JDNet.
Comment avez-vous pris position sur Internet ?
Thierry Ehrmann. Groupe Serveur a découvert
l'Internet en 1987. Nous sommes devenus fournisseur
d'accès Internet professionnel en mars 1989,
à l'instar de Calvacom. A l'époque, le
World Wide Web n'existait pas donc nous exploitions
le FTP (file transfert protocol). Ensuite, nous avons
fait partie des pionniers des FAI gratuits. C'était
une niche avant l'arrivée de World Online ou
de Liberty Surf. Mais nous avons rapidement arrêté
l'expérience car c'était à mon
sens un gouffre financier. En fait, nous considérions
surtout Internet comme un moyen de distribution de produits
numériques. Nous avions d'ailleurs écarté
d'entrée toute vente de biens matériels
ou de prestations de services. Notre croyance est dans
la base de données et dans l'information à
forte valeur ajoutée.
Pourquoi
ce choix de vous concentrer sur les bases de données
?
C'est
une activité très rentable, même
si vous perdez de l'argent obligatoirement les deux
premières années. C'est le cas de notre
filiale ArtPrice, cotée en bourse, actuellement.
Les charges de départ pour constituer la base
de données, sont en effet énormes. Vous
avez besoin de nombreux ingénieurs, de juristes,
de documentalistes, etc. Mais, une fois ce travail effectué,
les investissements sont minimes. Il suffit de faire
les mises à jour. Ce modèle qui s'est
accéléré avec Internet n'est pas
nouveau, c'est celui des agences de presse financière
depuis un siècle. On emprunte la voie de Reuters
pour qui l'information vendue doit dégager une
plus-value pour le client. Nous estimons que si une
personne achète pour 4 dollars une information
sur le marché de l'art à Artprice.com,
elle doit en tirer un bénéfice de 200
dollars par l'avantage qu'elle lui procure. Au
niveau commercial, il faut également comprendre
que si la banque de données est de bonne qualité,
elle sera obligatoirement captive. Les personnes ou
groupes qui l'utiliseront seront prêts à
payer
- et cher - pour y retourner. Selon nous, ce concept
permet donc de dégager de fortes marges sur Internet.
Nous disons dans le métier que, au bout d'un
certain temps, "quand les charges prennent l'escalier,
les bénéfices prennent l'ascenseur".
Mais on ne
peut pas faire cela dans tous les secteurs. Sur l'information
sportive, par exemple, à moins d'être bookmakers
à Londres, cela n'aurait aucun intérêt.
Et c'est également pour cela que nous préférons
les marchés opaques, où l'information
circule mal.
Groupe
Serveur est dédié à 'la dérèglementation
des marchés opaques". Cela se traduit comment
sur Internet ?
Quand je dis "opaque", ce n'est pas toujours
le fait de dissimuler volontairement des informations.
C'est aussi la difficulté d'y accéder.
Par exemple, le droit communautaire est opaque. En résumé,
nous nous mettons sur des marchés sur lesquels
un petit nombre d'individus détiennent une somme
d'informations maximum. J'ai considéré
que trois marchés globaux allaient être
bouleversés par Internet de par leur fonctionnement
opaque : les matières premières,
les marchés financiers et le marché de
l'art.
Concrètement, sur quels
projets Internet travaillez-vous ?
Dans
les matières premières, nous nous concentrons
sur le secteur chimique. L'objectif sera de mettre en
place un intranet entre les producteurs et les acheteurs.
Je connais bien le problème car nous avons débuté
dans le secteur en Allemagne. En juillet, nous avons
également racheté à Jet Multimédia
le Serveur Judiciaire, leader sur les banques de données
économiques en France.
Dans moins d'un mois, il existera des versions internet
de ce service, à l'adresse Serveurjudiciaire.com
(Judicialserveur.com, en version anglaise).
Comment percevez-vous l'éclatement
de la bulle Internet et le marasme qui s'est installé
depuis ?
Ce
qui est regrettable, c'est que les gens de l'Internet
portent comme une croix le cliché "les dotcoms
ont tué l'économie avec la bulle boursière".
Il y a eu des erreurs et des modèles contestables,
certes. Mais cela ne pèse rien comparé
à la folie des opérateurs de télécoms.
98% de la dette financière actuelle sur les marchés
financiers est liée à cet unique secteur.
Juste un chiffre : France Télécom a levé
récemment un obligataire d'un milliard d'euros
pour couvrir l'échéance d'octobre. Cette
somme correspond quasiment à l'ensemble des levées
de fonds sur le Nouveau marché lors des introductions
des dernières années. Dans ces conditions,
je ne comprends pas que l'on puisse nous donner des
leçons. Grâce
aux nouvelles technologies, il y avait une impulsion
en Europe et elle a été broyéee
par les grands opérateurs. Sans compter la perte
pour les particuliers en Bourse, des personnes qui avaient
confiance dans le statut de ces grandes sociétés.
Sur le Nouveau marché, il y a eu beaucoup plus
d'avertissements sur les jeunes sociétés
Internet que lorsque France Telecom réalisait
ses opérations financières. Or, nous nous
apercevons que le risque n'était pas moins grand.
D'ailleurs, le taux de mortalité des sociétés
Internet reste inférieur à celui des entreprises
traditionnelles. Il faut donc continuer à encourager
les gens à se tourner vers ces nouvelles technologies.
Plaidez-vous
pour un engagement plus fort de la part du monde politique
concernant les NTIC ?
Certainement. En 1997 pour la première fois,
à Hourtin, j'avais trouvé que Lionel Jospin
avait un vrai discours politique sur le sujet. Il y
a eu malheureusement des passages à vide depuis.
Quand je vois que la fonction publique sera sur internet
uniquement en 2005, cela me fait peur. En France, on
est en train de voir s'éteindre l'histoire d'Internet
à cause de gens qui n'ont pas mesuré les
enjeux et surtout qui n'ont jamais fait partie de notre
histoire. Je pense d'ailleurs que nous allons mettre
en place un comité pour peser sur le débat
présidentiel à ce sujet. Les politiques
doivent essayer de réfléchir à
l'avenir des nouvelles technologies plutôt que
d'avoir le nez rivé sur les marchés financiers
ou sur l'UMTS qui est une escroquerie technologique
et financière à l'heure actuelle. Par
ailleurs, je reste persuadé que les télécoms
ne sont peut-être pas l'avenir d'Internet. L'électricité
est une piste à creuser. Elle est déjà
exploitée en Allemagne avec AEG. Avec 30 prises
par foyer en France et un réseau beaucoup plus
dense que celui des télécommunications,
c'est certainement un moyen d'avenir. Ce problème
appartient à Lionel Jospin, où à
son successeur, qui devra décider si oui ou non,
EDF doit devenir fournisseur d'accès. De toute
façon, il faut que le haut-débit arrive
rapidement et les opérateurs télécom
devront libérer la bande passante. Seulement
ces mastodontes, qui tirent leurs dernières cartouches
à mon sens, ont tendance à gagner du temps.
France Télécom en est l'exemple. C'est
pathétique car ils n'ont rien anticipé.
Vous
exploitez largement la thèse de Jeremy Rifkin
sur la dématérialisation de l'économie.
Le monde que l'on nous prédit ne vous inquiète-t-il
pas alors que vous vous qualifiez volontiers de gauchiste
libertaire?
Notre vie va devenir une marchandise et Rifkin a raison.
C'est terrorisant mais c'est comme cela. Jean-Marie
Messier [PDG du groupe Vivendi-Universal] l'a
d'ailleurs très bien compris. Si je le considère
comme un homme dangereux, il reste malgré tout
un visionnaire. Mais, à contrario, n'oubliez
pas que le citoyen s'éveille dans ce système.
Une seule personne peut demain répondre à
l'arrogance d'une multinationale si elle le souhaite
via Internet. Un seul consommateur peut donner son avis
de manière mondiale. L'affaire Danone n'est que
le début de cette contestation. Sur l'Intranet
de Groupe Serveur, je découvre une violence et
des débats qu'on ne voyait pas avant l'arrivée
des réseaux. Un vrai dialogue s'instaure. Nos
syndicats ont d'ailleurs dit que l'Intranet étaient
en train de les évincer du système. Tous
ces éléments donnent à penser qu'on
est au début d'une grande révolution.
Une
théorie qui ne fait pas forcément l'unanimité...
Effectivement,
j'accepte la critique et la peur que peut engendrer
Internet. Mais, à mon avis, Internet gêne
surtout une caste de nantis qui a très bien compris
que la domination sociale et le principe de l'Etat-Nation
allaient être remis en question par ce média.
Dans
les hautes sphères, je vois des gens qui ont
une haine viscérale d'Internet et qui la développent
autour d'eux. Ces conservateurs ont bâti une partie
de leur patrimoine et forgé leur esprit, depuis
plusieurs générations, sur la rétention
d'informations, et sont donc fondamentalement opposés
aux concepts que véhicule Internet.
En 2002, je prédis un retour violent vers le
média Internet et un nouvel élan.
La galaxie d'activités de Groupe Serveur
Sociétés
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Commentaires
|
Les
entités à part entière
|
Serveur
Judiciaire SA
|
Fédération
de plusieurs centaines de journaux d'annonces.
Une fusion a été réalisée
avec le Groupe Jet Multimédia. En juillet,
Groupe Serveur a repris le contrôle du service.
|
Le
Serveur Administrateur
|
Banques
de données juridiques et codes de lois
papier
|
Le
Serveur Internet
|
SSII
(dépôt de noms de domaine) qui dispose
d'une filiale DTR (banques de données médicales)
|
@ccès
Internet
|
FAI
grand public
|
Chemical
Server
|
Banque
de données mondiale Intranet des principaux
producteurs et intermédiaires de chimie
|
Régional
Press Agency
|
Agence
de presse internationale, filiale à 75%
du groupe Serveur
|
Serveur
Telecom
|
Opérateur
télécom
|
Tracing
Server
|
Traçabilité
des produits
|
ArtPrice.com
|
Créee
en février 1997, Artprice.com est une base de
données de toutes les ventes d'art aux enchères
publiques. Introduit sur le Nouveau Marché
en janvier 2000. Thierry Ehrmann est détenteur
à 60% d'ArtPrice.com et a comme actionnaire
minoritaire Bernard Arnault.
|
Les
prises de participations
|
Vendôme
de Gestion et de Participation
|
4
pôles :
> Centre d'affaires Multiburo (Activité
de locations de bureaux)
> Investissement
Lyonnais (administration de bien)
> VGP
Santé (Pôle médical)
> VGP
Net (Pôle RD)
|
Editing
Server
|
Participation
de 25% dans l'agence de presse photographique
qui dispose de deux pôles (Editing agence
de presse généraliste et Editing
Corporate)
|
Digital
Business
|
Participation
de 7% dans le capital de la société
d'étude et d'informations sur les NTIC.
En liquidation judiciaire depuis le 29 août.
|
Conception Editoriale
|
Prise
de participation de 20% dans l'agence spécialisée
dans le journalisme documentaire et la constitution
de banques de données verticales.
|
News
Bourse Group
|
Une
"participation stratégique" (cf article
JDNet du 13/08/01)
|
|