INTERVIEW
 
PDG
Wanadoo
Nicolas Dufourcq
"Titre"
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Nicolas Dufourcq a présenté jeudi 22 mars les résultats financiers 2000 de Wanadoo (Lire l'article du JDNet). Arrivée en Bourse au cours de l'été 2000 à un cours d'introduction de 19 euros, la filiale Internet de France Télécom a vu son titre plonger pour atteindre, aujourd'hui, la zone des 5 euros. Depuis cette introduction au Premier Marché, Wanadoo, qui regroupe les pôles accès, e-merchant et annuaires de France Télécom, a mené une politique de croissance externe en absorbant le FAI britannique FreeServe et les activités annuaires de l'espagnol Indice Multimedia. La semaine dernière, Wanadoo a également pris une participation dans le capital du fournisseur d'accès algérien EEPAD (interview modifiée le 23/03/01).
22 mars 2001
 
          

JDNet. Quelle analyse portez-vous sur les résultats de Wanadoo ?
Nicolas Dufourcq. Wanadoo est une société encore en période de croissance et dont les fondamentaux sont bons. Nous avons des objectifs forts pour faire partie des trois premières sociétés Internet européennes d'ici 2003. A cette échéance, nous visons 10 millions d'abonnés au plan européen. Nous visons également un EBITDA positif, donc la rentabilité, dès la fin du quatrième trimestre 2002.

Malgré ces objectifs, le titre de Wanadoo ne bénéficie d'aucun traitement de faveur sur les marchés. Comment l'expliquez-vous ?

La déprime actuelle des places financières correspond à une sanction directe de la surévaluation du secteur Internet au début 2000. Le gros problème est que la correction à laquelle nous assistons en ce moment n'est pas discriminante et met au même niveau des valeurs qui ne sont pas comparables et qui n'ont pas le même périmètre. A cela, s'ajoutent les profit-warnings qui sont autant de paliers violents d'ajustement. Il faut donc attendre que les marchés deviennent enfin plus sélectifs. A ce moment-là, les investisseurs comprendront que l'acquisition de FreeServe par Wanadoo est une bonne opération si on la compare aux opérations Club Internet/T-Online ou Multimania/Lycos.

A quel horizon estimez-vous cette sélectivité sur les valeurs Internet ?
Ce que j'explique lors de l'Assemblée générale des actionnaires, c'est qu'il est important de ne pas se laisser emporter par le marasme boursier actuel. Wanadoo est un titre à conserver, qui prendra toute sa valeur à l'horizon 2003. Wanadoo subit actuellement le fait d'avoir été cotée jeune. Et on ne peut pas dire d'un enfant qu'il est génial en regardant simplement son parcours sur une année scolaire. En fait, c'est un peu comme une bonne bouteille de Bordeaux, qu'il faut savoir ne pas consommer tout de suite...

Allez-vous poursuivre une politique de croissance externe agressive ?
Nous ne mènerons plus d'opération de l'envergure de FreeServe, notre implantation européenne actuelle nous offrant une assise largement suffisante. En revanche, étant donnée la rationalisation en cours dans le secteur Internet, nous ne nous interdisons pas des acquisitions opportunistes de moindre ampleur.

Dans quels domaines pourriez-vous réaliser ces acquisitions ?
Les portails et les services professionnels sont des domaines où nous pourrions être opportunistes. Sur le commerce électronique, je suis plus dubitatif. Je pense qu'à partir de notre existant, il est plus facile et judicieux d'ouvrir un rayon supplémentaire plutôt que d'opérer une croissance externe.

Vous abandonnez donc l'idée de reprendre FreeNet et de mettre un pied en Allemagne ?
Pour l'instant oui. Et de toute façon, si j'en crois les rumeurs, les seules "vagues" négociations que nous avons eu dans ce sens l'an dernier n'ont pas duré plus de quinze jours.

Vous venez de poser le pied en Algérie avec une participation au capital du fournisseur d'accès algérien EEPAD. Est-ce une zone géographique sur laquelle vous vous autorisez une croissance externe ?
En Afrique du Nord, nous ne sommes pas sur un marché où les prises de participation ont un coût comparable à l'Europe. En nous y implantant, nous visons le long terme sur plus d'une dizaine d'années. Et puis il serait dommage de laisser la Méditerranée francophone à d'autres acteurs comme le Canada...

Un partenariat fort avec un grand groupe média, comme celui que viennent de signer T-Online et la ZDF, vous tente-t-il ?
Dans l'immédiat, je n'en vois pas l'intérêt. Pour que ce type de partenariat soit viable, il faut réellement qu'il apporte un échange de savoir-faire des deux côtés. Si l'objectif est juste de créer un tremplin média pour des activités Internet, alors je trouve la démarche inquiétante. La télévision n'a pas eu besoin de la radio pour s'imposer. L'Internet doit avoir son audience propre, son intelligence et inventer son type de communication.

Wanadoo est-il également victime du ralentissement du marché publicitaire online ?
L'année 2000 a été extrêmement électrique sur le plan du marché publicitaire Internet. Nous avons atteint des pics en juin. A l'époque, nous proposions un CPM [coût pour mille, NDLR] de 35,5 euros. Ces tarifs n'étaient pas tenables, car il n'y avait aucune raison pour que l'Internet soit un support média plus cher que les autres. En décembre, notre CPM est tombé à 28,9 euros et depuis, il a encore baissé. Le ralentissement a été surtout perceptible depuis le 10 décembre, les dotcoms s'effaçant parmi les annonceurs. Malgré ce très net coup de frein, nous conservons la prime au leader. Wanadoo, qui génère 7% du trafic Internet en France, occupe 20% du marché de la publicité online. En 2000, la publicité sur les portails a généré un chiffre d'affaires de 30 millions d'euros pour Wanadoo. En 1999, nous en étions à 30 millions, mais de francs.

Comment expliquez-vous ce ralentissement publicitaire ?
L'arrivée des acteurs "mortars" est plus longue que prévue. Alors que 16% des Français surfent aujourd'hui sur Internet, seulement 10% des annonceurs sont venus sur ce nouveau support. Le potentiel est donc énorme, d'autant que l'Internet, et toutes les études le montrent, se révèle un support très fort pour les marques. C'est une révolution pour un média qui raisonnait, il y a encore peu, avec des taux de clic... Les "mortars" analysent aujourd'hui l'Internet, essayent de le comprendre pour ne pas commettre les mêmes erreurs. Ils observent mais les cours de Bourse actuels les impressionnent encore. Je pense que le déclic pour eux aura lieu cette année, après la rentrée.

Vous avez annoncé que Wanadoo frôlait la barre des 5 millions d'abonnés en Europe. Quelle est la part du haut débit ?
Nous avons aujourd'hui plus de 170.000 abonnés haut débit, dont 75.000 par la câble et 95.000 en ADSL. Le haut débit rencontre un succès croissant. Depuis le lancement des packs ADSL en France, nous enregistrons 800 ventes par jour. Au niveau européen, nous en sommes environ à 1.000 ventes par jour.

Estimez-vous que le haut débit a plus d'avenir que le flat rate?
Economiquement, le flat rate à 100 francs par mois n'est pas viable aujourd'hui. En plus, à ce prix-là, l'infrastructure technique européenne ne permet pas d'offrir une qualité de service à la hauteur des attentes des abonnés. Les FAI qui se sont lancés dans le flat rate s'en sont d'ailleurs tous aperçus. Le meilleur modèle illimité est le haut débit, qui offre un vrai confort d'utilisation. Mais il faut qu'il soit proposé à moins de 300 francs par mois. C'est le seuil psychologique que nous avons observé.

La France est-elle en mesure de combler son retard en matière de taux de pénétration Internet ?
La France a démarré très tard sur l'Internet. Peut-être à cause du Minitel mais aussi parce qu'il n'existait pas ici, pendant longtemps, d'entrepreneurs de la Nouvelle Economie. Aujourd'hui, la France est alignée avec les autres pays européens sur le plan des télécoms. La barrière provient plus du prix des PC, qui doit encore baisser. Je pense que la France va rattraper son retard. Ce ne sera pas immédiat mais, disons, qu'à l'horizon 2004 le taux de pénétration sera aligné avec ceux des principaux pays européens.

 
Propos recueillis par Ludovic Desautez

PARCOURS
 
Nicolas Dufourcq, 37 ans, est passé par HEC et l'ENA avant d'intégrer l'Inspection des Finances. Il a notamment travaillé sur le rapport Minc concernant "La France de l'an 2000". Entré à France Télécom en 1994, il s'occupe dans un premier temps du changement de statut, de la réforme des retraites et des négociations avec l'Etat et les partenaires sociaux. Par la suite, il prend en charge la division multimédia, qui couvre l'audiovisuel (câble, TPS, participations de France Télécom dans des chaînes thématiques, etc.), les activités annuaires, la télématique et l'Internet.

   
 
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