INTERVIEW 
 
Olivier Protard
Partenaire associé
Sofinnova Partners
Olivier Protard
"L'effet de mode autour du Web 2.0 n'est pas assimilable à une bulle"
Sofinnova Partners a participé à la plus grosse levée de fonds du secteur des technologies de l'information au deuxième trimestre, à savoir le tour de table de Streamezzo. Ce fonds de capital-risque, actif dans les technologies de l'information et les sciences de la vie, reçoit plus de 1.000 dossiers par an dans l'IT et constitue l'un des poids-lourds de ce secteur. Olivier Protard, partenaire-associé, commente les bons résultats du trimestre dernier et analyse les tendances à venir.
(07/07/2006)
 
JDN. Quel est votre sentiment général sur les niveaux d'investissement en capital-risque IT au premier semestre ?
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Olivier Protard. Nous sommes dans un contexte général d'activité forte, poussée paradoxalement par des tendances incertaines. En France et en Europe, nous assistons à un retour d'activité, qui s'est fait sentir dès la fin de l'année 2005, y compris sur les premiers tours. Nous observerons aussi certainement dans les prochains mois une hausse des valorisations. Les entreprises vont pouvoir lever leurs premiers fonds dans des conditions financières acceptables.

Quelles sont les causes de ce regain d'activité ?
Elles sont de trois ordres. Tout d'abord, beaucoup d'investisseurs ont nettoyé leurs portefeuilles et repris confiance. Ensuite, il y a de nouveau des possibilités d'introduction en Bourse. Alternext a donné une bouffée d'oxygène aux sociétés de taille moyenne pour lever des fonds et trouver des liquidités pour leurs actionnaires. Enfin, Internet profite d'un regain d'intérêt, dont il faut aussi se méfier. En effet, l'Internet 2.0 surfe actuellement sur un effet de mode. Cependant, ce n'est pas le seul secteur à bénéficier de ce regain d'intérêt : les contenus, le commerce électronique et les opérateurs de services comme les MVNO sont aussi concernés, et pour certains en cours de financement.

L'effet de mode autour du Web 2.0 est assimilé par certains observateurs à une nouvelle bulle Internet. Qu'en pensez-vous ?
Une bulle, non. Car en termes de nombre de deals et de montants, cela n'a rien à voir avec la bulle que l'on a connue. De plus, on compte beaucoup de repeat entrepreneurs dans les sociétés Web 2.0 financées. Je pense que les investisseurs sont par ailleurs plus attentifs. Et puis, sur le fond, les business models ne sont pas différents des sites de première génération. La vraie différence entre le Web du début et le Web 2.0 tient plus dans l'expérience accumulée et la taille du marché.

D'après l'indicateur JDN, les montants moyens des tours de table dans les secteurs couverts sont en hausse. Est-ce une tendance pérenne ?
C'est une tendance structurelle et nécessaire. En effet, on a beaucoup reproché au capital-risque européen le manque de moyens mis en oeuvre pour développer les sociétés. Alors, la réponse consistait à réaliser des IPO pour finir par lever les fonds nécessaires. Mais, avant la Bourse, le capital-risque doit pouvoir doter les entreprises des capitaux nécessaires. Aujourd'hui, il existe des projets qui parviennent à lever 20 ou 25 millions d'euros en deux ou trois tours, ce qui est une bonne chose. A titre d'exemple, notre dernier fonds, Sofinnova Capital V, constitué en janvier 2005, est doté de 385 millions d'euros. A titre de comparaison, le fonds levé il y a dix ans pesait 57 millions d'euros. Et en Europe, on trouve une dizaine de fonds de taille équivalente au nôtre.

Il y a aujourd'hui beaucoup de fonds en cours de financement."
Les fonds ont donc eux-mêmes réussi à lever des fonds plus importants…
Oui, et il y a aujourd'hui beaucoup de fonds en cours de financement, comme Partech, Atlas Venture ou encore Earlybird en Allemagne. En 2005, de gros fonds comme Index Ventures et Banexi ont levé des fonds, ainsi que nous-mêmes. Pour autant, lever des fonds demeure un défi.

Comment peut-on expliquer cet afflux de financements ? L'explication est-elle à chercher au niveau des fonds de fonds ?
Les fonds de fonds vont eux-mêmes lever auprès d'institutionnels, et investissent ensuite dans des fonds spécialisés. Ce cycle de financement est devenu assez complexe et long. Les fonds de fonds y ont pris une place importante. Nos investisseurs, chez Sofinnova, sont des fonds de fonds, mais aussi des compagnies d'assurance et des fonds de pension. En France, il y a une dizaine de fonds de fonds qui comptent, et en Europe, 30 ou 40.

Si l'on regarde les autres tendances perceptibles au deuxième trimestre, on remarque une forte poussée des premiers tours de financement. Quel regard portez-vous là-dessus ?
C'est une tendance positive. Contrairement à ce que l'on pourrait penser, la France est l'un des pays d'Europe où le tissu d'investisseurs spécialisés dans l'early stage est relativement bien doté. Dix à quinze structures peuvent aujourd'hui investir dans des start-up. La question, c'est comment on fait passer les sociétés à la deuxième phase de développement, celle où elles génèrent 100 millions d'euros de chiffre d'affaires et où elles deviennent rentables.

L'early stage est relativement bien doté en France."
De manière générale, tous les indicateurs sont au vert. Pourrait-on assister à une accélération des investissements et espérer que l'année 2006 se termine encore mieux qu'elle n'a commencé ?
La question est de savoir si les investisseurs vont garder leur confiance dans les sorties. Car les valeurs technologiques ont été fortement secouées depuis deux mois… Il y a d'ailleurs eu beaucoup de projets d'IPO reportés, ce qui a forcément un impact sur le moral des capital-risqueurs. Cependant, on a tendance à oublier qu'il faut au minimum cinq ans pour coter une entreprise, et par conséquent que la situation boursière actuelle n'impacte pas directement les investissements que l'on fait aujourd'hui.

Comment voyez-vous l'évolution des marchés boursiers dans les six prochains mois ? Le retournement peut-il être durable ? Quelles sont les conséquences sur les multiples ?
Sur le prochain semestre, je pense que cela va rester très volatile. Sur les multiples, on est revenu aux fondamentaux du début des années 90 et à un cycle plus classique, sauf phénomène de rareté observé sur certaines valeurs Internet comme Meetic, par exemple.

Les sorties, ce sont aussi les fusions et acquisitions. Qu'en est-il à ce niveau ? Y a-t-il aussi un retournement ?
Si on regarde les secteurs des télécoms, du logiciel et de l'Internet, la tendance positive devrait se poursuivre au moins au deuxième semestre, voire l'année prochaine. Ce qui représente une opportunité pour les investisseurs. En même temps, il n'y a pas eu d'annonce de méga fusion ou acquisition en France, au premier semestre…

Presque autant de sorties en France qu'en Grande-Bretagne."
Comment se place la France par rapport à ses voisins européens, au regard des tendances en matière de capital-risque ?
On compte presque autant d'opérations de sorties sur les valeurs technologiques en France qu'en Grande-Bretagne. L'Allemagne repart bien. Elle a créé l'équivalent d'Alternext quelques temps après la France.

Quels sont selon vous les secteurs d'activité les plus porteurs à l'heure actuelle ?
Je vois plutôt le Web 2.0, les services d'opérateurs et les technologies mobiles, au détriment peut-être des composants, de la micro-électronique et des logiciels, même si, en masse, ce dernier secteur reste important. Le fait est que nous voyons passer beaucoup moins de dossiers qu'avant sur le logiciel applicatif.

Quelle est l'actualité de Sofinnova Partners ?
Trois de nos participations ont fait de belles introductions en Bourse récemment : Vistaprint sur le Nasdaq (services d'imprimerie sur Internet - Ndlr), Esmertec à Zurich (éditeur de composants logiciels embarqués), et Parrot sur l'Eurolist (solutions de reconnaissance vocale). Depuis le début de notre nouveau fonds début 2005, nous avons financé une dizaine d'entreprises, et nous ferons, je pense, environ cinq nouveaux investissements d'ici la fin de l'année. Sans en dévoiler plus, je peux vous dire que nous avons bouclé un investissement dans le domaine du search. En moyenne, nous réalisons huit à dix investissements par an.
 
 
Propos recueillis par Raphaële KARAYAN, JDN

PARCOURS
 
 
Olivier Protard est partenaire-associé et chargé des investissements du secteur des technologies de l'information. Il a rejoint Sofinnova SA en 1989.

Diplômé de l'Institut d'Etudes Politiques de Paris, il a commencé sa carrière comme journaliste puis comme consultant en management, à Londres. De 1987 à 1989, au sein du groupe I.D.G. Communications, à Paris, il a été responsable de la recherche d'I.D.G. France puis rédacteur-en-chef adjoint du Monde Informatique.

Et aussi Olivier Protard a été administrateur de plusieurs sociétés, dont MultiMania et Nomade. Il siège aujourd'hui aux conseils d'administration ou aux conseils de surveillance de Quescom, Sefas, Volubill, Qosmos et Bee Ware.

   
 
 
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