JDNet.
Quelle est aujourd'hui l'organisation européenne d'OMD
dans l'Internet ?
Viviane Prat.
Nous sommes actuellement en train
d'implanter des structures sur l'ensemble de nos marchés
européens. Mais nous ne mettons pas en place les mêmes
structures dans chacun d'eux. Curieusement Internet n'a pas
pénétré de la même façon
dans chaque pays. Nous sommes déjà présents
en Angleterre, en France, en Allemagne, en Pologne et au Danemark.
Nous n'allons pas développer une structure pour chaque
pays puisque chacune de ces implantations rayonnera sur un
marché plus large. Par exemple, le Danemark couvrira
l'ensemble des pays nordiques, la Pologne couvrira l'Europe
centrale, l'Allemagne assure notre présence dans tous
les pays germaniques et la France couvrira tous les pays latins.
La Grande-Bretagne, elle, ne couvrira que son propre marché.
Disposez-vous
de vos propres outils de média-planning pour la communication
en ligne ?
Nous avons organisé
un séminaire à Hambourg le mois dernier au cours
duquel nous avons présenté à nos filiales
l'outil que nous avons développé et qui est
actuellement utilisé en Grande-Bretagne. Nous sommes
en train de le tester sur nos autres marchés. C'est
pour nous un outil qui illustre la nouvelle forme du média-planning.
Nous avons besoin d'un outil conçu et adapté
au marché Internet.
Quelles
sont les caractéristiques de cet outil ?
Dans les médias
classiques nous avions l'habitude de travailler sur des données
d'audience que nous utilisions pour calculer un GRP [GRP
pour Gross Rating Point, mesure la pression publicitaire d'une
campagne, NDLR]. Ce qui nous intéresse sur le Web,
ce n'est plus le coût du GRP, mais le coût du
client ou du contact. Il s'agit sur Internet de mesurer non
plus la couverture de la cible mais l'efficacité de
la campagne. Ce type d'outil n'existe pas encore, c'est pourquoi
nous l'avons inventé en y intégrant tous les
champs d'expérience dont nous disposons. Il s'agit
pour nous de disposer d'importantes bases de données
constituées de retours d'expérience, lesquelles,
bien organisées, nous permettent de tirer des conclusions
qui correspondent à notre problématique. Ce
mix entre les données d'audience et de résultats
nous permet de connaître la potentialité de résultats
selon les types de médias. C'est un outil que nous
utiliserons pour tous les médias dont le Web.
Vous disposez
d'une connaissance approfondie des médias traditionnels,
que pensez-vous du média Internet ?
J'étais hier à
une conférence internationale à Londres au cours
de laquelle un participant a demandé si en réalité
le phénomène Internet n'était pas un
simple feu de paille ? C'est ridicule, on ne se passera
pas plus de l'Internet demain que de l'avion ou du téléphone
portable aujourd'hui. Le problème c'est que nos ordinateurs
sont aujourd'hui produits par des techniciens savants. C'est
comme pour une machine à laver : avec l'électronique,
les concepteurs ont tendance à nous proposer des machines
qui savent faire le café, battre les oeufs, dire "papa-maman"...
Bref, des machines à tout faire. Or, cette volonté
donne l'image d'une telle profusion que l'on perd de vue l'essentiel.
Sur Internet, les risques sont les mêmes. Il faut exploiter
la richesse de ce média mais sans se perdre dans l'abondance.
Sinon il y aura trop, et nous en n'utiliserons trop peu.
Internet
vous donne aujourd'hui l'image de cette confusion ?
Je ne suis pas une scientifique
et je tiens à conserver le regard de l'utilisateur.
Aujourd'hui, parce qu'il y a trop de choses sur le Web, j'en
utilise vraiment trop peu et c'est le cas de beaucoup de gens.
Il nous faut trouver un équilibre en proposant aux
gens ce qu'ils ont envie d'utiliser.
Vous pensez
que ce tri est inéluctable ?
Il va y avoir des portails,
des sites et des fonctions qui vont disparaître car
se sont des gadgets.
Il ne restera que les vrais usages essentiels. En fonction
de ce qui restera pour des cibles larges, la communication
Internet utilisera les canaux les plus essentiels. Aujourd'hui
nous tâtonnons. Ce qui doit évoluer par exemple,
c'est tout ce qui est lié à la bannière.
Cette évolution va se faire au profit des partenariats,
mais des partenariats qui vont vraiment apporter quelque chose
à toutes les entreprises qui s'associent.
Quelles
formes pourraient prendre ces partenariats modèles
?
Et bien justement, c'est
là que je ne sais plus très bien ! A ce
jour on ne voit pas encore d'exemple de succès flagrants
de partenariats à visée grand-public. Tout reste
à faire. Aujourd'hui on fait des bandeaux parce que
l'on n'a pas encore trouvé des gens dans des secteurs
différents animés de cette volonté d'association
pour faire quelque chose qui convient au grand-public.
Pensez-vous
que ces formes de communication plus intégrées
se propageront aux médias traditionnels ?
Je pense que globalement
notre consommation média va évoluer vers davantage
de picorage et de consultation différée. Avec
des systèmes de types Tivo [magnétoscope
numérique, NDLR] on va même pouvoir éviter
la publicité. On commence d'ailleurs à voir
les publiphobes se réjouir en imaginant qu'ils pourront
enfin se débarrasser de la pub y compris sur Internet.
Mais ces
systèmes sont aujourd'hui payant sur le Web ?
Mais cela pourra changer.
En plus, la baisse des prix est inéluctable. C'est
un mouvement naturel de notre société de consommation.
Je me souviens par exemple que mon premier téléphone
portable, il y a sept ans, coûtait plus de 25.000 francs
et pesait cinq kilos. Ce qui coûte aujourd'hui peut
devenir quasi-gratuit demain. Le publiphobe de base, ou même
l'évolué, qui se sentira satisfait d'avoir échappé
à la pub, continuera pour autant à consommer.
Or le jour où il voudra s'acheter un ordinateur ou
un matériel complexe il aura besoin d'informations.
Le publiphobe aura donc lui-même la démarche
de rechercher de l'information et des conseils sur le Web
par exemple, sur la télé interactive ou dans
la presse. Or ce sera là un vecteur d'informations
de nature à orienter son acte d'achat.
La pub
triomphera donc toujours ?
Elle est inévitable
et naturelle. C'est d'abord un jeu de séduction entre
le vendeur et le consommateur. Le marché a besoin de
cette dynamique de séduction. Je pense que la technologie
qui permettra demain d'éviter la communication traditionnelle
nous invite d'ores et déjà à travailler
sur des modèles plus subtils. On passera de la communication
de masse, de type page de presse ou film publicitaire, vers
une publicité choisie, consommée. C'est la grande
richesse de l'intéractivité permise par les
nouveaux médias et plus particulièrement Internet.
Bref, le permission marketing.
Vous pensez
vraiment que l'internaute oubliant de décocher la case
par laquelle il autorise l'éditeur d'un service à
vendre ses coordonnées demande objectivement de l'information
publicitaire ?
Je suis abonnée
à des centaines de magazines que je reçois gratuitement.
Je reçois donc une quantité gigantesque d'informations
publicitaires par courrier et dans ma boîte mail. Les
éviter reste assez simple. On peut jeter simplement
ce qui ne vous intéresse pas et même demander
à être rayé des listes. La CNIL est très
sourcilleuse sur le sujet. Mais dans le fond, reconnaissons
que ce n'est pas un viol dramatique. En outre, dans tout cela
il y a quand même des informations intéressantes...
Le risque
d'abus est pourtant réel ?
Mais vous savez très
bien que l'on commence à voir apparaître des
filtres. Ils deviendront de plus en plus sélectifs
et un jour ils vous seront proposés en option systématiquement
par votre fournisseur d'accès. Et lorsque les filtres
seront trop nombreux on vous proposera des gestionnaires de
filtres. C'est bien, c'est ça aussi la nouvelle économie !
Quand il y a excès on invente une supposée source
d'équilibre et quand le balancier va trop loin dans
l'autre sens on trouve enfin un véritable équilibre.
C'est la vie...
Depuis
combien de temps utilisez-vous Internet ?
Nous avons créé
OMD Interactive en 1996. Nous avions engagé à
l'époque Laure de la Guerronnière, une brillante
HEC qui sortait de chez Sony et qui était venue à
l'origine nous présenter Internet. Je ne savais pas
du tout de quoi il s'agissait à l'époque. Nous
l'avons engagé car nous avions l'intuition qu'il nous
fallait investir sur ce média naissant pour voir ce
que ça pouvait devenir. Pour comprendre de quoi il
s'agissait, j'ai installé le bureau des spécialistes
du Web juste à côté de mon propre bureau.
Catherine Barba est venue la rejoindre et progressivement
nous avons constitué l'équipe OMD interactive.
Pendant trois ans nous avons perdu de l'argent mais nous avons
surtout fait du prosélytisme auprès des annonceurs.
J'ai toujours cherché à jouer à la candide
imbécile pour obliger nos équipes à expliquer
simplement les choses à nos clients. Je suis le filtre
de la Neuneu parfaite parce que je ne veux pas qu'OMD snobe
ses clients avec des concepts ou de la technique.
Sur un
plan plus personnel, comment utilisez-vous le Web ?
Je suis une fan de cinéma.
J'ai par exemple pris l'habitude de ne plus jamais lire les
critiques avant d'aller voir un film. Mon plaisir n'est pas
celui des autres, donc lorsque quelqu'un à la télévision
parle d'un film, je coupe le son. Mais maintenant j'ai le
réflexe en sortant de la séance de consulter
les critiques accessibles en ligne. Je navigue également
pour voir le temps qu'il fait sur les sites météo
avant de prendre l'avion, alors qu'il me suffirait de lire
Le Monde pour y trouver les mêmes cartes. Au bureau
c'est vraiment devenu pour moi un outil indispensable, je
reçois énormément de mails. En revanche
je les imprime toujours car je les lis très souvent
dans les taxis ou les avions.
Vous achetez
beaucoup en ligne ?
Non, je regrette... Je
devrais faire mes courses en ligne. Pourtant le Web est devenu
un réflexe, voire une drogue dans ma vie quotidienne.
Par exemple avant de réserver un billet d'avion en
classe affaire j'ai eu la curiosité l'autre jour de
regarder sur Internet combien j'aurai pu faire économiser
à notre société en voyageant en classe
tourisme. D'une façon générale, j'aime
bien voir comment je pourrais faire des économies sur
Internet, alors qu'en réalité je n'en ai pas
besoin. En fait je n'achète presque pas, mais je vais
voir.
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