JDNet.
Quelle analyse portez-vous sur les résultats de Wanadoo ?
Nicolas Dufourcq.
Wanadoo est une société
encore en période de croissance et dont les fondamentaux
sont bons. Nous avons des objectifs forts pour faire partie
des trois premières sociétés Internet
européennes d'ici 2003. A cette échéance,
nous visons 10 millions d'abonnés au plan européen.
Nous visons également un EBITDA positif, donc la rentabilité,
dès la fin du quatrième trimestre 2002.
Malgré
ces objectifs, le titre de Wanadoo ne bénéficie
d'aucun traitement de faveur sur les marchés.
Comment l'expliquez-vous ?
La déprime actuelle des places financières correspond
à une sanction directe de la surévaluation du
secteur Internet au début 2000. Le gros problème
est que la correction à laquelle nous assistons en
ce moment n'est pas discriminante et met au même niveau
des valeurs qui ne sont pas comparables et qui n'ont pas le
même périmètre. A cela, s'ajoutent les
profit-warnings qui sont autant de paliers violents d'ajustement.
Il faut donc attendre que les marchés deviennent enfin
plus sélectifs. A ce moment-là, les investisseurs
comprendront que l'acquisition de FreeServe par Wanadoo est
une bonne opération si on la compare aux opérations
Club Internet/T-Online ou Multimania/Lycos.
A quel
horizon estimez-vous cette sélectivité sur les
valeurs Internet ?
Ce
que j'explique lors de l'Assemblée générale
des actionnaires, c'est qu'il est important de ne pas se laisser
emporter par le marasme boursier actuel. Wanadoo est un titre
à conserver, qui prendra toute sa valeur à l'horizon
2003. Wanadoo subit actuellement le fait d'avoir été
cotée jeune. Et on ne peut pas dire d'un enfant qu'il
est génial en regardant simplement son parcours sur
une année scolaire. En fait, c'est un peu comme une
bonne bouteille de Bordeaux, qu'il faut savoir ne pas consommer
tout de suite...
Allez-vous
poursuivre une politique de croissance externe agressive ?
Nous
ne mènerons plus d'opération de l'envergure
de FreeServe, notre implantation européenne actuelle
nous offrant une assise largement suffisante. En revanche,
étant donnée la rationalisation en cours dans
le secteur Internet, nous ne nous interdisons pas des acquisitions
opportunistes de moindre ampleur.
Dans quels
domaines pourriez-vous réaliser ces acquisitions ?
Les portails et les services
professionnels sont des domaines où nous pourrions
être opportunistes. Sur le commerce électronique,
je suis plus dubitatif. Je pense qu'à partir de notre
existant, il est plus facile et judicieux d'ouvrir
un rayon supplémentaire plutôt que d'opérer
une croissance externe.
Vous
abandonnez donc l'idée de reprendre FreeNet et de mettre
un pied en Allemagne ?
Pour l'instant oui. Et de toute façon, si j'en crois
les rumeurs, les seules "vagues" négociations
que nous avons eu dans ce sens l'an dernier n'ont pas duré
plus de quinze jours.
Vous
venez de poser le pied en Algérie avec
une participation au capital du fournisseur d'accès algérien
EEPAD. Est-ce une zone géographique
sur laquelle vous vous autorisez une croissance externe ?
En Afrique du Nord, nous ne sommes pas sur un marché
où les prises de participation ont un coût comparable
à l'Europe. En nous y implantant, nous visons le long
terme sur plus d'une dizaine d'années. Et puis il serait
dommage de laisser la Méditerranée francophone à d'autres
acteurs comme le Canada...
Un partenariat
fort avec un grand groupe média, comme celui que viennent
de signer T-Online et la ZDF, vous tente-t-il ?
Dans
l'immédiat, je n'en vois pas l'intérêt.
Pour que ce type de partenariat soit viable, il faut réellement
qu'il apporte un échange de savoir-faire des deux côtés.
Si l'objectif est juste de créer un tremplin média
pour des activités Internet, alors je trouve la démarche
inquiétante. La télévision n'a pas eu
besoin de la radio pour s'imposer. L'Internet doit avoir son
audience propre, son intelligence et inventer son type de
communication.
Wanadoo
est-il également victime du ralentissement du marché
publicitaire online ?
L'année 2000 a été
extrêmement électrique sur le plan du marché
publicitaire Internet. Nous avons atteint des pics en juin.
A l'époque, nous proposions un CPM [coût pour
mille, NDLR] de 35,5 euros. Ces tarifs n'étaient
pas tenables, car il n'y avait aucune raison pour que l'Internet
soit un support média plus cher que les autres. En
décembre, notre CPM est tombé à 28,9
euros et depuis, il a encore baissé. Le ralentissement
a été surtout perceptible depuis le 10 décembre,
les dotcoms s'effaçant parmi les annonceurs. Malgré
ce très net coup de frein, nous conservons la prime
au leader. Wanadoo, qui génère 7% du trafic
Internet en France, occupe 20% du marché de la publicité
online. En 2000, la publicité sur les portails a généré
un chiffre d'affaires de 30 millions d'euros pour Wanadoo.
En 1999, nous en étions à 30 millions, mais
de francs.
Comment
expliquez-vous ce ralentissement publicitaire ?
L'arrivée des acteurs
"mortars" est plus longue que prévue. Alors
que 16% des Français surfent aujourd'hui sur Internet,
seulement 10% des annonceurs sont venus sur ce nouveau support.
Le potentiel est donc énorme, d'autant que l'Internet,
et toutes les études le montrent, se révèle
un support très fort pour les marques. C'est une
révolution pour un média qui raisonnait, il
y a encore peu, avec des taux de clic... Les "mortars"
analysent
aujourd'hui l'Internet, essayent de le comprendre pour ne
pas commettre les mêmes erreurs. Ils observent mais
les cours de Bourse actuels les impressionnent encore. Je
pense que le déclic pour eux aura lieu cette année,
après la rentrée.
Vous
avez annoncé que Wanadoo frôlait la barre des
5 millions d'abonnés en Europe. Quelle est la part
du haut débit ?
Nous avons aujourd'hui plus de 170.000 abonnés haut
débit, dont 75.000 par la câble et 95.000 en
ADSL. Le haut débit rencontre un succès croissant.
Depuis le lancement des packs ADSL en France, nous enregistrons
800 ventes par jour. Au niveau européen, nous en sommes
environ à 1.000 ventes par jour.
Estimez-vous
que le haut débit a plus d'avenir que le flat rate?
Economiquement, le flat rate à 100 francs par mois
n'est pas viable aujourd'hui. En plus, à ce prix-là,
l'infrastructure technique européenne ne permet pas
d'offrir une qualité de service à la hauteur
des attentes des abonnés. Les FAI qui se sont lancés
dans le flat rate s'en sont d'ailleurs tous aperçus.
Le meilleur modèle illimité est le haut débit,
qui offre un vrai confort d'utilisation. Mais il faut qu'il
soit proposé à moins de 300 francs par mois.
C'est le seuil psychologique que nous avons observé.
La
France est-elle en mesure de combler son retard en matière
de taux de pénétration Internet ?
La France a démarré très tard sur l'Internet.
Peut-être à cause du Minitel mais aussi parce
qu'il n'existait pas ici, pendant longtemps, d'entrepreneurs
de la Nouvelle Economie. Aujourd'hui, la France est alignée
avec les autres pays européens sur le plan des télécoms.
La barrière provient plus du prix des PC, qui doit
encore baisser. Je pense que la France va rattraper son retard.
Ce ne sera pas immédiat mais, disons, qu'à l'horizon
2004 le taux de pénétration sera aligné
avec ceux des principaux pays européens.
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