INTERVIEW
 
PDG
Ad2-One
Thierry Laval
"Titre"
Créée il y a a peine un an, la régie publicitaire Internet du groupe Vivendi-Universal Ad2-One a déjà une histoire particulièrement mouvementée. Arrivée sur le marché avec la volonté affichée de dynamiser l'e-pub, Ad2-One s'est rapidement trouvé confronté à la réalité d'un marché publicitaire largement affecté par les problèmes de financement des dotcoms. Egalement au centre de querelles et rivalités personnelles, la régie a successivement été abandonnée par CanalNumédia, filiale Internet de Canal Plus, et par plusieurs de ses dirigeants. Malgré ces difficultés, Ad2-One affirme sa présence sur le marché et poursuit son développement en Europe, en particulier en Grande-Bretagne. Thierry Laval, son PDG, dresse aujourd'hui un premier bilan sur la régie qu'il dirige.12 juillet 2001
 
          

JDNet. Quel est à ce jour le périmètre de l'activité d'Ad2-One ?
Thierry Laval. Nous sommes aujourd'hui présents en Grande-Bretagne, en Allemagne, aux Pays-Bas, en Belgique et bien sûr en France, avec un effectif global de 78 salariés dont une vingtaine en France. Nous commercialisons en ce moment environ 200 millions de PAP sur la France et nous exploitons environ 2,5 millions d'adresses mail. Le chiffre d'affaires actuel est actuellement généré à 50% par des sites du groupe et pour l'autre moitié par des sites hors-groupe.

Quels sont les sites phares dont vous assurez actuellement la régie ?

Nous avons environ 66 sites en régie, parmi lesquels iFrance, Immostreet, Vizzavi, EasyJet, que nous avons signé la semaine dernière et qui génère un énorme trafic sur le segment voyage. Nous avons également FashionTV, Gay.com pour l'Europe, Hardware, Kazibao ou encore Canasatellite.fr.

Vous assurez la régie de Canalsatellite.fr alors que vous avez perdu la régie de Canal Plus. N'est-ce pas surprenant ?
Le départ de CanalNumédia correspond à la décision du manager de CanalNumédia. C'est sa responsabilité d'avoir décidé de rejoindre un concurrent du groupe Vivendi-Universal. Canalsatellite.fr n'est pas édité par CanalNumédia et n'a donc pas été affecté par ce départ.

Qu'est-ce qui explique selon-vous le choix d'IP Interactive par CanalNumédia ?
Ce choix est dû à une surenchère sur le terrain du revenu minimum garanti offert par la concurrence. A la vue des résultats des sites CanalNumédia, cette garantie me paraissait totalement inaccessible.

Comment expliquer une rupture aussi brutale avec cet éditeur dans le cadre d'un contrat de régie ?
Nous travaillons normalement avec des contrats classiques. Simplement, dans le cas de CanalNumédia, nous étions dans une phase de préparation d'un contrat qui n'avait pas encore été signé. Mais tout cela est de l'histoire ancienne et comme je l'ai souvent indiqué, cela a été, pour moi, un non-événement. Le plus gros site en régie chez Ad2-One venu du portefeuille Vivendi-Universel est, et a toujours été, iFrance.

A la lumière de votre jeune histoire et des difficultés du marché, ne pensez-vous pas que Ad2-One soit née un peu tard ?
Nous ne sommes pas nés sur les mêmes fondamentaux que les autres régies du marché. Les régies pionnières sont nées dans l'euphorie d'Internet. Nous sommes nés peut-être un an trop tard, mais peut-être aussi un an trop tôt.
Quand les autres régies sont apparues, les principaux investissements publicitaires en ligne étaient le fait des dotcoms qui investissaient sur Internet principalement pour développer la notoriété de leurs sites. Ces régies ne s'occupaient pas, à l'époqu,e des annonceurs traditionnels considérés, à tort, comme ringards. On avait donc oublié de s'occuper de ces annonceurs qui investissent en publicité depuis des décennies et pour des décennies encore. Pendant des mois, ces régies se sont concentrées sur la vente de bannières vendues au clic parce que l'on considérait cela formidable.

Mais il y a plus d'un an et demi que les régies affichent leur volonté de courtiser les annonceurs traditionnels et plus longtemps encore que les principales régies ont abandonné la vente au clic...
C'est le discours, mais la réalité est différente. Ad2-One a été, par exemple, la première régie à proposer un outil de marketing avec l'étude réalisée avec Carat pour situer le support Internet par rapport aux autres médias (lire l'article JDNet du 14/02/01). Lorsque nous avons mis sur pieds Ad2-One, nous avons dit tout de suite que l'avenir de ce média allait passer par le marketing direct et le contenu. En France, je crois que l'audience de la totalité de l'Internet correspond à l'audience d'un seul magazine comme Géo. Quand j'entends dire qu'Internet est un média de masse, je dis non. On ne peut pas encore vendre Internet comme un média de masse.

Quelle est donc pour vous la valeur de ce média ?
Internet offre des solutions de CRM, de marketing direct et de promotion. Nous avons donc mis en place des opérations marketing packagées intégrant de l'e-mailing, du CRM et du contenu, afin de convaincre les marques de venir sur le Web. Si par exemple vous proposez de la bannière à un constructeur automobile, ça n'a pour lui aucun sens. Il a déjà un plan média TV : il sait exactement qui il va toucher et comment, et surtout il connaît l'efficacité de ses campagnes. En revanche si vous expliquez à ce constructeur que vous avez la possibilité d'identifier des internautes qui ont donné l'autorisation d'utiliser leurs données personnelles et dont on sait qu'ils possèdent tel véhicule depuis tant d'années, là ce constructeur automobile vous écoute. Si vous lui proposez d'envoyer à cet internaute un mail en streaming dans lequel il va pouvoir présenter sa voiture en lui expliquant que ce mail peut en outre proposer de participer à un concours pour gagner des places pour le prochain concert de Pavarotti, tout en offrant la possibilité de recevoir un kit de démonstration de la voiture, là vous avez un produit qui a du sens pour l'annonceur !

Qu'est-ce qui explique alors la morosité actuelle du marché ?
D'abord il faut préciser que la morosité touche l'ensemble du marché publicitaire et pas seulement le marché online, sur lequel on se focalise trop souvent. Je considère qu'il y a trop de régies sur le marché français et puis il faut éduquer les annonceurs traditionnels. Pour cela, nous devons les convaincre de tester ce type d'opérations pour qu'ils puissent en apprécier les retombées. Dans le cas du constructeur automobile, quand il verra que sa première campagne lui a permis de produire tel nombre de contacts à destination de ces concessionnaires, il intègrera alors Internet dans sa stratégie de communication.

Mais la bannière reste encore le produit le plus commercialisé sur le média ?
C'est exact, alors que vendre de la bannière à des prix de 7 ou 10 francs du CPM n'est aujourd'hui profitable pour personne. Ni pour l'éditeur, ni pour la régie, ni pour la centrale d'achat, ni même pour l'annonceur. Ce qui est profitable pour tout le monde c'est la vente d'opérations globales intégrant notamment de la bannière, quel que soit son format. Simplement, nous sommes actuellement en train de vivre une transition. Le marché opère une mue et celle-ci est plus longue que prévu. Pour nous préparer à cette réalité, notre objectif est aujourd'hui d'adapter notre structure de coûts à notre structure de revenus.

Vous avez déjà des éléments qui vous permettent de penser que cette transition est en cours ?
Nous sommes par exemple particulièrement fiers d'avoir su convaincre certains annonceurs comme Persil, la marque du groupe Unilever en Angleterre, d'utiliser nos sites pour tester le média Internet. Pour la France, nous sommes en train d'organiser une opération autour de Jurassic Park produit par Universal. Nous permettrons aux annonceurs d'utiliser le film pour leur propre communication.

Quand vous parlez d'adaptation de votre structure de coûts, doit-on comprendre que des licenciements sont envisagés ?
Non, il s'agit simplement de ralentir notre planning d'ouverture de nouveaux pays et de suspendre les recrutements envisagés. En outre, nous avons décidé de rechercher des partenaires locaux pour constituer des joint-ventures.

Comment expliquer les récents départs de managers d'Ad2-One comme Francis Maire, directeur commercial France, et Rémy Collard, DG France. Ces responsables n'adhéraient pas à cette vision du marché?
Je ne souhaite pas faire de commentaires sur le licenciement de Rémy Collard. Pour le départ de Francis Maire c'est autre chose. Il s'agit de raisons personnelles qui n'ont rien à voir avec sa vision du marché.

Pour quand attendez-vous un redémarrage du marché ?
Je n'ai pas de boule de cristal, et je lis tout et son contraire un peu partout. Mais je regarde le marché et j'ai la conviction à titre personnel que l'année 2001 correspond à une année de test pour les annonceurs traditionnels. Si ces tests sont positifs, je crois davantage dans le développement de leurs investissements online pour l'année 2002

Pour finir sur des questions plus personnelles, vous utilisez Internet depuis longtemps?
Je pense avoir été en France le premier à faire une émission de télé sur Internet en 1994 lorsque j'étais directeur général de MCM. Cela fait maintenant 7 ans !

Quels sont actuellement vos sites préférés ?
J'aime bien le site Allociné, je trouve que les fondateurs d'Allociné ont conçu un service vraiment formidable. Comme je suis un passionné de musique je vais sur Mp3.com. Sinon je vais également sur Yahoo Finance.

Vous achetez en ligne ?
Oui, sur le site de la Fnac, j'achète des fleurs sur Aquarelle. Je suis aussi abonné au service du Wall Street Journal que je trouve très bon.

Croyez-vous dans le développement de l'Internet payant ?
Ecoutez, tout le monde a dit l'année dernière, à tort, que l'on allait construire des modèles sur la pub. Mais c'est une hérésie. Je crois plus dans un financement mixte entre la pub et l'abonnement payant.

Il y a des choses que vous n'aimez pas du tout sur Internet ?
Je n'aime pas le spam.

 
Propos recueillis par Fabien Claire

PARCOURS
 
Thierry Laval, 37 ans, a rejoint Vivendi-Universal Net en mai 2000 pour fonder et diriger Ad2-One. Auparavant, il a assumé différentes fonctions de direction au sein de CanalNumédia, TF1 Entreprise et à la direction générale de la chaîne musicale MCM.

   
 
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