INTERVIEW 
 
François Dubrule
Directeur général
Angel Invest
François Dubrule
"Il n'y a plus de refinancement pour le refinancement..."
Après quatre ans d'investissement dans de jeunes sociétés, Angel-Invest va clore son fonds, nettoyer son portefeuille et se consacrer à l'accompagnement vers la sortie des plus prometteuses de ses participations. Retour sur les années bulle et perspectives 2004 avec son directeur général.
(19/03/2004)
 
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Quel bilan faites-vous de l'année 2003 ? Sur le marché de la high tech et dans le capital-investissement ?
François Dubrule 2003 se résume en deux points : d'une part les investisseurs, qu'ils soient privés ou institutionnels, se sont concentrés sur des sociétés cotées plus que sur des sociétés non cotées ; d'autre part, il y a eu une globale pénurie de projets directement liés aux nouvelles technologies et particulièrement à Internet. Si on part d'une analyse plus macro-économique, 2003 est une année pendant laquelle l'effervescence des marchés financiers américains a été assez bien relayée par les valeurs de croissance au Nasdaq puis en France. La reprise de croissance constatée en fin d'année aux US et en Europe est due pour partie à des dépenses en technologies liés à la défense… L'effet boule de neige qu'elles ont créé s'est traduit non seulement par un accroissement du carnet de commandes des sociétés, mais aussi par une dynamique européenne positive. Les SSII comme Arès, Business et Décisions, Devoteam ou Aubay ont beaucoup profité de ces rebonds.

Jusqu'à présent les Etats-Unis avaient toujours une longueur d'avance sur l'Europe. Pour cette reprise, on a l'impression qu'elle s'est déclarée en même temps des deux côtés de l'Atlantique. L'écart entre les deux continents serait-il en train de se réduire ?
Il est vrai que la reprise a été simultanée en Europe et aux Etats-Unis. Mais au-delà du fait que nous avons rattrapé notre retard de croissance, l'intervention des Etats-Unis en Irak a aussi contribué à la reprise. Et je pense que le bénéfice de la France aura été meilleur en n'étant pas partie prenante dans le conflit.

Vous citez la pénurie de projets comme une caractéristique remarquable de 2003. Comment l'expliquez-vous ?

Historiquement, en 2000-2001, nous avons eu une constellation de projets de qualité médiocre pour la plupart. En 2002-2003, il y a eu peu de projets de création, mais les quelques-uns créés étaient souvent de qualité. Mais s'il y a eu moins de projets directement Internet, c'est parce que de nombreuses sociétés ont été créées autour de la construction des infrastructures Internet (qui englobent les services ou le contenu) ; ainsi, après 2000-2002, il était difficile de trouver un segment de marché disponible dans la thématique commerce/contenu. Pour Angel Invest, cette période a été très dure puisque c'est le domaine dans lequel nous sommes le plus actif.

Comment doit évoluer le marché selon vous ?
Aujourd'hui un opérateur mobile, Orange, SFR ou Bouygues, a le choix parmi 2 500 producteurs de contenu. Ce chiffre montre bien que le marché doit à présent se consolider. D'autre part, dans les métiers de l'Internet, la donne est en train de changer avec le développement de nouveaux supports de diffusion. Nous sommes passés de l'écran de PC à des écrans de mobiles dont le contenu est beaucoup plus sélectif. Nous sommes revenus dans un cycle dans lequel on refait de nouvelles infrastructures et on réadapte les contenus. Aussi je pense qu'il y a plus à attendre en terme d'infrastructures qu'en terme de création de nouveaux projets.

Quand une entreprise montre des signes de faiblesses, il faut jeter l'éponge."

Cela veut dire qu'en 2003 -et en 2004 - les sociétés d'investissements se sont contentées de re financer les sociétés de leur portefeuille ?
Aussi performante qu'une entreprise soit sur son marché, ce qu'on lui demande aujourd'hui c'est d'entrer dans une phase de consolidation. Il n'y a plus de refinancement pour le refinancement… ce qui pouvait encore être le cas en 2002-2003, où l'on persistait à miser sur un acteur qui n'avait pas encore fait ses preuves. Maintenant c'est différent. Quand l'acteur que l'on a dans le portefeuille commence à montrer quelques signes de faiblesses, il faut être honnête et jeter l'éponge. Aujourd'hui ceux qui gagnent ce sont ceux qui sont arrivés à l'équilibre, voire qui dégagent un bénéfice ; ce sont eux que nous devons supporter.

Quels ont été vos investissements en 2003 ?
Notre année 2003 se solde par un bilan mitigé puisque nous n'avons financé aucun nouveau projet. Pour une raison simple : notre cible est située dans l'e-commerce et les médias Internet et nous n'avons pas trouvé de projet satisfaisant dans ces deux métiers. En 2003, nous avons vu 450 dossiers dans toutes les thématiques, en biotech, médical, software, etc…. 80 % étaient des dossiers de refinancements dans lesquels nous n'avions pas forcément envie d'entrer. A côté, un certain nombre de dossiers relevaient d'opérations de reengineering, des projets de retournements. Il s'agit de sociétés qui manifestent des perspectives intéressantes mais qui sont dans une situation très délicate. Elles peuvent donc être rachetées auprès d'un acteur industriel pour très peu ; et il est possible de leur faire passer le cap avec assez peu de fonds et un petit peu de méthode, ce qui est aussi notre travail.

Au final...
Au final, nous avons réinvesti 2 millions d'euros répartis dans cinq sociétés du portefeuille. 75% du montant l'ont été dans des entreprises du e-commerce, c'est-à-dire 2foismoinscher, ConsoTel, FilmBox, Bebloom et Directinet. Côté média, notre portefeuille compte Newsport, Relaxnews et CanalChat. Nous avons aussi investi dans un acteur de l'ASP (hébergement de services), Khawa.

Est-ce la fin d'un premier cycle d'investissement pour Angel-Invest ? Dans ce cas, qu'elle sera la seconde étape ?
Cela traduit en effet la fin d'une première phase d'investissement dans la vie d'Angel Invest, qui a une durée de dix ans. Il est nécessaire de fermer le fonds en terme de nouveaux investissements. Nous nous étions laissé 2003 pour faire encore quelques nouveaux projets, et le fait que nous n'ayons pas sous la main assez de dossiers nous a amené à mettre fin par anticipation à cette première période d'investissement. Pendant les six ans qui viennent nous allons investir uniquement dans les sociétés de notre portefeuille, dans l'objectif de les préparer à se consolider, à être cédées ou à s'introduire en Bourse.

A la fermeture du fonds, nous espérons un TRI d'environ 10 %"

Quel est votre taux de rendement interne ?
Depuis deux ans, notre TRI est élogieux puisque nous avons vendu deux sociétés sur lesquelles nous avons fait des plus-values. Sur un an, il est de 30%. En revanche, notre TRI à quatre ans a été très pénalisé par des augmentations de capital que nous avons réalisées sur des bases beaucoup plus faibles que celles sur lesquelles nous étions rentrés. Par conséquent le TRI est très proche de 0.

Et pour les prochaines années ?
Dans six ans, à la fermeture du fonds, nous prévoyons de verser des liquidités à nos actionnaires. Nous avons déjà procédé à une première distribution de cash au mois de janvier dernier, quatre ans après la création d'Angel Invest. Nous avons versé à chaque actionnaire 20% de la somme investie initialement. Dans six ans, nous complèterons par une redistribution finale, et à ce moment-là, nous espérons un TRI d'environ 10%.

Quelles étaient les sorties de l'année 2003 ?
Il y a deux raisons pour lesquelles il faut vendre une société. Soit on nous propose un montant très important, soit le manager ne veut plus continuer. En 2003, nous sommes sortis de deux sociétés pour ces deux raisons. Le premier cas, en avril, était celui de la société LeBonKado ; l'autre était Penbase, une entreprise qui n'a pas su s'imposer sur le marché et qui a été vendue à un consortium belge comprenant Belgacom et Siemens.

Quelles vont être les sorties 2004 ?
Nous fondons tous nos espoirs sur quatre sociétés : 2foismoinscher, Directinet, Relaxnews et Newsport. Mais aucune sortie n'est encore prévue. A l'opposé, Filmbox et Canalchat ont d'assez mauvais résultats, ce sont des sociétés qui n'auront pas su s'imposer sur le marché, nous n'allons pas continuer avec elles. Il y a des sociétés qui sont des market leaders pour lesquelles la Bourse est un moyen formidable pour lever beaucoup de capitaux, communiquer et augmenter la crédibilité vis-à-vis des clients. Toutes les sociétés n'ont pas forcément besoin de cela. Directinet est en revanche un vrai market leader sur son marché de bases de données et de marketing direct on line. Il aura sans doute des occasions d'entrer en Bourse dans un avenir proche. Il est aussi fort possible que nous sortions de la société Khawa cette année.

Kelkoo est un outil qui dégage la magie et la puissance d'Internet."

Comment voyez-vous 2004 après l'introduction d'Iliad et les perspectives d'introductions de Rue du commerce et de Kelkoo ?
Malgré une introduction réussie d'Iliad et un contexte de reprise de la crédibilité des entreprises Internet, elle n'a pas été suivie par une confirmation de reprise. Il y a encore un manque de confiance de la part des investisseurs professionnels. D'autre part, autant Kelkoo est un outil puissant, né et exploité de façon exponentielle grâce à Internet, autant je reste sceptique sur Rueducommerce. Certes, il enregistre de bons résultats et son modèle économique est prouvé, mais je ne crois pas que Rueducommerce soit un exemple rassurant sur ce modèle-là.

Que pensez-vous de la place que prennent les FCPI dans le capital-investissement ?
Il y aurait entre 500 millions et un milliard d'euros dans ces FCPI destinés à être investis dans des entreprises innovantes. C'est-à-dire qu'il y a beaucoup plus d'argent disponible que de projets à capitaliser. Cela implique que ceux qui sont financés le sont sur des bases de valorisation anormales et peu regardées par les FCPI qui ont un besoin important d'investir. Cela maintient de façon artificielle des valorisations élevées d'entreprise alors que les résultats ne sont pas forcément là… et c'est probablement un phénomène qui nous a pénalisé en 2003. D'autre part, je pense qu'il faudrait étendre les critères d'éligibilité aux entreprises qui font travailler des sociétés qui pourraient bénéficier d'un label Anvar.

Etes-vous business angel à titre personnel ? Si oui dans quels projets ?
Non, c'est une question de déontologie. Je ne peux être qu'à 100% sur Angel Invest.

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Dans quelle société auriez-vous aimé investir ?
Iliad… et tous les fournisseurs d'accès en général. Et je mettrais même au même niveau Bouygues Telecom car ils sont basés sur le même modèle économique d'abonnement, qui s'adresse à une clientèle nouvelle avec un produit nouveau. Que ce soit un fournisseur d'accès télécom ou Internet, le contenu est différent mais la problématique est la même. Ce sont ces modèles-là qui sont les plus tentants.

 
 
Propos recueillis par Philippine ARNAL, JDN

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