JDnet. Les résultats d'audience du mois de juillet communiqués par Cybermetrie montre un fléchissement de l'audience sur Boursorama. Quels sont vos réflexions sur le sujet ?
Patrice Legrand. Effectivement on perd un peu de terrain. Mais si on fait moins de pages vues on conserve notre base d'utilisateurs. Disons que jusqu'à avril les internautes naviguaient et consultaient énormément de valeurs. Le krach a évidemment freiné cette boulimie. En plus juillet et août ne sont jamais franchement des bons mois en raison des vacances. Mais ce qui m'irrite le plus dans l'histoire c'est qu'on insiste sur notre baisse alors que nous sommes les seuls à communiquer nos chiffres pour juillet. Pour une raison que je ne m'explique pas, Les Echos ou La Vie financière ont en effet été sortis de la mesure d'audience par Cybermetrie pour ce mois. Il paraît que c'est en raison d'une refonte technique... Je trouve cela assez déplacé car je suis sûr qu'ils ont perdu autant de visites, sinon plus, que nous.

Quels sont les sources de revenus de Boursorama ?
Sur les 60 millions de francs de chiffres d'affaires qu'on prévoit de faire cette année, contre 14 millions de francs l'an dernier, 80% proviendront de la publicité. Le solde sera issu des prestations techniques que nous offrons à d'autres sites comme Lemonde.fr ou la chaîne finance de Club-Internet. On vient récemment de perdre le contrat avec TF1.fr qui a été récupéré par Les Echos.

En matière de publicité, combien représentent les forums dans l'audience globale et comment sont vendus les espaces?
Le tarif publicitaire est globalement le même qu'ailleurs, soit aux alentours de 250 francs pour 1.000 pages vues. Les forums pèsent environ pour 10% à 15% des pages vues par mois. Ce chiffre a été légèrement supérieur avant le krach. Mais aujourd'hui,comme je le disais tout à l'heure, les gens se focalisent plus sur quelques valeurs. Par ailleurs nous avons vendu à l'année pour une somme de quelques millions de francs, six boutons publicitaires sur la home page pour des courtiers en ligne (Bourse-Direct, Cpr -etrade, Consors, Fimatex, Self Trade et Direct Finance).

Vous êtes un des rares rois de l'audience en France à utiliser les services d'une régie externe (Hi-média). Avez vous pensé à internaliser ce service?
Je mentirais si je vous disais qu'on y a pas songé. Mais actuellement on trouve qu'Hi-Media fait un travail exceptionnel et qu'ils sont très professionnels dans leur business. En plus on a de très bons rapports humains avec eux. Et l'accord nous permet de commercialiser certains espaces, antérieurement négociés, en direct.

Votre modèle de revenus restera quoiqu'il arrive centré autour de la publicité?
Oui. Malgré tout ce qu'on entend dire ici où là c'est celui qui rapporte le plus dans l'Internet. Nous avons toujours été rentables par ce biais là et nous devrions continuer d'être à l'équilibre cette année malgré des investissements en publicité. Tout le monde nous dit qu'aux Etats-unis cela s'effondre. Mais il faut voir les sommes déraisonnables qui ont été investis et les utilisations qui en ont été faites. Thestreet.com, qui a par ailleurs un excellent outil, en est un exemple frappant. Nous avons été beaucoup moins dispendieux, notamment en communication/marketing. Et nous n'avons recruté que 16 personnes en un an. On n'a donc pas besoin de fonds à l'heure actuelle pour continuer à faire tourner la société.

Justement en matière financière où en êtes vous?
On a fait rentrer Net.IPo en janvier dans notre capital à hauteur de 10%. La somme d'argent amenée nous a permis d'engager des dépenses publicitaires en presse et en télé, même si la campagne de mai était plutôt mal choisi en raison du contexte boursier. On peut donc encore tenir longtemps même si évidemment nous pensons éventuellement nous introduire en Bourse. Mais pas à n'importe quel prix ! Depuis que nous avons commencé avec Stéphane Mathieu, notre unique objectif a été d'accroître la valeur de la société. Et nous continuerons dans cette voie, Bourse ou pas Bourse.

Quelles sont les nouveautés de Boursorama à la rentrée?
On a pas mal de projets dans les cartons. Pour les outils on va rajouter la capitalisation des sociétés qui manquait cruellement ainsi que d'autres indicateurs. On va également faire un peu d'éditorial avec quelques journalistes car on - les journaux spécialisés notamment - nous reproche souvent de nous contenter de faire de l'aggrégation. Mais l'éditorial restera à dose homéopathique. Pas question de faire du conseil par exemple. On se focalisera plutôt sur les évènements d'actualité.

Dans cette optique là, avez vous pensé à acquérir des sites financiers spécialisés dans l'éditorial?
Oui, on a étudié plusieurs projets. Mais le problème, c'est qu'en terme d'audience c'est un peu le désert pour ce genre de sites. Si vous regardez à part nous, et éventuellement Les Echos ou Yahoo Finance, on a vraiment du mal à trouver une cible de valeur.

Boursorama a uniquement une zone d'influence française, comptez-vous vous implanter à l'étranger ?
Au début on souhaitait effectivement rester uniquement dans l'Hexagone. Maintenant c'est vrai qu'on a reçu quelques propositions. Mais il serait étonnant qu'on aille en Angleterre ou en Allemagne. Ce sera plutôt vers l'Europe du Sud. On fera peut être une annonce sur le sujet à la rentrée...

Vos forums sont devenus une véritable institution, à tel point que Le monde, vous a qualifié ironiquement de carrefour de toutes les convoitises ou de cathédrale mégalomaniaque des appétits. Qu'en avez-vous pensé et que répondez-vous à vos détracteurs qui critiquent le fonctionnement de ces forums ?
Pour l'article du monde on a trouvé cela super ! J'ai trouvé que cela décrivait parfaitement à mon sens le comportement de l'internaute qui vient chez nous. Les critiques sur la désinformation me paraissent en revanche très dures. Si quelque'un publie des infos fausses sur nos forums c'est d'abord cette personne qui est en faute, pas nous. Pour notre part nous avons mis en place un sytème de surveillance des forums avec des personnes affectées à cette tâche. Nous pouvons transmettre à la Cob toutes les coordonnées informatiques du fautif. Et on collabore aussi souvent qu'on nous le demande. Que peut on faire de plus ? Je vous avoue que c'est pénible de vivre avec une menace de procès sur la tête. Mais pour l'instant on en a pas eu.

Mais pensez-vous que vos forums influent sur les cours ?
Pour les grandes capitalisations, non. En revanche pour les société peu liquides il peut y avoir un impact. C'est pour cela d'ailleurs qu'on surveille attentivement les forums dédiés. Mais vous savez, quand un magazine recommande une valeur à l'achat personne ne s'insurge quand le cours monte le lendemain. Alors pourquoi cela serait-il différent quand ce sont des particuliers qui le recommandent, arguments à l'appui. Et puis, comme je l'ai toujours dit, si Boursorama arrive à influer sur les cours c'est qu'on a vraiment réussi quelque chose d'exceptionnel dans l'Internet. Non ?

On a l'impression que vous vous sentez mal aimés ?
Non pas vraiment. Mais il est vrai que comme nous sommes basés à Nancy on ne peut pas venir à toutes les soirées et à toutes les conférences à Paris. On en a pas le temps. Par ailleurs, je vous le répète, je trouve bizzare que Cybermétrie retire Les Echos ou La VF de son audience sans vraies raisons. Enfin, puisqu'on parlait des forums, je vous rappelle que l'affaire Marc Orian (Voir article Jdnet du 16 février 2000), où nous avons été largement incriminés a été reprise en premier par...Les Echos. Et ce alors que la baisse du cours n'avait certainement rien à voir avec notre forum. Mais à part ces petites choses qui nous irritent, on ne se sent pas mal aimés.

En tant qu'investisseur, avez-vous des valeurs Internet en portefeuille?
En fait je n'ai pas vraiment le temps de m'occuper de mes investissements en Bourse. Mais j'ai quelques valeurs internet en portefeuille je crois. Je pense que je dois avoir du Hi-Media, évidemment, dans mes lignes car, vraiment, je trouve que ce qu'ils font dans l'Internet est très bien.

Qu'est ce que vous aimez sur Internet ?
Les sites d'informations. Sauf quand j'y lis que notre audience a baissé et qu'on ne mentionne pas celle des Echos ou de La Vie Française...