JDNet.
Que fait Startem exactement ?
Alain Pajot.
Startem est une société
française créée il y a sept ans, qui
s'est spécialisée dans la veille, le recueil
et l'analyse de l'information mondiale. Nous avons ajouté
à ces compétences du conseil et de la recommandation
d'actions stratégiques, en particulier dans les cas
de communication de crise. Notre particularité réside
à la fois dans notre multilinguisme puisque nous couvrons
21 langues et 90 pays et dans notre polyvalence : nous suivons
aussi bien les supports traditionnels, presse, radio, TV que
l'information sur Internet, celle des sites officiels comme
celle, plus diffuse, que l'on trouve sur les sites perso ou
dans les forums, les newsgroups ou les "chats".
A ces métiers, nous avons récemment rajouté
la distribution de contenu libre de droits pour les sites
internet ou intranet et la conception de sites ad hoc pour
gérer les cybercrises. Nous développons enfin
un savoir faire spécifique sur la gestion des images,
photos et vidéos, pour les médiathèques
d'entreprises.
Quel est
l'éventail de votre offre aux entreprises ?
Il est assez
large puisqu'il va d'un simple service d'alerte sur un thème,
une région ou un pays donnés à de la
veille modiale tous médias accompagnée de rapports
d'analyses voire de recommandations d'actions ou d'accompagnement
de nos clients, de media-training. Les tarifs s'étalent
entre 2.500 et 50.000 francs par mois.
Qui sont
vos clients...
Pour les grands
comptes, 60 des 200 plus grandes entreprises françaises
à vocation internationale. Mais nous travaillons de
plus en plus avec des grosses PME-PMI exportatrices sur des
missions ponctuelles, une cinquantaine environ. Pour l'alimentation
des intranet, nous travaillons notamment pour L'Oréal
et Axa..
... Et
vos concurrents ?
Franchement, nous
ne voyons personne qui couvre, en interne, l'ensemble de nos
activités. Mais si on segmente, il y a en France Net.Intelligenz
pour la veille sur Internet (groupe Publicis, NDLR),
Cybion
ou Egideria
pour l'exploitation de l'information, des agences de publicité
pour la communication de crise ; l'américain Echo
Research pour l'analyse de la presse mondiale, Edelman...
Qu'est-ce
que l'Internet a changé aux métiers de la veille ?
Tout. L'information aujourd'hui disponible est absolument
colossale : savez-vous qu'il y a en ce moment plus de 7 millions
de pages qui sont produites chaque jour sur le Web ! Internet
est naturellement un formidable outil d'accès à
l'information, mais ce qu'il faut savoir, c'est que la qualité
de cette information est excellente. Nous sommes impressionnés
tous les jours par le niveau d'information stratégique
que l'on peut avoir uniquement par le traitement exhaustif
et intelligent de cette information "ouverte". On
déniche vraiment des pépites.
Et qu'est-ce
que l'Internet a changé à la communication de
crise ?
Là aussi, tout.
Il y a un avant et un après Internet. Jamais,
il n'a été si peu coûteux pour un individu
de déstabiliser ponctuellement, avec un PC, un accès
Internet et un modem, une institution internationale. Il fallait
auparavant des moyens considérables pour inquiéter
une grande entreprise. C'était le vrai pouvoir des
multinationales. Aujourd'hui, des cyberconsommateurs mécontents
-je pense à des utilisateurs de FAI par exemple -,
des employés en marge des organisations syndicales
peuvent arriver aisément à agresser et déstabiliser
des produits ou des firmes mondiales.
Est-ce qu'on
ne surestime pas l'impact de ces mouvements virtuels ?
Nous ne disons pas
qu'il y a des crises purement internet ou purement traditionnelles.
Ce que nous avons remarqué, c'est qu'Il y a une interaction
permanente entre le Net et les médias traditionnels.
Une crise peut très bien démarrer en ligne et
être relayée dans le monde réel : nous
avons remarqué que, dans le cas d'un laboratoire pharmaceutique,
une simple information postée sur un site avait provoqué
en aval près de 500 articles de presse et une chute
significative du cours de Bourse. Dans le cas de Total et
de l'"Erika", c'est l'inverse : une crise réelle
qui donne lieu à un flux d'informations considérable
sur Internet. Les journalistes ont de plus pris l'habitude
d'aller sur Internet dès le démarrage d'une
crise pour trouver de l'information : cela a un effet amplificateur
très fort.
Peut-on mesurer
les influences relatives du online et du offline ?
Nous pensons, sans être
alarmistes, que les tentatives de déstabilisation des
entreprises, notamment sur les aspects boursiers, vont se
généraliser. Le coût des attaques est
très faible et les gains peuvent être considérables.
Les cyberconsommateurs, eux, découvrent grâce
au Net qu'ils ne sont pas seuls et se fédèrent
en ligne. Des cabinets d'avocats s'emparent alors de ces affaires
qui naissent ainsi "naturellement" en quelque sorte
sur le Web pour déclencher des contentieux qui peuvent
être très lourds pour les entreprises. Les médias
traditionnels ou en ligne ont aussi tout intérêt
à "activer" ces crises qui sont très
porteuses pour leur audience et leur image. La maîtrise
par les entreprises de leur environnement Internet est aujourd'hui
une nécessité qui ne peut même plus être
discutée.
Est-ce la
perte d'influence programmée des médias traditionnels
?
Non. Il y a souvent,
à juste raison, des doutes sur l'information disponible
en ligne. Dans un deuxième temps, on se rappellera
que les journalistes jouent un rôle essentiel dans le
tri et la validation de l'information.
Pour une entreprise,
quelle est la bonne stratégie pour réagir à
une cybercrise ?
Les techniques sont multiples,
mais il faut naturellement prendre la crise le plus tôt
possible, c'est pourquoi nous recommandons à nos clients
d'assurer une veille attentive très en amont. Ce qui
permet d'intervenir à moindre coût et plus efficacement
en préparant des argumentaires par exemple. Il faut
organiser en particulier une veille des forums de discussion.
On peut ensuite être présent de façon
cachée dans les newsgroups, où il est très
facile de devenir un leader d'opinion et d'orienter l'opinion
du groupe. Il faut par ailleurs s'attacher à établir
des scénarios de crise et créer des outils internet
comme des sites spécialisé "de crise"
ou faire intervenir en ligne des associations qui peuvent
porter vos messages, par exemple.
Dans
le cas d'un hoax (rumeur en ligne), par exemple, que faut-il
faire ?
On ne croit pas beaucoup
aux stratégies prêtes à l'emploi. Chaque
cas de figure requiert une réponse appropriée.
Dans le cas d'une rumeur manifestement délirante, comme
celle qui a frappé Eurodisney et faisait état
de disparitions d'enfants, l'entreprise -qui n'est pas notre
client- n'a pas souhaité répondre en ligne,
ça nous a paru effectivement sage. En revanche, Bouygues
Télécom a ouvert un site
dédié pour répondre point par point
aux dangers supposés des téléphones mobiles.
Cela nous a paru là encore comme une bonne décision.
Les
entreprises se servent-elles des mêmes techniques de
façon offensive pour vanter leurs produits ou leur
image ?
Pas encore à ma connaissance. Mais ça viendra.
Les
entreprises françaises sont-elles bien préparées
aux cybercrises ?
La prise de conscience de l'importance du traitement mondial
des informations, du rôle central d'Internet est faite.
Des crises comme celles qu'ont connues Firestone ou Coca-Cola,
avec pertes de parts de marché et démissions
fracassantes de PDG, ont naturellement fini de convaincre
les dirigeants d'entreprise. En
revanche, il faut faire beaucoup de pédagogie sur le
management de l'information : les capacités des entreprises
à mettre en oeuvre des plans d'action se heurtent à
des problèmes d'organisation importants. L'organisation
de l'information dans l'entreprise n'est pas très claire
: on est au coeur des guerres de pouvoir internes, c'est un
combat très rude actuellement. Les budgets, les centres
de décision ne sont pas identifiés. Qui aura
le pouvoir de l'information au final ? Des directeurs de la
communication ont laissé filer le coche. et de plus
en plus, des directions opérationnelles montent en
puissance.
Entreprises,
Etats, individus... Qui va gagner cette nouvelle bataille
de l'information ?
Les Etats, il faut naturellement ne pas le souhaiter. Mais
quand on voit la NSA
américaine faire un tri exhaustif de l'information
publiée dans le monde, on peut avoir quelques inquiétudes.
Idem quand on voit la politique de Pékin en matière
d'Internet. Mais je crois que les espaces de liberté
dégagés par Internet vont subsister. Les entreprises
en revanche sont en train de perdre la bataille : elles vont
être dépassées par les internautes. Hier,
elles "contrôlaient" 50 journalistes. Elles
ne contrôleront pas 60 millions de cyberconsommateurs.
Quels
sont les objectifs 2001 de Startem ?
D'abord poursuivre notre effort de recherche & développement
: pour assurer un traitement rapide et pertinent de la masse
énorme d'informations que nous recueillons, non seulement
nous devons nous équiper de logiciels puissants, base
de données, analyse sémantique multilingues,
mais nous développons aussi nos propres couches logicielles.
Autre objectif, économique celui-là : fédérer
les acteurs européens du secteur qui n'est pas encore
structuré. Les grandes entreprises françaises
et européennes ne se rendent pas compte qu'elles confient
leurs missions sensibles à leurs concurrents anglo-saxons
via des "majors" de l'information stratégique
comme Krol. Nous pensons - et nous ne sommes pas les seuls-
qu'il est vital pour l'Europe qu'un acteur régional
existe.
Startem
a-t-il les moyens de son développement ?
Pas
suffisamment . Nous travaillons actuellement à la recherche
de partenaires pour un tour de table d'une vingtaine de millions
de francs qui nous permettrait d'accélérer notre
développement.
Quel
est votre site préféré ?
Smartmoney.com.
C'est ce que j'ai vu de mieux dans le genre modélisation
de l'information. C'est fabuleux.
Ce que vous
aimez dans l'Internet ?
Le retour de la communication par l'image. Les entreprises
ont désinvesti depuis des années dans la production
d'images. Le multimédia va permettre de redécouvrir
la photo dans la communication.
Et ce que
vous détestez ?
L'utilisation malhonnête
de l'information. Vivre dans un monde de manipulation et de
désinformation est inquiétant pour la démocratie.
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