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Jean-Claude Larue
Délégué général
Sell (Syndicat des éditeurs de logiciels de loisirs) |
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Jean-Claude Larue
"Sans le piratage, le chiffre d'affaires des jeux vidéo triplerait"
Le Syndicat des éditeurs de logiciels de loisirs a suscité la polémique en annonçant vouloir traquer les plus gros téléchargeurs pirates sur le web. Son délégué général fait le point sur l'état du marché, son avenir, et sur le business model des jeux en ligne et sur mobile. Il prévoit notamment que d'ici quatre ans, les jeux en ligne représenteront le quart du marché des jeux vidéo.
(07/04/2005) |
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JDN. Quel est l'état du marché des jeux vidéo ?
Jean-Claude Larue. Il va bien. Nous avons terminé l'an dernier à
1,2 milliard d'euros de chiffre d'affaires, soit une croissance
de 12 % par rapport à 2003. Le record a été
battu en 2004, avec 32 à 33 millions de produits
vendus. Pourtant, on aurait pu s'attendre à une
année pauvre car aucune nouvelle console n'a été
lancée, ni PS3, ni X-Box 2, par exemple. Cela prouve
que le secteur continue de progresser. Il arrive aujourd'hui
au quatrième rang des produits culturels consommés,
derrière la télévision payante, la
vidéo et la musique. On estime que dans deux ans,
les jeux auront rattrapé la musique. Il faut noter
que le marché mondial des jeux vidéo représente
25 à 27 milliards d'euros.
Quelle est la part des jeux vidéo en ligne sur ce marché ?
Pour le moment, ils ne dépassent pas quelques pour
cent car on a connu une longue phase de tâtonnement.
Mais le succès récent de World of Warcraft
a montré que le jeu en réseau disposait
désormais d'un vrai modèle économique.
Plusieurs millions de joueurs dans le monde ont acheté
le jeu puis se sont abonnés pour jouer en réseau,
pour 10 à 12 euros par mois. Avec plusieurs millions
d'abonnés payant 120 euros par an, on voit qu'un
vrai business est en train de naître. D'ailleurs,
d'ici quatre ans, les jeux vidéo en ligne représenteront
un quart du marché.
Pourquoi le marché a-t-il tardé à se développer ?
Il y a quelques années, tout le monde a investi
sur Internet. Hasbro, par exemple, avait un service de
200 personnes et dépensait des millions par an
pour développer des jeux en ligne. Or, les débits
ne permettaient pas une bonne pratique et la demande n'a
pas suivi. Les principaux éditeurs ont perdu beaucoup
d'argent. Wanadoo, Infogrames et Hasbro ont perdu des
centaines de millions d'euros. Du coup, il y a trois ou
quatre ans, on a arrêté les développements
Internet. Désormais, on a la technologie et des
prix corrects, World of Warcraft l'a prouvé.
La structure du marché, avec des acteurs assez éclatés, n'a-t-il pas contribué à ce retard ?
Pas forcément, même si l'on perçoit
un mouvement de concentration dans le secteur. Tous les
grands acteurs seront présents à l'avenir.
Ce qui est certain, c'est que les jeux en ligne coûtent
de plus en plus cher à développer, jusqu'à
15 ou 20 millions d'euros. La qualité augmente,
donc les coûts augmentent. La concentration est
alors inéluctable.
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Développer
un jeu en ligne coûte jusqu'à
20 millions d'euros" |
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Les jeux en ligne passeront-ils plutôt par le PC ou la console ?
Les deux. Toutes les consoles nouvelle génération,
qui arriveront dans les années à venir,
seront connectées à Internet. Pour autant,
elles ne vont pas tuer les autres médias. Nous
sommes dans une civilisation du loisir, où chaque
support peut répondre à un besoin. On peut
imaginer une famille où la femme joue sur son PC,
pendant que le mari regarde la télévision,
la fille est sur la DS, la console portable de Nintendo
vendue à 500.000 exemplaires en 15 jours en Europe,
et le fils joue à la PlayStation.
Quelles sont les autres voies de développement des jeux vidéo ?
Je crois beaucoup aux jeux sur mobiles : la qualité
est là, et il existe déjà un solide
business model, avec le téléchargement.
On voit ce qui se passe avec les sonneries, les jeux peuvent
faire la même chose.
Vous êtes délégué
général du Sell (Syndicat des éditeurs
de logiciels de loisirs). Quelle est cette organisation
?
Nous regroupons environ 98 % de la profession, avec une quarantaine de membres : tous les constructeurs, dont Nokia, Sony, Nintendo ou Microsoft, tous les éditeurs français et étrangers, ainsi que des prestataires de services. Dix commissions, regroupant les présidents de sociétés, travaillent en permanence.
Quels sont vos domaines d'activité ?
Nos commissions réfléchissent à tous
les sujets du secteur : le statut du jeu, sa rémunération,
la question de la copie privée, la classification,
la piraterie. Nous faisons part de nos conclusions aux
politiques, nous faisons connaître nos métiers
et participons à la reconnaissance des loisirs
numériques comme partie prenante du métier
culturel. Et nous arrivons à convaincre de plus
en plus de monde qu'il s'agit d'un secteur important.
Par ailleurs, nous travaillons à la création
d'une grande école du jeu vidéo, et collaborons
au fonds d'aide aux éditeurs multimedia.
Vous avez été
placé ces derniers jours sous les feux de l'actualité,
avec la proposition que vous avez faite de traquer les
"pirates" sur Internet. En quoi consiste cette
idée ?
Tout d'abord, il faut savoir que le Sell a, depuis trois
ans, obtenu 50 condamnations par an et 300.000 euros de
dommages et intérêts contre des pirates.
Pas des utilisateurs de réseaux peer-to-peer, mais
des personnes faisant de la contrefaçon sur CD-Rom.
Ensuite, partant de la loi sur l'économie numérique,
nous avons jugé que nous avions le droit de repérer
ceux qui téléchargeaient, copiaient et distribuaient
des jeux illégalement. Deux sociétés
en France savent le faire. Nous avons donc déposé
un dossier auprès de la Cnil pour savoir si nous
pouvions réaliser cela. Je ne suis pas un répressif
dans l'âme, mais il faut savoir que tout n'est pas
permis. Il y a des lois, et ce n'est pas le Sell qui les
fait, il faut les respecter.
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Les
pirates qui nous intéressent, ce sont
les gros bonnets." |
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Que feriez-vous avec une telle liste d'internautes téléchargeant illégalement ?
Il faut éduquer, éduquer et éduquer. Ce que nous souhaitons, c'est faire passer un message. Quand quelqu'un franchit la ligne jaune, il faut le lui dire. Mais nous ne traquerons pas les gamins qui vont télécharger un ou deux jeux. Ceux qui nous intéressent, ce sont les gros bonnets. Le peer-to-peer existe, il va encore se développer, nous ne l'arrêterons pas. Ce qu'il faut, c'est donc une politique d'éducation.
L'an dernier, justement, le Sell avait réalisé une campagne de communication. Sera-t-elle renouvelée ?
Oui. Contrairement à l'industrie de la musique,
nous avions choisi l'humour. Sur un mur de prison, on
voyait des bâtons gravés par un prisonnier
: un, deux, trois, quatre, cinq... Puis on disait : tous
ceux qui gravent finiront en prison. Elle avait été
diffusée dans 30 millions d'exemplaires de journaux.
Dans les prochains jours, une nouvelle campagne va redémarrer,
avec des spots qui passeront sur une dizaine de radios,
dont NRJ, Fun Radio et Skyrock.
A combien chiffrez-vous les
pertes de l'industrie du jeu vidéo dues au piratage
?
L'an passé, 33 millions de jeux ont été vendus, mais 100 millions ont circulé. Ces chiffres incluent à la fois le piratage classique et celui sur Internet, via les réseaux peer-to-peer. Pour chaque jeu vendu, deux sont donc piratés. Sans cela, le chiffre d'affaires du secteur aurait donc été trois fois plus important. Et cela aurait permis de faire baisser le prix des jeux.
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Une
plate-forme online payante sera lancée
d'ici un an." |
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Mais le secteur ne souffre-t-il pas de l'absence d'une réelle offre de jeux sur Internet, une sorte d'iTunes des jeux vidéo ?
Oui, nous y réfléchissons et l'une de nos
commissions y travaille. D'ailleurs, nous pouvons déjà
affirmer qu'une plate-forme sera lancée d'ici un
an. Ce sera un guichet payant, proposant une offre étendue
de jeux. La demande est là, à nous de trouver
les économies qui vont avec. |
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Propos recueillis par Nicolas RAULINE, JDN |
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PARCOURS
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Jean-Claude Larue est délégué
général du Sell (Syndicat des
éditeurs des logiciels de loisirs) et président
du Comité consultatif des FCPR (Fonds communs
de placement à risque) C-Source et
C-Source B.
Auparavant, il a été vice-président
de Polygram France de 1980 à 1985
et administrateur de Polygram, Phonogram, Polydor,
Barclay, Dial et Telecip.
Il est ensuite devenu directeur financier central
de Philips de 1986 à 1988 et a fondé
Philips Media France, dont il a été
président de 1988 à 1997, avant de
présider Philips Media Europe. Il a alors
occupé la fonction d'administrateur d'Infogrames
Entertainment de 1993 à 1998 et de 2000
à 2004.
Entre temps, il a été directeur général
adjoint de l'INA (Institut national de l'audiovisuel)
et membre du CSA en 1998.
Il a également occupé le poste de
président de l'Isfe (Interactive Software
Federation of Europe), le syndicat de la profession
en Europe, avant de prendre ses fonctions actuelles.
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