INTERVIEW
 
Présidente
OMD Europe
Viviane Prat
"Titre"
A la tête des activités européenne du groupe OMD, deuxième réseau média dans le monde et filiale du groupe Omnicom (BBDO, DDB, TBWA...), Vivianne Prat nous livre son regard sur le marché publicitaire en ligne. Personnage passionnant, derrière une fausse naïveté d'internaute lambda, Viviane Prat se projette volontiers dans ce qu'elle pense être le marché de la communication de demain.05 décembre 2000
 
          

JDNet. Quelle est aujourd'hui l'organisation européenne d'OMD dans l'Internet ?
Viviane Prat. Nous sommes actuellement en train d'implanter des structures sur l'ensemble de nos marchés européens. Mais nous ne mettons pas en place les mêmes structures dans chacun d'eux. Curieusement Internet n'a pas pénétré de la même façon dans chaque pays. Nous sommes déjà présents en Angleterre, en France, en Allemagne, en Pologne et au Danemark. Nous n'allons pas développer une structure pour chaque pays puisque chacune de ces implantations rayonnera sur un marché plus large. Par exemple, le Danemark couvrira l'ensemble des pays nordiques, la Pologne couvrira l'Europe centrale, l'Allemagne assure notre présence dans tous les pays germaniques et la France couvrira tous les pays latins. La Grande-Bretagne, elle, ne couvrira que son propre marché.

Disposez-vous de vos propres outils de média-planning pour la communication en ligne ?

Nous avons organisé un séminaire à Hambourg le mois dernier au cours duquel nous avons présenté à nos filiales l'outil que nous avons développé et qui est actuellement utilisé en Grande-Bretagne. Nous sommes en train de le tester sur nos autres marchés. C'est pour nous un outil qui illustre la nouvelle forme du média-planning. Nous avons besoin d'un outil conçu et adapté au marché Internet.

Quelles sont les caractéristiques de cet outil ?
Dans les médias classiques nous avions l'habitude de travailler sur des données d'audience que nous utilisions pour calculer un GRP [GRP pour Gross Rating Point, mesure la pression publicitaire d'une campagne, NDLR]. Ce qui nous intéresse sur le Web, ce n'est plus le coût du GRP, mais le coût du client ou du contact. Il s'agit sur Internet de mesurer non plus la couverture de la cible mais l'efficacité de la campagne. Ce type d'outil n'existe pas encore, c'est pourquoi nous l'avons inventé en y intégrant tous les champs d'expérience dont nous disposons. Il s'agit pour nous de disposer d'importantes bases de données constituées de retours d'expérience, lesquelles, bien organisées, nous permettent de tirer des conclusions qui correspondent à notre problématique. Ce mix entre les données d'audience et de résultats nous permet de connaître la potentialité de résultats selon les types de médias. C'est un outil que nous utiliserons pour tous les médias dont le Web.

Vous disposez d'une connaissance approfondie des médias traditionnels, que pensez-vous du média Internet ?
J'étais hier à une conférence internationale à Londres au cours de laquelle un participant a demandé si en réalité le phénomène Internet n'était pas un simple feu de paille ? C'est ridicule, on ne se passera pas plus de l'Internet demain que de l'avion ou du téléphone portable aujourd'hui. Le problème c'est que nos ordinateurs sont aujourd'hui produits par des techniciens savants. C'est comme pour une machine à laver : avec l'électronique, les concepteurs ont tendance à nous proposer des machines qui savent faire le café, battre les oeufs, dire "papa-maman"... Bref, des machines à tout faire. Or, cette volonté donne l'image d'une telle profusion que l'on perd de vue l'essentiel. Sur Internet, les risques sont les mêmes. Il faut exploiter la richesse de ce média mais sans se perdre dans l'abondance. Sinon il y aura trop, et nous en n'utiliserons trop peu.

Internet vous donne aujourd'hui l'image de cette confusion ?
Je ne suis pas une scientifique et je tiens à conserver le regard de l'utilisateur. Aujourd'hui, parce qu'il y a trop de choses sur le Web, j'en utilise vraiment trop peu et c'est le cas de beaucoup de gens. Il nous faut trouver un équilibre en proposant aux gens ce qu'ils ont envie d'utiliser.

Vous pensez que ce tri est inéluctable ?
Il va y avoir des portails, des sites et des fonctions qui vont disparaître car se sont des gadgets.
Il ne restera que les vrais usages essentiels. En fonction de ce qui restera pour des cibles larges, la communication Internet utilisera les canaux les plus essentiels. Aujourd'hui nous tâtonnons. Ce qui doit évoluer par exemple, c'est tout ce qui est lié à la bannière. Cette évolution va se faire au profit des partenariats, mais des partenariats qui vont vraiment apporter quelque chose à toutes les entreprises qui s'associent.

Quelles formes pourraient prendre ces partenariats modèles ?
Et bien justement, c'est là que je ne sais plus très bien ! A ce jour on ne voit pas encore d'exemple de succès flagrants de partenariats à visée grand-public. Tout reste à faire. Aujourd'hui on fait des bandeaux parce que l'on n'a pas encore trouvé des gens dans des secteurs différents animés de cette volonté d'association pour faire quelque chose qui convient au grand-public.

Pensez-vous que ces formes de communication plus intégrées se propageront aux médias traditionnels ?
Je pense que globalement notre consommation média va évoluer vers davantage de picorage et de consultation différée. Avec des systèmes de types Tivo [magnétoscope numérique, NDLR] on va même pouvoir éviter la publicité. On commence d'ailleurs à voir les publiphobes se réjouir en imaginant qu'ils pourront enfin se débarrasser de la pub y compris sur Internet.

Mais ces systèmes sont aujourd'hui payant sur le Web ?
Mais cela pourra changer. En plus, la baisse des prix est inéluctable. C'est un mouvement naturel de notre société de consommation. Je me souviens par exemple que mon premier téléphone portable, il y a sept ans, coûtait plus de 25.000 francs et pesait cinq kilos. Ce qui coûte aujourd'hui peut devenir quasi-gratuit demain. Le publiphobe de base, ou même l'évolué, qui se sentira satisfait d'avoir échappé à la pub, continuera pour autant à consommer. Or le jour où il voudra s'acheter un ordinateur ou un matériel complexe il aura besoin d'informations. Le publiphobe aura donc lui-même la démarche de rechercher de l'information et des conseils sur le Web par exemple, sur la télé interactive ou dans la presse. Or ce sera là un vecteur d'informations de nature à orienter son acte d'achat.

La pub triomphera donc toujours ?
Elle est inévitable et naturelle. C'est d'abord un jeu de séduction entre le vendeur et le consommateur. Le marché a besoin de cette dynamique de séduction. Je pense que la technologie qui permettra demain d'éviter la communication traditionnelle nous invite d'ores et déjà à travailler sur des modèles plus subtils. On passera de la communication de masse, de type page de presse ou film publicitaire, vers une publicité choisie, consommée. C'est la grande richesse de l'intéractivité permise par les nouveaux médias et plus particulièrement Internet. Bref, le permission marketing.

Vous pensez vraiment que l'internaute oubliant de décocher la case par laquelle il autorise l'éditeur d'un service à vendre ses coordonnées demande objectivement de l'information publicitaire ?
Je suis abonnée à des centaines de magazines que je reçois gratuitement. Je reçois donc une quantité gigantesque d'informations publicitaires par courrier et dans ma boîte mail. Les éviter reste assez simple. On peut jeter simplement ce qui ne vous intéresse pas et même demander à être rayé des listes. La CNIL est très sourcilleuse sur le sujet. Mais dans le fond, reconnaissons que ce n'est pas un viol dramatique. En outre, dans tout cela il y a quand même des informations intéressantes...

Le risque d'abus est pourtant réel ?
Mais vous savez très bien que l'on commence à voir apparaître des filtres. Ils deviendront de plus en plus sélectifs et un jour ils vous seront proposés en option systématiquement par votre fournisseur d'accès. Et lorsque les filtres seront trop nombreux on vous proposera des gestionnaires de filtres. C'est bien, c'est ça aussi la nouvelle économie ! Quand il y a excès on invente une supposée source d'équilibre et quand le balancier va trop loin dans l'autre sens on trouve enfin un véritable équilibre. C'est la vie...

Depuis combien de temps utilisez-vous Internet ?
Nous avons créé OMD Interactive en 1996. Nous avions engagé à l'époque Laure de la Guerronnière, une brillante HEC qui sortait de chez Sony et qui était venue à l'origine nous présenter Internet. Je ne savais pas du tout de quoi il s'agissait à l'époque. Nous l'avons engagé car nous avions l'intuition qu'il nous fallait investir sur ce média naissant pour voir ce que ça pouvait devenir. Pour comprendre de quoi il s'agissait, j'ai installé le bureau des spécialistes du Web juste à côté de mon propre bureau. Catherine Barba est venue la rejoindre et progressivement nous avons constitué l'équipe OMD interactive. Pendant trois ans nous avons perdu de l'argent mais nous avons surtout fait du prosélytisme auprès des annonceurs. J'ai toujours cherché à jouer à la candide imbécile pour obliger nos équipes à expliquer simplement les choses à nos clients. Je suis le filtre de la Neuneu parfaite parce que je ne veux pas qu'OMD snobe ses clients avec des concepts ou de la technique.

Sur un plan plus personnel, comment utilisez-vous le Web ?
Je suis une fan de cinéma. J'ai par exemple pris l'habitude de ne plus jamais lire les critiques avant d'aller voir un film. Mon plaisir n'est pas celui des autres, donc lorsque quelqu'un à la télévision parle d'un film, je coupe le son. Mais maintenant j'ai le réflexe en sortant de la séance de consulter les critiques accessibles en ligne. Je navigue également pour voir le temps qu'il fait sur les sites météo avant de prendre l'avion, alors qu'il me suffirait de lire Le Monde pour y trouver les mêmes cartes. Au bureau c'est vraiment devenu pour moi un outil indispensable, je reçois énormément de mails. En revanche je les imprime toujours car je les lis très souvent dans les taxis ou les avions.

Vous achetez beaucoup en ligne ?
Non, je regrette... Je devrais faire mes courses en ligne. Pourtant le Web est devenu un réflexe, voire une drogue dans ma vie quotidienne. Par exemple avant de réserver un billet d'avion en classe affaire j'ai eu la curiosité l'autre jour de regarder sur Internet combien j'aurai pu faire économiser à notre société en voyageant en classe tourisme. D'une façon générale, j'aime bien voir comment je pourrais faire des économies sur Internet, alors qu'en réalité je n'en ai pas besoin. En fait je n'achète presque pas, mais je vais voir.

 
Propos recueillis par Fabien Claire

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