INTERVIEW
 
Directeur associé
Startem
Alain Pajot
"Titre"
Société spécialisée dans la veille mondiale on et offline, l'intelligence et le la gestion des "cybercrises", Startem suit de très près la façon dont les entreprises appréhendent l'information délivrée par Internet. Pour son directeur associé, Alain Pajot, elles sont en passe de perdre le combat contre les cyberconsommateurs, les cybersyndicats ou... des concurrents cherchant à les déstabiliser.17 janvier 2001
 
          

JDNet. Que fait Startem exactement ?
Alain Pajot. Startem est une société française créée il y a sept ans, qui s'est spécialisée dans la veille, le recueil et l'analyse de l'information mondiale. Nous avons ajouté à ces compétences du conseil et de la recommandation d'actions stratégiques, en particulier dans les cas de communication de crise. Notre particularité réside à la fois dans notre multilinguisme puisque nous couvrons 21 langues et 90 pays et dans notre polyvalence : nous suivons aussi bien les supports traditionnels, presse, radio, TV que l'information sur Internet, celle des sites officiels comme celle, plus diffuse, que l'on trouve sur les sites perso ou dans les forums, les newsgroups ou les "chats". A ces métiers, nous avons récemment rajouté la distribution de contenu libre de droits pour les sites internet ou intranet et la conception de sites ad hoc pour gérer les cybercrises. Nous développons enfin un savoir faire spécifique sur la gestion des images, photos et vidéos, pour les médiathèques d'entreprises.

Quel est l'éventail de votre offre aux entreprises ?
Il est assez large puisqu'il va d'un simple service d'alerte sur un thème, une région ou un pays donnés à de la veille modiale tous médias accompagnée de rapports d'analyses voire de recommandations d'actions ou d'accompagnement de nos clients, de media-training. Les tarifs s'étalent entre 2.500 et 50.000 francs par mois.

Qui sont vos clients...
Pour les grands comptes, 60 des 200 plus grandes entreprises françaises à vocation internationale. Mais nous travaillons de plus en plus avec des grosses PME-PMI exportatrices sur des missions ponctuelles, une cinquantaine environ. Pour l'alimentation des intranet, nous travaillons notamment pour L'Oréal et Axa..

... Et vos concurrents ?
Franchement, nous ne voyons personne qui couvre, en interne, l'ensemble de nos activités. Mais si on segmente, il y a en France Net.Intelligenz pour la veille sur Internet (groupe Publicis, NDLR), Cybion ou Egideria pour l'exploitation de l'information, des agences de publicité pour la communication de crise ; l'américain Echo Research pour l'analyse de la presse mondiale, Edelman...

Qu'est-ce que l'Internet a changé aux métiers de la veille ?
Tout. L'information aujourd'hui disponible est absolument colossale : savez-vous qu'il y a en ce moment plus de 7 millions de pages qui sont produites chaque jour sur le Web ! Internet est naturellement un formidable outil d'accès à l'information, mais ce qu'il faut savoir, c'est que la qualité de cette information est excellente. Nous sommes impressionnés tous les jours par le niveau d'information stratégique que l'on peut avoir uniquement par le traitement exhaustif et intelligent de cette information "ouverte". On déniche vraiment des pépites.

Et qu'est-ce que l'Internet a changé à la communication de crise ?
Là aussi, tout. Il y a un avant et un après Internet. Jamais, il n'a été si peu coûteux pour un individu de déstabiliser ponctuellement, avec un PC, un accès Internet et un modem, une institution internationale. Il fallait auparavant des moyens considérables pour inquiéter une grande entreprise. C'était le vrai pouvoir des multinationales. Aujourd'hui, des cyberconsommateurs mécontents -je pense à des utilisateurs de FAI par exemple -, des employés en marge des organisations syndicales peuvent arriver aisément à agresser et déstabiliser des produits ou des firmes mondiales.

Est-ce qu'on ne surestime pas l'impact de ces mouvements virtuels ?
Nous ne disons pas qu'il y a des crises purement internet ou purement traditionnelles. Ce que nous avons remarqué, c'est qu'Il y a une interaction permanente entre le Net et les médias traditionnels. Une crise peut très bien démarrer en ligne et être relayée dans le monde réel : nous avons remarqué que, dans le cas d'un laboratoire pharmaceutique, une simple information postée sur un site avait provoqué en aval près de 500 articles de presse et une chute significative du cours de Bourse. Dans le cas de Total et de l'"Erika", c'est l'inverse : une crise réelle qui donne lieu à un flux d'informations considérable sur Internet. Les journalistes ont de plus pris l'habitude d'aller sur Internet dès le démarrage d'une crise pour trouver de l'information : cela a un effet amplificateur très fort.

Peut-on mesurer les influences relatives du online et du offline ?
Nous pensons, sans être alarmistes, que les tentatives de déstabilisation des entreprises, notamment sur les aspects boursiers, vont se généraliser. Le coût des attaques est très faible et les gains peuvent être considérables. Les cyberconsommateurs, eux, découvrent grâce au Net qu'ils ne sont pas seuls et se fédèrent en ligne. Des cabinets d'avocats s'emparent alors de ces affaires qui naissent ainsi "naturellement" en quelque sorte sur le Web pour déclencher des contentieux qui peuvent être très lourds pour les entreprises. Les médias traditionnels ou en ligne ont aussi tout intérêt à "activer" ces crises qui sont très porteuses pour leur audience et leur image. La maîtrise par les entreprises de leur environnement Internet est aujourd'hui une nécessité qui ne peut même plus être discutée.

Est-ce la perte d'influence programmée des médias traditionnels ?
Non. Il y a souvent, à juste raison, des doutes sur l'information disponible en ligne. Dans un deuxième temps, on se rappellera que les journalistes jouent un rôle essentiel dans le tri et la validation de l'information.

Pour une entreprise, quelle est la bonne stratégie pour réagir à une cybercrise ?
Les techniques sont multiples, mais il faut naturellement prendre la crise le plus tôt possible, c'est pourquoi nous recommandons à nos clients d'assurer une veille attentive très en amont. Ce qui permet d'intervenir à moindre coût et plus efficacement en préparant des argumentaires par exemple. Il faut organiser en particulier une veille des forums de discussion. On peut ensuite être présent de façon cachée dans les newsgroups, où il est très facile de devenir un leader d'opinion et d'orienter l'opinion du groupe. Il faut par ailleurs s'attacher à établir des scénarios de crise et créer des outils internet comme des sites spécialisé "de crise" ou faire intervenir en ligne des associations qui peuvent porter vos messages, par exemple.

Dans le cas d'un hoax (rumeur en ligne), par exemple, que faut-il faire ?
On ne croit pas beaucoup aux stratégies prêtes à l'emploi. Chaque cas de figure requiert une réponse appropriée. Dans le cas d'une rumeur manifestement délirante, comme celle qui a frappé Eurodisney et faisait état de disparitions d'enfants, l'entreprise -qui n'est pas notre client- n'a pas souhaité répondre en ligne, ça nous a paru effectivement sage. En revanche, Bouygues Télécom a ouvert un site dédié pour répondre point par point aux dangers supposés des téléphones mobiles. Cela nous a paru là encore comme une bonne décision.

Les entreprises se servent-elles des mêmes techniques de façon offensive pour vanter leurs produits ou leur image ?
Pas encore à ma connaissance. Mais ça viendra.

Les entreprises françaises sont-elles bien préparées aux cybercrises ?
La prise de conscience de l'importance du traitement mondial des informations, du rôle central d'Internet est faite. Des crises comme celles qu'ont connues Firestone ou Coca-Cola, avec pertes de parts de marché et démissions fracassantes de PDG, ont naturellement fini de convaincre les dirigeants d'entreprise. En revanche, il faut faire beaucoup de pédagogie sur le management de l'information : les capacités des entreprises à mettre en oeuvre des plans d'action se heurtent à des problèmes d'organisation importants. L'organisation de l'information dans l'entreprise n'est pas très claire : on est au coeur des guerres de pouvoir internes, c'est un combat très rude actuellement. Les budgets, les centres de décision ne sont pas identifiés. Qui aura le pouvoir de l'information au final ? Des directeurs de la communication ont laissé filer le coche. et de plus en plus, des directions opérationnelles montent en puissance.

Entreprises, Etats, individus... Qui va gagner cette nouvelle bataille de l'information ?
Les Etats, il faut naturellement ne pas le souhaiter. Mais quand on voit la NSA américaine faire un tri exhaustif de l'information publiée dans le monde, on peut avoir quelques inquiétudes. Idem quand on voit la politique de Pékin en matière d'Internet. Mais je crois que les espaces de liberté dégagés par Internet vont subsister. Les entreprises en revanche sont en train de perdre la bataille : elles vont être dépassées par les internautes. Hier, elles "contrôlaient" 50 journalistes. Elles ne contrôleront pas 60 millions de cyberconsommateurs.

Quels sont les objectifs 2001 de Startem ?
D'abord poursuivre notre effort de recherche & développement : pour assurer un traitement rapide et pertinent de la masse énorme d'informations que nous recueillons, non seulement nous devons nous équiper de logiciels puissants, base de données, analyse sémantique multilingues, mais nous développons aussi nos propres couches logicielles. Autre objectif, économique celui-là : fédérer les acteurs européens du secteur qui n'est pas encore structuré. Les grandes entreprises françaises et européennes ne se rendent pas compte qu'elles confient leurs missions sensibles à leurs concurrents anglo-saxons via des "majors" de l'information stratégique comme Krol. Nous pensons - et nous ne sommes pas les seuls- qu'il est vital pour l'Europe qu'un acteur régional existe.

Startem a-t-il les moyens de son développement ?
Pas suffisamment . Nous travaillons actuellement à la recherche de partenaires pour un tour de table d'une vingtaine de millions de francs qui nous permettrait d'accélérer notre développement.

Quel est votre site préféré ?
Smartmoney.com. C'est ce que j'ai vu de mieux dans le genre modélisation de l'information. C'est fabuleux.

Ce que vous aimez dans l'Internet ?
Le retour de la communication par l'image. Les entreprises ont désinvesti depuis des années dans la production d'images. Le multimédia va permettre de redécouvrir la photo dans la communication.

Et ce que vous détestez ?
L'utilisation malhonnête de l'information. Vivre dans un monde de manipulation et de désinformation est inquiétant pour la démocratie.

 
Propos recueillis par Christophe Delaporte

PARCOURS
 

Diplômé de l'Institut Supérieur de Gestion (1987), Alain Pajot a été chargé des relations avec le secteur audiovisuel au Ministère de la Défense de 1987 à 1990 et coproduit des émissions TV. De 1990 à 1993, il a été responsable des relations publiques et de la médiathèque du groupe Bull. Il est chargé de cours au CELSA.

Startem a réalisé 24 millions de francs de chiffre d'affaires en 2000 et en prévoit 33 pour 2001. La société qui a été fondée par Alain Pajot, Jean-Bernard Pinatel (PDG, ancien patron du Sirpa) et René Neyret compte 48 salariés. Les associés fondateurs qui détiennent 75% du capital de la société ont été rejoints en juin 2000 par Olivier Ribet, ancien manager du département communication de Microsoft France.


   
 
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