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Le projet Zebank a démarré au cours de l'été
1999. Pour quelles raisons ce chantier a-t-il mis plus de
dix-huit mois avant d'aboutir ?
Olivier de Montety.
En juillet 1999, nous avons débuté
devant une feuille blanche dans un bureau du groupe Arnault.
L'idée de base était de concevoir un service
bancaire purement Internet. Il nous fallait alors définir
précisément les attentes de la clientèle
en la matière. Pour cette raison, nous avons lancé
Zeproject début 2000 afin de saisir les besoins des
internautes face aux sites financiers. Il est vrai qu'à
l'époque nous nous sommes un peu emmêlés
les pinceaux sur la communication. Les gens ont supposé
que ZeProject était un "teasing" pour un
lancement proche alors que notre volonté était,
en fait, de réaliser une enquête. Zeproject nous
a permis de comprendre que pour répondre aux attentes
des clients, Zebank devait proposer d'emblée l'ensemble
des produits financiers : banque, bourse, épargne,
crédit et assurance. Or, dans notre esprit, l'ouverture
de Zebank pouvait être progressive avec une montée
en charge dans le temps à partir de briques de services
supplémentaires. L'approche "one stop shopping"
attendue par la clientèle nous a donc obligé
à replonger pendant un an dans le projet afin d'offrir,
dès l'ouverture, toutes les prestations.
Quels ont
été les principaux écueils durant cette
période de développement ?
Ils
ont été de deux natures. Tout d'abord sur le
plan réglementaire. La banque est en effet un secteur
d'activité très réglementé vis
à vis duquel il faut justifier d'actionnaires respectables
et obtenir un agrément. Il n'y a peut-être que
l'aviation civile qui ait une réglementation plus contraignante...
L'autre écueil était de nature technique. Pour
offrir l'ensemble des services financiers sur le même
site, nous devions faire cohabiter plusieurs types de logiciels.
En plus, nous avons décidé que le site devait
offrir un fonctionnement en temps réel. Sur Zebank,
les dates de valeur n'existent pas : si vous effectuez
un transfert de compte à compte au sein du site, les
ordres sont répercutés en temps réel.
Ce système offre une véritable maîtrise
de l'argent aux clients. Cette partie informatique a été
développée par Sema.
Quels ont
été les moyens et investissements mis en oeuvre ?
Aujourd'hui
Zebank a un effectif de 140 personnes, dont une soixantaine
sont dédiées au service clientèle. Nous
avons débuté le projet avec des fonds de 110
millions d'euros. Pour l'heure, nous en avons utilisé
un petit tiers.
Plutôt
que de miser sur un développement en interne, pourquoi
ne pas avoir opté pour l'acquisition d'un courtier
en ligne ?
Les
propositions ont été très nombreuses
mais aucune n'était à un prix raisonnable. Je
rencontrais des brokers qui disposaient de 500 ou 2.000 clients.
On avait l'impression que si on leur faisait une proposition
à moins de 100 millions d'euros, on les vexait et qu'il
ne nous restait plus, alors, qu'à se retrouver le lendemain
matin dans un champ pour régler l'affront. Pour l'anecdote,
j'ai même eu des discussions très avancées
avec un site. Mais en fait il y avait un gros quiproquo :
je parlais en francs et eux en euros ! Nous avons donc
abandonné cette piste, d'autant qu'avec la logique
du "one stop shopping", il apparaissait plus judicieux
de partir de zéro sur le plan technologique plutôt
que de vouloir absolument récupérer un premier
lot de clients.
Zebank
se place-t-elle sur un marché de niche ou vise-t-elle
le grand public ?
Zebank
est une banque Internet grand public. C'est même un
supermarché bancaire en ligne. La logique de niche
n'est pas viable. Avant l'e-krach, certains analystes imaginaient
que tôt ou tard tout la population française
se mettrait à faire de la bourse en ligne. Ce n'est
pas sérieux. Nous avons connu une période de
croissance exceptionnelle sur les marchés financiers
jusqu'en 2000. Or qui dit croissance exceptionnelle, dit comportement
exceptionnel. Quand j'étais chez Fimatex, je voyais
certains clients qui se connectaient jusqu'à 200 heures
par mois sur le site. La réalité au niveau du
grand public est toute autre : en moyenne, un français
donne un ordre par an . Donc construire un business model
sur des hypothèses aussi exceptionnelles relève
de l'absurde.
Les banques
traditionnelles sont de plus en plus présentes sur
Internet. Allez-vous faire le chemin inverse en déployant
un réseau physique ?
La
stratégie "click and mortar" se justifie
surtout pour les banques traditionnelles qui ont trouvé
là un moyen de rattraper leur retard sur Internet.
Mais la réalité est que les infrastructures
physiques et les réseaux d'agences sont horriblement
chers et ce sont les clients qui en payent le coût.
Quand vous effectuez un retrait d'espèces au guichet,
le coût de cette opération est située
entre 100 et 150 francs. Par contre, quand vous retirez de
l'argent avec votre carte bancaire, le coût est de quelques
francs. Les banques traditionnelles ont donc des charges très
lourdes qu'elles répercutent dans leurs offres avec
des taux de découvert d'environ 15% et des rémunérations
sur l'épargne en-dessous de 5%. Elles font même
payer des abonnements Internet, ce qui est le comble, et facturent
en plus un ensemble de services, généralement
sous forme de packs, qui coûtent, en moyenne, 1.200
francs par an à chaque client. Chez Zebank, il en coûte
48 francs par an, le taux de découvert est en-dessous
de 10% et le livret au-dessus de 5%. Certes nous ferons quelques
excursions dans le monde physique, notamment pour la promotion,
mais nous croyons bien plus en l'approche "click and
tel" en nous appuyant sur un service clientèle
téléphonique très pointu.
Quels sont
vos objectifs en terme de clients ?
Nous considérons
que sous cinq ans, 10 à 20% de la clientèle
bancaire aura basculée sur Internet. Si d'ici quelques
années nous
avons 1% de ce marché, ce sera un
très bon résultat. Plus précisément,
nous visons les 150.000 clients d'ici deux ans.
Pour conquérir
cette clientèle, à l'image de Egg en Grande-Bretagne,
comptez-vous sur des offres commerciales agressives ?
Faire
comme Egg, en proposant des rémunérations sur
l'épargne au-dessus de 10%, revient à perdre
sa culotte. Nous misons surtout sur l'avantage que nous procure
notre système financier global et intégré
pour proposer des offres plus adaptées aux attentes
de la clientèle. Dans les banques traditionnelles,
les clients non-rentables sont généralement
poussés en douceur vers La Poste. Chez nous, ces mêmes
clients sont rentables.
Comment
va s'organiser la campagne de promotion ?
Nous serons présents
en off et online. Mais nous ne voulons pas tomber dans le
travers du "tout pub" en investissant lourdement
dans la communication. Nous croyons beaucoup au bouche à
oreille. Depuis l'ouverture officieuse du site, le 1er février
dernier, nous avons déjà reçu 1.200 demandes
d'ouverture de compte. C'est un très bon indicateur...
Lors de
l'arrivée de Suez dans le capital d'Europ@web, Zebank,
eLuxury et LibertySurf ont été exclus. Pourquoi
ce traitement particulier ?
Ces trois sociétés
ont été exclues de l'accord car elles avaient
un statut à part. Chacune d'entre elles justifie d'une
valeur intrinsèque. LibertySurf était le vaisseau
amiral, eLuxury a une forte cohésion avec les activités
LVMH et Zebank est le "bijou" ! De son côté,
Europ@web est en phase de maturation.
Les banques
couplent de plus en plus leur offre Internet avec de l'accès,
à l'instar de la Société Générale.
Or, en étant exclu de l'accord avec Suez, donc de Noos,
et avec le rachat de LibertySurf par Tiscali vous vous retrouvez
sans FAI "maison"...
Ce n'est pas un problème
d'autant que si les synergies avec les sociétés
du portefeuille d'Europ@web sont possibles, la politique du
groupe interdit de mettre en place des accords. Au niveau
de l'accès Internet, nous allons d'ailleurs lancer
une offre commune avec Club Internet et Hewlett-Packard. Il
s'agit d'un pack comprenant un ordinateur et un accès
Internet et sur lequel nous gérons l'aspect crédit.
Comment
se passent vos relations avec vos deux actionnaires, Europ@web
et Dexia ?
Elles se passent très
bien, nous sommes très cohérents. Zebank est
un projet à long terme, sur lequel nous avons une véritable
stratégie. Nous sommes donc dans un environnement stable.
Aujourd'hui, nous n'avons pas besoin d'ouvrir le capital de
Zebank.
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