INTERVIEW
 
Directeur artistique/Graphiste
Freelance
Arnaud Mercier
"Pas de budget, pas de créativité"

Freelance basé à Marseille, Arnaud Mercier a travaillé auparavant trois ans au Canada pour l'agence de communication BlastRadius et des marques principalement américaines comme Nike. C'est là-bas qu'il a réellement appris son métier de graphiste designer. Récompensé par de nombreux prix pour ses multiples réalisations, dont son site ElixirStudio qui est sa carte de visite, Arnaud Mercier a maintenant choisi de travailler en indépendant afin de pouvoir choisir ses clients et ses projets. Point de vue décalé sur le design Web.

15 juillet 2003
 
          
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Le site
ElixirStudio.com

JDN. Quel est votre parcours ?
Arnaud Mercier. J'ai commencé par faire un DUT informatique puis l'école de communication audiovisuelle de Valenciennes. Après une expérience dans le domaine audiovisuel (monteur puis réalisateur), je me suis rapidement tourné vers le design. J'ai commencé par la 3D en travaillant pour l'agence d'Aix-en-Provence Gribouille en 97-98. C'est là que j'ai commencé à m'intéresser à Internet et que j'ai vu qu'il y avait des choses à faire dans ce domaine. J'ai appris mes premières notions de graphisme et je me suis lancé en 1999 comme freelance avec ma société ElixirStudio. Je faisais du print et du design interactif. Parmi mes clients, on peut citer Alcatel, France Télécom ou encore EMI. J'ai été distingué lors de la Biennale des jeunes créateurs d'Europe de Rome en 1999. Suite à cela, une agence de création canadienne m'a recruté et je suis parti travailler trois ans chez Blastradius, à Vancouver. C'est là-bas que j'ai réellement appris le métier de graphiste designer, au contact de mes collègues qui avaient tous une forte expérience dans le domaine. Je travaillais principalement pour des marques américaines comme Nike, Patagonia ou Atlantic Records. Je suis revenu en France depuis un peu moins d'un an et je travaille maintenant en indépendant pour des marques américaines, françaises, allemandes, canadiennes et néerlandaises. Je crée des identités pour tous les supports, pas uniquement Web.

Quel regard portez-vous sur la création en ligne par rapport aux autres supports ?
Il y a une manière de travailler différente pour chaque support et Internet ne fait pas exception à la règle. Pour de la vidéo, il faut savoir raconter une histoire, il y a un aspect narratif très fort. En print, la création est statique. Le Web ses situe entre les deux donc c'est encore une autre manière de raconter les choses, avec la notion d'interactivité en plus. Pour autant, tous les médias fonctionnent ensemble. Ils sont complémentaires. Par exemple, une marque peut commencer à raconter une histoire sur une publicité papier et la poursuivre sur Internet, en ajoutant de nouvelles informations.

Y a-t-il une culture propre à Internet en matière de design ?
Oui et non. Oui il y en a une, mais non, il ne devrait pas en avoir, car le public est le même que pour les autres médias. Il a pu effectivement y avoir une culture Web spécifique à ses débuts, quand Internet s'adressait à une petite communauté mais ce n'est plus le cas aujourd'hui, et heureusement. C'était le problème du Web auparavant : les gens qui créaient pour du online n'étaient concentrés que le sur le Web et ne s'ouvraient pas forcément aux autres influences.

Pour vos créations online, quelles sont les étapes de la réalisation ?
La plupart du temps, nous partons d'un concept qui existe déjà sur d'autres supports (papier, TV, etc.). Le but est donc en premier lieu de comprendre l'idée initiale et le message à faire passer. Il faut ensuite graphiquement transposer sur le Web, en tenant compte des contraintes techniques car nous devons faire avec un espace limité : un petit écran. Le souci, c'est que généralement les créations sont pensées pour les supports classiques (TV, print...) et que le Web doit ensuite s'y adapter. Il est rare qu'Internet soit pris en compte initialement dans la création. C'est un peu la cinquième roue du carosse. Aux équipes Internet de faire avec et de faire au mieux avec un petit budget.

C'est ce qui fait que la créativité sur Internet soit aujourd'hui si limitée ?
Absolument. Les budgets Web sont toujours vus au plus juste, surtout en France. Il n'y a pas encore réellement de budget consacré à la création pour une communication online. Les annonceurs ajoutent ce dernier élément en bout de course. La conséquence, c'est un temps de réalisation limité, des créatifs sous pression et à qui on demande de faire au plus simple et donc des sites ou des publicités sans grand relief, ou tout du moins qui ne marquent pas les esprits.

C'est surtout un constat pour la France ou bien est-ce vrai partout ?
C'est vrai partout même s'il y a des agences qui commencent à intégrer le Web dès le début des projets. Par exemple, je travaille en ce moment avec l'agence Wieden & Kennedy, basée à Amsterdam et qui gère le budget Nike. Ils ont compris que le Web devait être partie prenante de la communication de la marque. Néanmoins, c'est encore la télévision qui reste la priorité numéro un, il ne faut pas le nier. Pour ce qui est de la France, il est certain que la création en ligne est encore moins bien considérée que dans dans d'autres pays, où les budgets de communications sont supérieurs et où les sites et les pubs online s'adressent à une population internaute qui a atteint une taille critique. Outre des moyens supérieurs, j'ai aussi pu constater au Canada et aux Etats-Unis que les structures sont mieux organisées et que leurs équipes ont plus d'expérience dans le milieu et plus de connaissances. Elles sont tout simplement plus professionnelles qu'en France.

Y a-t-il d'autres contraintes qui font obstacle à la création sur Internet ?
Si vous faites références à des contraintes techniques, je vous répondrais qu'il y en a pour tous les supports. La pub télé est très codifiée (le temps des spots, les 25 images/seconde...), par exemple. Avec le développement du haut-débit, je pense que les contraintes vont se réduire et laisser plus de place à la créativité. Pour moi, Internet peut être comparé à l'architecture en terme de contraintes. Il faut apprendre à jouer avec les technologies et, pour cela, il faut bien les connaîtres.

Quelles sont les dernières réalisations qui vous ont marqué sur Internet ?
En terme de publicité, je pense qu'on se souviendra longtemps des films de BMW mais je pense qu'il s'agissait plus d'un coup de pub que d'une véritable profession de foi. Sinon, parmi les dernières créations qui m'ont marquées, je citerai le site dédié à la Volvo XC90 avec une vue panoramique impressionnante.

Quels sont vos critères pour juger d'une création ?
Tout d'abord, mais cela est commun à tous les supports, la pertinence de la réalisation par rapport à l'objectif initial. Ensuite, je regarde comment le média a été utilisé, qu'elles animations ont été insérées et comment se passe la navigation (pour le cas d'un site). L'interaction est aussi un critère important. C'est ce qui fait la spécificité du Web donc il ne faut pas la négliger. Enfin, je regarde si, globalement, la réalisation est propre.

Vous-mêmes, comment jugeriez-vous votre style ?
C'est un mélange de technique et d'émotionnel. L'aspect technique me vient de ma formation informatique et cela se traduit dans mon graphisme par l'utilisation de flèches par exemple et par un univers assez géométrique. L'aspect émotionnel provient de ma passion pour la photo. Globalement, je cherche avant tout à faire des choses simples (ce qui est loin de l'être).

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Le site
ElixirStudio.com

Quelles sont vos sources d'inspiration sur Internet ?
Au début, je regardais ce qui se faisait autour de moi pour trouver des idées. Mais maintenant que j'essaie d'être à l'avant-garde, je surfe moins. Je vais chercher mon inspiration ailleurs, dans la peinture et la vidéo notamment. Cependant, je continue à échanger avec d'autres créatifs et à me tenir au courant des réalisations innovantes. Ce qu'il y a de bien, c'est que nous avons chacun notre style et que, d'une manière générale, on voit de plus en plus de sites et de créations bien réalisées.

 
Propos recueillis par Florence Santrot

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