INTERVIEW
 
PDG démissionnaire
Nomade
Gilles Ghesquière
"Titre"
L'un des co-fondateurs de l'annuaire en ligne a décidé de reprendre sa liberté. Après cinq ans aux commandes de Nomade, Gilles Ghesquière quitte la société qu'il avait créée en 1996 et cède la présidence à Jean Postaire. Le guide de recherche, propriété de LibertySurf Group depuis 1999, recense 140.000 sites francophones et fait partie des portails français les plus regardés. Selon Cybermétrie, il enregistre 40 millions de pages vues par mois. L'outil a accompagné le développement de l'Internet en France.09 mars 2001
 
          
JDNet. Pouvez-vous éclaircir les circonstances de votre départ?
Gilles Ghesquière. Ma décision remonte à l'été 2000. Je suis resté pour m'assurer que mon départ n'aurait pas d'incidence majeure sur la structuration de la société. Je laisse la présidence à Jean Postaire, qui est mon associé et co-fondateur historique de Nomade. J'ai une volonté d'indépendance qui me pousse vers une nouvelle aventure. Avant de recommencer, je pars en voyage. Je repartirai sur un projet a priori en fin d'année.

Votre départ est-il lié aux chamboulements actuels dans le groupe LibertySurf (rachat par le FAI Tiscali, départ du PDG Pierre Besnainou, etc.) ?

Non, j'avais prévu mon départ depuis l'été dernier. Il n'y a aucune corrélation.

L'annuaire Nomade a été lancé en 1996. Quelles ont été ses grandes étapes ?
Le financement initial du projet n'a pas été évident. On était sur un marché où il y avait très peu d'internautes. C'était un challenge de réunir la somme auprès de particuliers, ce qu'on a fait. Le 2 juillet 1996, on a mis en ligne l'annuaire, après trois mois de travail intensif. Après, nous avons fait une nouvelle version de Nomade chaque année. Nous avons adopté différentes technologies d'indexation. D'annuaire, nous sommes devenus moteur de recherche. D'abord avec la société Echo, puis AltaVista et enfin Inktomi. D'un point de vue capitalistique, l'entrée de Sofinova dans le capital de la société - trois ans après sa création - a été importante. Nous avons levé près de 4 millions de francs. Nous avons pu étoffer l'équipe, développer la communication et les produits.
En juillet 1999, nous avons cédé la majorité du capital à LibertySurf. A cette époque, il y avait une accélération très forte du marché à un moment où nous étions sous-capitalisés. Le fait de nous adosser à un grand groupe nous a permis de répartir des investissements et de générer du trafic. Nous apportions de notre côté une expertise en terme de plate-forme et de régie publicitaire. C'est la base de ce qui est devenu LibertySurf Group Advertising. Avec le recul, je pense que nous avons bien vendu. [NLDR: il est difficile de savoir le prix réel de vente. A l'époque, on parlait d'un rachat à 120 millions de francs. Sur le document d'introduction en Bourse de LibertySurf en février 2000, on parle de 17 millions d'euros consacrés à l'acquisition de l'opérateur X-Stream, du site de communauté Respublica et de Nomade].

Avez-vous eu des doutes à un moment donné sur le modèle économique de Nomade, basé sur la publicité en ligne ?
Non. Et je n'en ai toujours pas. Même si on doute beaucoup de la capacité des sites médias de vivre sur la publicité, ce n'est pas mon avis. Un site média peut générer un trafic significatif sur des pages vues monétisables. Un moteur de recherche a une audience et une capacité de ciblage que n'ont pas d'autres sites de même nature, comme les pages persos. Mais nous allons diversifier nos sources de revenus, développer des services payants à valeur ajoutée, par exemple.

Quel type d'idées auriez-vous aimé développer pour le compte de Nomade ?
On auraît bien voulu faire les enchères ou l'e-mail gratuit. Mais nous avons préféré nous focaliser sur notre métier pour des raisons de ressources.

Et développer Nomade en international ?

On a essayé. Dès 1997, nous avions commencé à créer des liens avec des équivalents européens de Nomade. On l'a développé sous l'aspect commercial pour proposer une offre pan-européenne aux annonceurs. Le réseau s'appelait All Europe et regroupait notamment l'espagnol Olé et l'Italien Virgilio. En 1998, nous avions abordé une possibilité de fusion avec ces acteurs mais c'est resté informel. Début 1999, le réseau a perdu de sa vigueur quand Olé, Virgilio et nous-même avons rejoint des groupes différents.

Estimez-vous possible de monter un nouveau Nomade maintenant ?
C'est très difficile car cela nécessiterait des moyens importants, à moins de bénéficier de nouveaux services technologiques innovants, source de trafic pour un portail.

Vous êtes confiant dans l'avenir de Nomade ?
Tout à fait. On fait partie du top 5 pour les recherche d'informations sur Internet. Je suis confiant dans la qualité du produit et sur son marketing. On devraît continuer à croître sur le marché publicitaire. On a moins investi que des concurrents pour des services plus difficiles à monétiser.

Dans une page perso montée par l'équipe de Nomade à l'occasion de votre départ, on peut voir la première version de l'annuaire. Ca vous rend nostalgique ?
J'ai des très bons souvenirs mais aussi des mauvais : des crash de sites de 36 heures avec un webmaster parti aux Etats-Unis et donc impossible à joindre. Avec Nomade, on était parti en pensant qu'il y avait une vraie place à prendre. C'était une vraie aventure entrepreneuriale. On savait que Yahoo.com n'était pas adapté pour la France. On a cherché à faire mieux sur les sites francophones.

Vous avez aussi des activités de "business angel". Pouvez-vous faire le point sur les projets dans lesquel vous vous êtes impliqué?
Je suis le réseau de "city guides" Cityvox.com quasiment depuis le début. De même pour Sport4Fun.com, un spécialiste du pronostic sportif. J'ai fait deux autres investissements hors Internet : KeyStone (des "chasseurs d'appartements") et un coup de coeur, Kosatis (objet publicitaire). En tout, j'ai investi environ 5 millions de francs. C'est un métier que j'aime bien mais je n'en ferais pas une activité à plein temps.

Vous "pesez" combien ?

Je ne vous dirais pas combien je pèse. Je considère que c'est un élément de ma vie privée et je suis plutôt quelqu'un de réservé. Nomade m'a apporté une indépendance financière mais c'est surtout une expérience professionnelle enrichissante.

Quel est votre site d'information favori ?
Le site du Wall Street Journal.

Pour vos loisirs, quels sites consultez-vous ?
Je me suis mis à Napster (service d'échange de fichiers musicaux) depuis que j'ai un tuyau plus important. C'est génial mais avec un gros problème de copyright. Ca ne va pas durer mais je vais en profiter un peu.

Qu'aimez-vous sur Internet ?
Le foisonnement d'informations et le fait que l'accès Internet se démocratise.

Que détestez-vous sur Internet ?
La lenteur des connexions. Je réclame plus de bande passante pour surfer normalement.
 
Propos recueillis par Philippe Guerrier

PARCOURS
 
Gilles Ghesquière, 38 ans, co-fondateur et PDG de Nomade, a plus de dix ans d'expérience dans l'industrie des services en ligne en France et aux Etats-Unis. Avant de créer Objectif Net (société qui édite Nomade), il était directeur commercial de la société de serveurs vidéotex et vocales MG2 Technologies (1992-1995). Auparavant, il était chef de produit de la société Carte Expert (filiale France Télécom et Crédit Lyonnais) qui a développé une passerelle d'information en ligne pour les PME françaises (1990-1992). Gilles Ghesquière a commencé sa carrière en tant qu'ingénieur commercial pour des logiciels de gestion documentaire et des prestations d'édition électronique à Télésystèmes Questel, le serveur de bases de données de France Télécom de 1985 à 1987. De formation European Business School-Paris (1984), il a poursuivi ses études en 1987 à la Boston University avec l'obtention d'un Master of Science of Broadcast Administration (1989).

   
 
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