INTERVIEW
 
PDG
Médiasystem
Serge Perez
"Titre"
Acteur majeur du marché français du recrutement, Mediasystem est l'une des plus anciennes agence de communication RH de l'hexagone. Créée en 1977 par Etienne Segretain, elle appartient au groupe Publicis depuis 1980. L'agence compte aujourd'hui deux cents collaborateurs en France et réalise une marge brute de 125 millions de francs. Elle est fortement présente à l'international en s'appuyant sur un réseau d'agences du groupe Publicis et de Saatchi & Saatchi ainsu que sur des agences affiliées. Serge Perez, son PDG, est un observateur avisé du monde du recrutement et des évolutions récentes qui affectent ce marché.05 octobre 2001
 
          

JDNet. De plus en plus d'analystes et d'observateurs du monde du recrutement diagnostiquent un retournement de tendance du marché, en particulier dans le secteur high-tech. Partagez-vous cette analyse ?
Serge Perez.
Il faut d'abord s'entendre sur les difficultés dont on parle.
Aujourd'hui nous vivons effectivement le contrecoup des difficultés économiques apparues depuis le mois de mai mais aussi des évènements dramatiques du 11 septembre dernier. Les entreprises ont une véritable difficulté à appréhender clairement les choses pour la fin d'année et le début de l'année prochaine. Or le marché du recrutement est directement lié aux projections des entreprises sur l'avenir du marché et sur leur propre avenir. On ne peut pas encore dire si nous sommes dans une réelle situation de crise ou bien s'il s'agit simplement d'une période d'incertitude passagère liée aux attentats américains. Nous aurons certainement davantage de recul à la fin de l'année.

Mais si l'on ne tient pas compte la période d'inquiétude générée par le drame américain, pensez-vous qu'une détérioration durable du contexte économique pourrait générer une crise comparable à celle des années 80 ?
Non. La seule analyse des facteurs statistiques montre que le passage à la retraite de la génération des cadres du baby-boom à l'horizon des années 2004-2006 confrontera les entreprises à une pénurie. Certaines grandes entreprises anticipent dores et déjà ce mouvement dans la gestion de leur pyramide des âges. Cela signifie que, même si l'économie ralentit encore, l'enjeu pour les entreprises ne sera plus seulement la gestion de leur croissance mais tout simplement le remplacement de leurs cadres.

Vous ne croyez-donc pas dans un tassement durable du marché ?
Il est très vraisemblable que le marché se maintiendra, tout particulièrement dans le secteur high-tech pour lequel les perspectives de croissance restent fortes. Il faut noter que le phénomène démographique que je viens d'évoquer affectera l'ensemble de l'Europe et devient aujourd'hui une préoccupation centrale des DRH. Même si à court terme l'environnement économique est jugé incertain, l'anticipation du remplacement des compétences est inéluctable. Je pense même qu'une période d'accalmie comme celle que nous vivons sur le terrain du recrutement peut permettre aux entreprises de profiter d'opportunités inespérées pour le recrutement de profils rares.

Mais la période d'euphorie que nous venons de connaître n'a-t-elle pas montré que les entreprises ne pouvaient pas facilement parier sur une fidélisation des salariés, en particulier à un horizon de 4 ou 5 ans ?
C'est exact, mais je crois que les années que nous allons vivre seront d'abord marquées par un développement des moyens qui vont permettre de fidéliser les compétences recrutées par l'entreprise. On ne pourra plus séparer la problématique du recrutement de la problématique de fidélisation des salariés. Votre question illustre l'un des grands problèmes posés aux employeurs pour demain, à savoir comment recruter et fidéliser ses ressources humaines.

De ce point de vue, le développement des plans de BCE dans le secteur high-tech a-t-il changé quelque chose à ces politiques de fidélisation ?
Je crois que les BCE ont été un épiphénomène. En revanche l'intégration du capital humain dans la création de valeur pour l'entreprise correspond, elle, à un mouvement de fond. Nous ne pourrons plus gérer demain le capital humain d'une entreprise sans tenir compte de l'ensemble de l'offre RH proposée par l'entreprise. J'inclus dans cette notion à la fois l'employabilité, l'évolution de carrière, mais aussi l'ensemble des systèmes de rémunération de la valeur ajoutée humaine. Cela restera, je pense, un véritable acquis de cette courte période d'euphorie que nous venons de vivre.

Cette notion de la rémunération globale ne sera-t-elle pas davantage intégrée à l'avenir dans les stratégies de communication des entreprises ?
Nous sommes dans un pays latin qui a toujours du mal à parler de rémunération. C'est particulièrement délicat pour des grands groupes qui disposent de leur propre système de rémunération interne. Quand ces entreprises cherchent des compétences, elles doivent ajuster leurs propositions aux conditions de ce marché. Or ces dernières peuvent être en léger décalage avec le système de rémunération interne du groupe. Je ne pense donc pas que les choses évoluent beaucoup sur ce plan, au moins pour la communication externe des grandes entreprises. Celles-ci n'ont pas intérêt à mettre trop en avant les éléments de rémunérations proposés.

Y a-t-il encore pour vous des situations de pénuries sur le marché de l'emploi high-tech ?
Il y a toujours des poches de pénurie qui restent importantes, mais la vraie question aujourd'hui est de savoir où se situeront les besoins futurs. Il ne faut pas perdre de vue que beaucoup de grandes entreprises ont encore de forts besoins de recrutements. C'est bien-sûr le cas d'entreprises high-tech, mais également de spécialistes du consulting, à condition qu'il n'y ait pas de ralentissement économique mondial spectaculaire.

Qu'est-ce qu'Internet a changé sur le marché du recrutement ?
J'ai envie de dire à la fois qu'Internet a tout changé et qu'il n'a rien changé. Je m'explique : Internet a tout changé parce qu'il permet aux candidats d'avoir un accès direct à l'entreprise mais aussi à cette entreprise d'avoir directement accès aux candidats dans le cadre d'une communication en quasi temps réel. De ce point de vue, c'est une authentique révolution. Le recrutement sera sans aucun doute l'un des métiers où l'Internet jouera un rôle clé de façon durable. Ce média a considérablement facilité le contact entre les acteurs du marché du recrutement.

Et qu'est-ce qu'Internet n'a pas changé?
La difficulté de l'entreprise à trouver les candidats de qualité reste la même. Internet a résolu le problème de la circulation des candidatures mais n'a pas résolu celui de la sélection. Il a même accentué le problème qualitatif en facilitant considérablement le dépôt d'une candidature. Il n'y a plus besoin d'être vraiment motivé pour répondre à l'offre d'une entreprise. Cela génère un flux important que cette entreprise doit ensuite gérer. Internet a donc parfaitement résolu des problèmes de télécommunication mais il reste aux entreprises à choisir et à communiquer sur le marché pour séduire les candidats. On est là sur des questions de communication corporate et sur ce plan, Internet a décuplé la situation de concurrence puisque aujourd'hui toutes les entreprises peuvent joindre les candidats en ligne.

La gestion des 35 heures est-elle devenue un facteur discriminant entre les entreprises en phase de recrutement ?
Je pense qu'au-delà du seul phénomène des 35 heures, c'est surtout la réflexion concernant l'équilibre entre vie professionnelle et vie privée qui joue un rôle qui peut-être discriminant dans le choix d'une entreprise par le candidat. Il y a d'une part des entreprises dans lesquelles la proposition RH intègrera une certaine préservation de la vie privée. D'autres, en revanche, peuvent faire une proposition inverse, en général compensée par une dimension de rémunération. Il s'agit simplement pour l'entreprise de faire une proposition claire sur son offre globale afin que celle-ci rencontre le bon candidat. Aujourd'hui, les candidats n'ont plus peur d'indiquer s' ils souhaitent privilégier un certain niveau de vie privée.

Personnellement utilisez-vous Internet depuis longtemps?
J'utilise le web depuis trois ans environ, je n'ai donc pas été un primo-adoptant. Je dois avouer que je l'utilise peu à des fins personnelles. Quand j'ai cinq minutes, je me connecte d'abord pour consulter mon compte ou visiter le site boursorama. En revanche, je sais que ma femme achète depuis très longtemps en ligne, de la même façon qu'elle achetait auparavant sur minitel.

 
Propos recueillis par Fabien Claire

PARCOURS
 

Serge Perez est diplômé de l'Ecole Supérieure de commerce et d'administration des entreprises, 3è cycle de psychosociologie de la communication.
Il dirige l'Agence Mediasystem depuis 1989 et occupe également la Présidence d'un des pôles de communication d'entreprises (communication ressources humaines, business communication et publishing) de Publicis en France.


   
 
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