vous retenu de l'échec de cet autre navigateur ?
Nous avons d'abord appris que Microsoft dispose d'un pouvoir économique immense grâce à sa position de monopole sur le marché des systèmes d'exploitation. Netscape était une entreprise commerciale et ce modèle ne lui a pas permis de concurrencer durablement la société de Bill Gates. C'est pourquoi Mozilla est une association indépendante, non lucrative et non commerciale, un statut qui lui permet d'établir une relation de confiance avec ses contributeurs, ses partenaires et ses clients. Nous sommes toutefois confrontés à d'autres difficultés, à savoir comment utiliser la marque que nous avons construite pour amener de l'argent dans notre organisation.

Hormis Microsoft, quels sont vos principaux concurrents ?
Je citerais Opera et Safari qui ne sont pas de réels concurrents puisque ce sont également des partenaires. Nous travaillons en effet ensemble à l'élaboration de nouveaux standards pour les navigateurs web.

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Envisagez-vous de lancer de nouveaux outils ?
Bien sûr. Nous concevons actuellement un agenda électronique, Sunbird. A terme, nous intégrerons cette solution à notre outil de messagerie Thunderbird qui intéresse plus particulièrement les entreprises. Nous nous intéressons également à la messagerie instantanée mais nous n'avons pas encore de projets concrets dans ce secteur là.

Avez-vous déjà réussi à désinstaller Internet Explorer de votre ordinateur ?
Je n'ai pas eu à essayer. J'utilise un Macintosh.



 
 
Propos recueillis par Frédéric QUIN, JDN

PARCOURS
 
 
Diplômé de l'école de droit de Stanford, Bart Decrem, est depuis mai 2004 responsable marketing et communication du projet Mozilla à l'Open source applications foundation, basée dans la Silicon Valley.

En mars 2001, il s'installe en Corrée du Sud et devient vice-président de Linux One, un fournisseur de solutions matérielles basées sur Linux, et de Hancom Linux, un éditeur de logiciels pour PC et appareils mobiles.

A partir de mars 1999, Bart Decrem lance la start-up Eazel et la Gnome Foundation.

   
 
 
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