JDN.
Quel est votre parcours ?
Arnaud Mercier.
J'ai commencé par faire un DUT informatique puis
l'école de communication audiovisuelle de Valenciennes.
Après une expérience dans le domaine audiovisuel
(monteur puis réalisateur), je me suis rapidement
tourné vers le design. J'ai commencé par
la 3D en travaillant pour l'agence d'Aix-en-Provence
Gribouille en 97-98. C'est là que j'ai commencé
à m'intéresser à Internet et que
j'ai vu qu'il y avait des choses à faire dans
ce domaine. J'ai appris mes premières notions
de graphisme et je me suis lancé en 1999 comme
freelance avec ma société ElixirStudio.
Je faisais du print et du design interactif. Parmi mes
clients, on peut citer Alcatel, France Télécom
ou encore EMI. J'ai été distingué
lors de la Biennale des jeunes créateurs d'Europe
de Rome en 1999. Suite à cela, une agence de
création canadienne m'a recruté et je
suis parti travailler trois ans chez Blastradius, à
Vancouver. C'est là-bas que j'ai réellement
appris le métier de graphiste designer, au contact
de mes collègues qui avaient tous une forte expérience
dans le domaine. Je travaillais principalement pour
des marques américaines comme Nike, Patagonia
ou Atlantic Records. Je suis revenu en France depuis
un peu moins d'un an et je travaille maintenant en indépendant
pour des marques américaines, françaises,
allemandes, canadiennes et néerlandaises. Je
crée des identités pour tous les supports,
pas uniquement Web.
Quel
regard portez-vous sur la création en ligne par
rapport aux autres supports ?
Il y a une manière de travailler
différente pour chaque support et Internet ne
fait pas exception à la règle. Pour de
la vidéo, il faut savoir raconter une histoire,
il y a un aspect narratif très fort. En print,
la création est statique. Le Web ses situe entre
les deux donc c'est encore une autre manière
de raconter les choses, avec la notion d'interactivité
en plus. Pour autant, tous les médias fonctionnent
ensemble. Ils sont complémentaires. Par exemple,
une marque peut commencer à raconter une histoire
sur une publicité papier et la poursuivre sur
Internet, en ajoutant de nouvelles informations.
Y
a-t-il une culture propre à Internet en matière
de design ?
Oui et non. Oui il y en a une, mais non,
il ne devrait pas en avoir, car le public est le même
que pour les autres médias. Il a pu effectivement
y avoir une culture Web spécifique à ses
débuts, quand Internet s'adressait à une
petite communauté mais ce n'est plus le cas aujourd'hui,
et heureusement. C'était le problème du
Web auparavant : les gens qui créaient pour
du online n'étaient concentrés que le
sur le Web et ne s'ouvraient pas forcément aux
autres influences.
Pour
vos créations online, quelles sont les étapes
de la réalisation ?
La plupart du temps, nous partons d'un
concept qui existe déjà sur d'autres supports
(papier, TV, etc.). Le but est donc en premier lieu
de comprendre l'idée initiale et le message à
faire passer. Il faut ensuite graphiquement transposer
sur le Web, en tenant compte des contraintes techniques
car nous devons faire avec un espace limité :
un petit écran. Le souci, c'est que généralement
les créations sont pensées pour les supports
classiques (TV, print...) et que le Web doit ensuite
s'y adapter. Il est rare qu'Internet soit pris en compte
initialement dans la création. C'est un peu la
cinquième roue du carosse. Aux équipes
Internet de faire avec et de faire au mieux avec un
petit budget.
C'est
ce qui fait que la créativité sur Internet
soit aujourd'hui si limitée ?
Absolument. Les budgets Web sont toujours
vus au plus juste, surtout en France. Il n'y a pas encore
réellement de budget consacré à
la création pour une communication online. Les
annonceurs ajoutent ce dernier élément
en bout de course. La conséquence, c'est un temps
de réalisation limité, des créatifs
sous pression et à qui on demande de faire au
plus simple et donc des sites ou des publicités
sans grand relief, ou tout du moins qui ne marquent
pas les esprits.
C'est
surtout un constat pour la France ou bien est-ce vrai
partout ?
C'est vrai partout même s'il y
a des agences qui commencent à intégrer
le Web dès le début des projets. Par exemple,
je travaille en ce moment avec l'agence Wieden & Kennedy,
basée à Amsterdam et qui gère le
budget Nike. Ils ont compris que le Web devait être
partie prenante de la communication de la marque. Néanmoins,
c'est encore la télévision qui reste la
priorité numéro un, il ne faut pas le
nier. Pour ce qui est de la France, il est certain que
la création en ligne est encore moins bien considérée
que dans dans d'autres pays, où les budgets de
communications sont supérieurs et où les
sites et les pubs online s'adressent à une population
internaute qui a atteint une taille critique. Outre
des moyens supérieurs, j'ai aussi pu constater
au Canada et aux Etats-Unis que les structures sont
mieux organisées et que leurs équipes
ont plus d'expérience dans le milieu et plus
de connaissances. Elles sont tout simplement plus professionnelles
qu'en France.
Y
a-t-il d'autres contraintes qui font obstacle à
la création sur Internet ?
Si vous faites références
à des contraintes techniques, je vous répondrais
qu'il y en a pour tous les supports. La pub télé
est très codifiée (le temps des spots,
les 25 images/seconde...), par exemple. Avec le développement
du haut-débit, je pense que les contraintes vont
se réduire et laisser plus de place à
la créativité. Pour moi, Internet peut
être comparé à l'architecture en
terme de contraintes. Il faut apprendre à jouer
avec les technologies et, pour cela, il faut bien les
connaîtres.
Quelles
sont les dernières réalisations qui vous
ont marqué sur Internet ?
En terme de publicité, je pense
qu'on se souviendra longtemps des films de BMW mais
je pense qu'il s'agissait plus d'un coup de pub que
d'une véritable profession de foi. Sinon, parmi
les dernières créations qui m'ont marquées,
je citerai le site dédié à la Volvo
XC90 avec une vue panoramique impressionnante.
Quels
sont vos critères pour juger d'une création ?
Tout d'abord, mais cela est commun à
tous les supports, la pertinence de la réalisation
par rapport à l'objectif initial. Ensuite, je
regarde comment le média a été
utilisé, qu'elles animations ont été
insérées et comment se passe la navigation
(pour le cas d'un site). L'interaction est aussi un
critère important. C'est ce qui fait la spécificité
du Web donc il ne faut pas la négliger. Enfin,
je regarde si, globalement, la réalisation est
propre.
Vous-mêmes,
comment jugeriez-vous votre style ?
C'est un mélange de technique
et d'émotionnel. L'aspect technique me vient
de ma formation informatique et cela se traduit dans
mon graphisme par l'utilisation de flèches par
exemple et par un univers assez géométrique.
L'aspect émotionnel provient de ma passion pour
la photo. Globalement, je cherche avant tout à
faire des choses simples (ce qui est loin de l'être).
Quelles
sont vos sources d'inspiration sur Internet ?
Au début, je regardais ce qui
se faisait autour de moi pour trouver des idées.
Mais maintenant que j'essaie d'être à l'avant-garde,
je surfe moins. Je vais chercher mon inspiration ailleurs,
dans la peinture et la vidéo notamment. Cependant,
je continue à échanger avec d'autres créatifs
et à me tenir au courant des réalisations
innovantes. Ce qu'il y a de bien, c'est que nous avons
chacun notre style et que, d'une manière générale,
on voit de plus en plus de sites et de créations
bien réalisées.
|