INTERVIEW
 
Président
IE-Club
Maurice Khawam
"Les acteurs qui gagnent sont ceux qui savent employer les réseaux"
Créée à l' initiative de quelques acteurs du capital-risque comme :Maurice Khawam (ETF Group) ou Didier Benchimol (CDP Capital), ou du conseil comme Annie Antola (Ernst & Young), l'IE-Club entend permettre à des sociétés expérimentées de faire profiter de leur expérience les jeunes pousses. Il se présente aussi comme "un lieu de réflexion et le point de départ d'un réseau relationnel". Il organise notamment trois à quatre manifestations par an, et proposera le 22 janvier prochain une manifestation baptisée "Innovation en Europe : les piliers de l'éocnomie de demain". Maurice Khawam, président de l'IE-Club, détaille les objectifs et les missions de l'association et livre son diagnostic sur la "tech-economie" et le secteur du capital-risque.
13 octobre 2003
 
          
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JDN. L'IE-Club affirme regrouper des "investisseurs et entrepreneurs de la tech-économie". Qu'est-ce que cela signifie ?
Maurice Khawam. La tech-économie, c'est l'économie de l'innovation à travers la technologie. Grosso modo, cela recoupe trois grands secteurs : la technologie pure et dure (les sociétés qui par leur R&D créent des produits qui seront vendus), les sociétés qui mettent en place un modèle basé sur un service conduit par la technologie, et enfin, celles qui continuent à opérer sur des marchés avec des produits traditionnels ou nouveaux mais dont le modèle a été transformé grâce à la technologie (e-commerce, géolocalisation, etc).

C'est un lobby de plus ?
Notre angle est la défense des intérêts des investisseurs et des entrepreneurs de la tech-économie. Toutes les actions que nous menons le sont à partir de la réflexion de ces acteurs.

Mais vous ne rejetez pas le terme de lobby…
C'est une des choses que l'on fait, pas forcément celle que l'on fait le mieux aujourd'hui, mais elle est de plus en plus importante, notamment parce que notre volonté est de créer un réseau européen.

Quelle est la genèse de ce club?
Nous avons commencé notre action début 2000, à une époque où les enjeux étaient très différents d'aujourd'hui. Nous avons d'abord essentiellement œuvré à créer notre réseau, dans une réflexion très liée à l'Internet.

Mais depuis 2000, l'environnement a beaucoup changé…
Nous avons d'abord été un club de réflexion sur les modèles de l'Internet. On était certes en pleine euphorie, mais il y avait une réelle recherche de nouveaux modèles. A présent, cette compréhension de l'Internet est acquise et nous voulons plus être une force de proposition. L'objectif est d'aider les acteurs qui se sont réinventés pour survivre et qui ont besoin aujourd'hui d'un lieu de discussion.

Concrètement, quels sont vos objectifs ?
Notre défi est de saisir l'opportunité de l'Europe. Auparavant, une société devait aller aux Etats-Unis pour se développer. Aujourd'hui, l'Europe démultiplie la taille du marché et donne à l'entreprise un potentiel de valorisation beaucoup plus important. Il est donc important à nos yeux de démystifier le développement européen, d'abord à travers des intervenants que nous souhaitons de plus en plus européens et aussi à travers des actions de lobbying pour obtenir une harmonisation des règles permettant la création d'un statut de jeune entreprise innovante européenne. Il faut qu'une entreprise qui se crée à Paris ou à Munich n'ait pas à affronter des règles différentes dans chaque pays. Cette réflexion est en train de converger dans un livre blanc qui sera remis lors de notre manifestation de janvier aux différents acteurs. Un autre de nos combats est le statut de l'entrepreneur, qui n'est pas suffisamment protégé aujourd'hui. Il n'a pas exemple pas la couverture sociale d'un salarié, ce qui n'est pas normal à nos yeux. Nous mettons aussi en avant la structure du produit de l'entreprise innovante, qui n'est pas protégé comme il l'est aux Etats-Unis par le Small Business Act.

Ces problématiques sont certes européennes, mais ont aussi une dimension française...
Nous avons des contacts officiels avec le cabinet du Premier ministre où nous avons des échos sympathiques. Mais nous souhaitons aller plus loin, par exemple pour que le statut de l'entrepreneur soit reconnu par une législation. Il n'est pas normal qu'un entrepreneur qui a pris des risques ne soit pas protégé par la loi, comme un salarié. Ensuite, il faut que ces législations soient implémentées au niveau de l'Europe. Cela permettra aux sociétés de se développer dans les autres pays.

Que représente l'IE-Club aujourd'hui ?
C'est un comité exécutif d'une quinzaine de personnes et 150 membres qui appuient l'action de l'IE-Club vers une communauté d'environ 10.000 personnes. On y retrouve l'investisseur au sens large, celui qui investit en argent et en temps, des consultants et des entrepreneurs. Globalement, c'est un mélange d'innovation et de finance.

Dans la tech-économie comme dans le reste de la société française, les choses ne bougent-elles qu'à travers les réseaux ?
Je pense que nous sommes dans une société de réseau de façon générale. Les projets d'innovation aujourd'hui ayant d'emblée une dimension multiple - technologique, financière et partenariat -, les acteurs qui gagnent sont ceux qui savent employer les réseaux. Et le facteur temps est de plus en plus important, d'où la nécessité d'avancer à un certain rythme. Un bon patron de jeune entreprise doit être "connecté" et savoir faire intervenir les différents acteurs.

Cela ne favorise-t-il pas eux qui sont installés au bon endroit, à Paris par exemple ?
C'est vrai que nous sommes dans un pays assez centralisé, mais nous souhaite avoir des centres d'excellence européens, dans des régions et des environnements bien précis à l'exemple de Grenoble ou de la Bretagne autour des télécoms. Je crois que des organisations comme la notre œuvrent à élargir les réseaux et à faire que des gens qui n'y avaient pas forcément accès puissent rentrer dans cette logique pour développer leur entreprise. Si on peut aider un jeune patron d'entreprise à réfléchir avec nous, à démultiplier ses canaux de communication, à faire passer ses idées à un maximum de gens, à européaniser sa réflexion, alors on aura atteint notre objectif. Nous le faisons dans une logique associative qui incite à dire que ce réseau appartient à tout le monde et qu'il suffit d'apporter un peu du sien pour en profiter.

Comment jugez-vous l'environnement de la tech-économie aujourd'hui ?
Il faut être prudent, mais le Nasdaq a progressé de 50% par rapport à son plus bas, ce qui est une preuve de la vitalité de cette industrie et ce qui rassure les gens. Les sociétés dont le plan de développement est réaliste intéressent les investisseurs. J'en ai vu récemment plusieurs qui n'ont pas réussi à lever des fonds en 2002 mais reviennent aujourd'hui à la charge dans des environnements plus ouverts.

A propos de Bourse, certains évoquent un risque de nouvelle bulle. C'est votre avis ?
Je ne pense pas, parce qu'on était descendu en dessous de ce qui était réaliste. Il est possible qu'il y ait des ajustements, mais je ne vois pas de risque de bulle dans cet environnement que je qualifie de prudent.

Et comment se porte le capital-risque ?
Lever des fonds reste un exercice difficile, car les investisseurs sont exigeants quant aux perspectives de développement des sociétés, mais encore une fois, des projets bien mesurés entre coûts et perspectives de développement rencontrent des investisseurs.

Donc le capital-risque redémarre?
Ceux qui sont toujours là ont un peu plus de repères aujourd'hui. Nous sommes passés par une phase difficile, et même si l'on n'en est pas complètement sorti, nous sommes un tout petit peu plus sereins qu'il y a douze mois.

Moutonniers, excessifs, frileux, etc... Les reproches adressés aux capitaux-risqueurs vous semblent-ils mérités ?
Cela a été mérité à une époque. Nous avons été pris dans une hystérie collective où émergeait tous les six mois de grands thèmes à la mode. Du coup, on se retrouvait dans des projets équivalents avec des comportements similaires, ce qui était effectivement moutonnier. Je crois qu'aujourd'hui nous avons tous fait notre mea culpa, investisseurs et entrepreneurs. Les premiers sont revenus vers une très grande sélectivité. Et les seconds sont motivés et dynamiques mais ont déjà une certaine expérience dans le domaine où il souhaitent se développer. On revient aux notions de base et on a oublié ce qui polluait la réflexion, à l'époque où l'on parlait tellement de business model qu'on n'avait plus aucune réflexion autour du produit. On revient aussi à une plus grande spécialisation des investisseurs. Vouloir être dans différents secteurs, à différents niveaux d'intervention et dans plusieurs entreprises, c'est un risque difficile à assumer quand les temps vont mal.

Le milieu aurait donc retrouvé sa crédibilité?
Je ne dirais pas qu'il l'a tout à fait retrouvée, mais j'espère que dans les deux prochaines années, on pourra montrer à nos investisseurs et grâce à nos entrepreneurs que nous avons fait le mea culpa nécessaire.

Que manque-t-il à la tech-économie pour que son redémarrage soit total ?
Les donneurs d'ordres qui avaient surinvesti ont pris de plein fouet le balancier du ralentissement de l'économie. Quand les grandes sociétés vont reprendre le chemin de l'investissement, il faut que cela s'accompagne de passages d'ordres vers les jeunes entreprises. Nous somme très vigilants et nous insistons pour que cette reprise soit non seulement celle des grands acteurs technologiques mais aussi celle des jeunes entreprises, afin que ces dernières ne restent pas au bord de la route.

 
Propos recueillis par François Bourboulon

PARCOURS
 
Lire le parcours de Maurice Khawam dans sa fiche du Carnet des mangers du JDN.

   
 
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