INTERVIEW
 
Président du directoire
Zebank
Olivier de Montety
"Titre"

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Après des annonces à répétition promettant une ouverture prochaine, Zebank ouvre enfin ses portes au grand public. Cette banque, qui se veut purement Internet, est détenue à 80% par Europ@web (pôle Internet de Bernard Arnault) et à 20% par Dexia, mais reste exclue du rapprochement Europ@web-Suez Lyonnaise des Eaux de novembre dernier. Philippe Jaffré avait pris en main le projet Zebank en septembre 2000 en qualité de président du conseil de surveillance, Olivier de Montety devenant alors président du directoire. Trois mois plus tard, l'ancien président d'Elf Aquitaine reprenait à son compte la présidence complète d'Europ@web. Sur les traces de son homologue britannique Egg, Zebank se positionne sur le marché des banques "100% Internet". Un secteur de plus en plus convoité en France, le groupe belgo-néerlandais de bancassurance Fortis ayant lancé le 29 janvier dernier sa propre banque en ligne baptisée "ebanking".

09 février 2001
 
          

JDNet. Le projet Zebank a démarré au cours de l'été 1999. Pour quelles raisons ce chantier a-t-il mis plus de dix-huit mois avant d'aboutir ?
Olivier de Montety. En juillet 1999, nous avons débuté devant une feuille blanche dans un bureau du groupe Arnault. L'idée de base était de concevoir un service bancaire purement Internet. Il nous fallait alors définir précisément les attentes de la clientèle en la matière. Pour cette raison, nous avons lancé Zeproject début 2000 afin de saisir les besoins des internautes face aux sites financiers. Il est vrai qu'à l'époque nous nous sommes un peu emmêlés les pinceaux sur la communication. Les gens ont supposé que ZeProject était un "teasing" pour un lancement proche alors que notre volonté était, en fait, de réaliser une enquête. Zeproject nous a permis de comprendre que pour répondre aux attentes des clients, Zebank devait proposer d'emblée l'ensemble des produits financiers : banque, bourse, épargne, crédit et assurance. Or, dans notre esprit, l'ouverture de Zebank pouvait être progressive avec une montée en charge dans le temps à partir de briques de services supplémentaires. L'approche "one stop shopping" attendue par la clientèle nous a donc obligé à replonger pendant un an dans le projet afin d'offrir, dès l'ouverture, toutes les prestations.

Quels ont été les principaux écueils durant cette période de développement ?

Ils ont été de deux natures. Tout d'abord sur le plan réglementaire. La banque est en effet un secteur d'activité très réglementé vis à vis duquel il faut justifier d'actionnaires respectables et obtenir un agrément. Il n'y a peut-être que l'aviation civile qui ait une réglementation plus contraignante... L'autre écueil était de nature technique. Pour offrir l'ensemble des services financiers sur le même site, nous devions faire cohabiter plusieurs types de logiciels. En plus, nous avons décidé que le site devait offrir un fonctionnement en temps réel. Sur Zebank, les dates de valeur n'existent pas : si vous effectuez un transfert de compte à compte au sein du site, les ordres sont répercutés en temps réel. Ce système offre une véritable maîtrise de l'argent aux clients. Cette partie informatique a été développée par Sema.

Quels ont été les moyens et investissements mis en oeuvre ?
Aujourd'hui Zebank a un effectif de 140 personnes, dont une soixantaine sont dédiées au service clientèle. Nous avons débuté le projet avec des fonds de 110 millions d'euros. Pour l'heure, nous en avons utilisé un petit tiers.

Plutôt que de miser sur un développement en interne, pourquoi ne pas avoir opté pour l'acquisition d'un courtier en ligne ?
Les propositions ont été très nombreuses mais aucune n'était à un prix raisonnable. Je rencontrais des brokers qui disposaient de 500 ou 2.000 clients. On avait l'impression que si on leur faisait une proposition à moins de 100 millions d'euros, on les vexait et qu'il ne nous restait plus, alors, qu'à se retrouver le lendemain matin dans un champ pour régler l'affront. Pour l'anecdote, j'ai même eu des discussions très avancées avec un site. Mais en fait il y avait un gros quiproquo : je parlais en francs et eux en euros ! Nous avons donc abandonné cette piste, d'autant qu'avec la logique du "one stop shopping", il apparaissait plus judicieux de partir de zéro sur le plan technologique plutôt que de vouloir absolument récupérer un premier lot de clients.

Zebank se place-t-elle sur un marché de niche ou vise-t-elle le grand public ?
Zebank est une banque Internet grand public. C'est même un supermarché bancaire en ligne. La logique de niche n'est pas viable. Avant l'e-krach, certains analystes imaginaient que tôt ou tard tout la population française se mettrait à faire de la bourse en ligne. Ce n'est pas sérieux. Nous avons connu une période de croissance exceptionnelle sur les marchés financiers jusqu'en 2000. Or qui dit croissance exceptionnelle, dit comportement exceptionnel. Quand j'étais chez Fimatex, je voyais certains clients qui se connectaient jusqu'à 200 heures par mois sur le site. La réalité au niveau du grand public est toute autre : en moyenne, un français donne un ordre par an . Donc construire un business model sur des hypothèses aussi exceptionnelles relève de l'absurde.

Les banques traditionnelles sont de plus en plus présentes sur Internet. Allez-vous faire le chemin inverse en déployant un réseau physique ?
La stratégie "click and mortar" se justifie surtout pour les banques traditionnelles qui ont trouvé là un moyen de rattraper leur retard sur Internet. Mais la réalité est que les infrastructures physiques et les réseaux d'agences sont horriblement chers et ce sont les clients qui en payent le coût. Quand vous effectuez un retrait d'espèces au guichet, le coût de cette opération est située entre 100 et 150 francs. Par contre, quand vous retirez de l'argent avec votre carte bancaire, le coût est de quelques francs. Les banques traditionnelles ont donc des charges très lourdes qu'elles répercutent dans leurs offres avec des taux de découvert d'environ 15% et des rémunérations sur l'épargne en-dessous de 5%. Elles font même payer des abonnements Internet, ce qui est le comble, et facturent en plus un ensemble de services, généralement sous forme de packs, qui coûtent, en moyenne, 1.200 francs par an à chaque client. Chez Zebank, il en coûte 48 francs par an, le taux de découvert est en-dessous de 10% et le livret au-dessus de 5%. Certes nous ferons quelques excursions dans le monde physique, notamment pour la promotion, mais nous croyons bien plus en l'approche "click and tel" en nous appuyant sur un service clientèle téléphonique très pointu.

Quels sont vos objectifs en terme de clients ?
Nous considérons que sous cinq ans, 10 à 20% de la clientèle bancaire aura basculée sur Internet. Si d'ici quelques années nous avons 1% de ce marché, ce sera un très bon résultat. Plus précisément, nous visons les 150.000 clients d'ici deux ans.

Pour conquérir cette clientèle, à l'image de Egg en Grande-Bretagne, comptez-vous sur des offres commerciales agressives ?
Faire comme Egg, en proposant des rémunérations sur l'épargne au-dessus de 10%, revient à perdre sa culotte. Nous misons surtout sur l'avantage que nous procure notre système financier global et intégré pour proposer des offres plus adaptées aux attentes de la clientèle. Dans les banques traditionnelles, les clients non-rentables sont généralement poussés en douceur vers La Poste. Chez nous, ces mêmes clients sont rentables.

Comment va s'organiser la campagne de promotion ?
Nous serons présents en off et online. Mais nous ne voulons pas tomber dans le travers du "tout pub" en investissant lourdement dans la communication. Nous croyons beaucoup au bouche à oreille. Depuis l'ouverture officieuse du site, le 1er février dernier, nous avons déjà reçu 1.200 demandes d'ouverture de compte. C'est un très bon indicateur...

Lors de l'arrivée de Suez dans le capital d'Europ@web, Zebank, eLuxury et LibertySurf ont été exclus. Pourquoi ce traitement particulier ?
Ces trois sociétés ont été exclues de l'accord car elles avaient un statut à part. Chacune d'entre elles justifie d'une valeur intrinsèque. LibertySurf était le vaisseau amiral, eLuxury a une forte cohésion avec les activités LVMH et Zebank est le "bijou" ! De son côté, Europ@web est en phase de maturation.

Les banques couplent de plus en plus leur offre Internet avec de l'accès, à l'instar de la Société Générale. Or, en étant exclu de l'accord avec Suez, donc de Noos, et avec le rachat de LibertySurf par Tiscali vous vous retrouvez sans FAI "maison"...
Ce n'est pas un problème d'autant que si les synergies avec les sociétés du portefeuille d'Europ@web sont possibles, la politique du groupe interdit de mettre en place des accords. Au niveau de l'accès Internet, nous allons d'ailleurs lancer une offre commune avec Club Internet et Hewlett-Packard. Il s'agit d'un pack comprenant un ordinateur et un accès Internet et sur lequel nous gérons l'aspect crédit.

Comment se passent vos relations avec vos deux actionnaires, Europ@web et Dexia ?
Elles se passent très bien, nous sommes très cohérents. Zebank est un projet à long terme, sur lequel nous avons une véritable stratégie. Nous sommes donc dans un environnement stable. Aujourd'hui, nous n'avons pas besoin d'ouvrir le capital de Zebank.

 
Propos recueillis par Jérôme Batteau et Ludovic Desautez

PARCOURS
 
Né en 1964, Olivier de Montety est titulaire d'un diplôme de l'Institut d'Etudes Politiques à Bordeaux et d'un Master's Degree of Science de Heriott Watt University à Edinburgh. En 1988, il intègre le Groupe Fimat en tant que broker junior. Il y fera carrière jusqu'en 1999. Il devient responsable du département clientèle individuelle des marchés dérivés jusqu'en 1992. Puis, alors qu'il est directeur des marchés dérivés d'indices et de la clientèle individuelle, il est nommé responsable du développement. En 1995, Olivier de Montety crée Fimatex, société en-ligne de services boursiers destinés aux investisseurs privés. Il dirigera Fimatex en France jusqu'en 1999, date à laquelle il rejoint le Groupe Arnault pour créer Zebank. Président directeur général, il est nommé président du directoire en septembre 2000 à la suite de la réorganisation juridique de la société.

   
 
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