INTERVIEW
 
Président
Fontainebleau Ventures
Claude Rameau
"Titre"
Fontainebleau-Ventures (Lire fiche dans l'Annuaire des fonds du JDNet) est un fonds de capital-risque créé en avril 2000 par Claude Rameau, ancien doyen de l'Insead (l'Institut européen d'administration des affaires) à Fontainebleau. Soutenu par une quinzaine de business angels et par trois fonds privés (Gefinor Groupe Europe, InnovaFrance et le Fonds 21), Fontainebleau Ventures s'est entouré d'un comité de développement dans lequel siègent notamment Thierry Brunschwig, le président de Prisma Presse Interactive (Groupe Bertelsmann), ou Christophe Chausson, le président de Chausson Finance. Claude Rameau fait le point sur les spécificités de son fonds et sur sa vision actuelle du secteur Internet.29 mars 2001
 
          

JDNet. Comment un ancien doyen de l'INSEAD se retrouve à la tête d'un fonds de capital risque ?
Claude Rameau. En quittant mon poste à l'Insead j'ai voulu revenir dans l'innovation, mon ancien métier. (Claude Rameau était ingénieur Telecom, NDLR). Je sentais qu'avec Internet des pans entiers de l'économie allaient changer et que les sociétés européennes auraient besoin de se diversifier pour trouver des relais de croissance. Mais Fontainebleau Ventures n'est finalement qu'une formule différente de ce que ce que je faisais avant. Depuis 1995 j'avais en effet déjà une petite activité de "business angel". J'ai ainsi participé à la première levée de fonds de Netpartners, dirigé par deux anciens de l'INSEAD, dont le taux de rentabilité a été très bon. J'ai donc décidé ensuite de créer ma propre structure.

Et que vous inspirait la Nouvelle économie ?

J’ai préféré regarder d’abord avant d’investir dans l'Internet. A l’époque j'en avais tiré deux conclusions : tout d'abord le risque est beaucoup plus élevé que dans les projets classiques, mais l'espoir de gains est rapide et rémunéré à la hauteur de ce risque. Ensuite, contrairement à d'autres activités, le besoin en fonds est énorme dès le démarrage. Si dans des sociétés classiques les investissements peuvent être modulés dans le temps on ne peut pas se le permettre dans l’Internet. En conclusion, il fallait donc répartir les risques sur les dossiers et investir massivement dès le départ, ce qui sous-entend, qu'un bon investissement se fait à plusieurs.

Vous vous êtes spécialisé dans un domaine ?
Non. Nous regardons tous les dossiers dans le secteur des nouvelles technologies. En revanche nous nous focalisons uniquement sur l'amorçage. En résumé nous cherchons des bonnes idées qui ont besoin d'aide et de capitaux. Nous nous chargeons ensuite de mieux positionner le projet, voire de définir complètement le business-model. A la fin de la période d'amorçage passée avec nous, la société doit avoir des clients et du chiffre d'affaires.

Comment vous arrivent les dossiers ?
Quand nous avons commencé notre activité, j'étais persuadé que je devrais embaucher une personne pour aller dénicher des projets. Finalement, comme nous ne sommes pas nombreux à faire de l'amorçage, les dossiers arrivent tous seuls sur nos bureaux. Il faut dire également que nous avons un excellent réseau avec notre comité de développement ou le réseau des anciens de l'Insead.

L'amorçage est quantité négligable en ce moment dans la politique des fonds. Vous en ressentez les effets ?
Il est vrai qu'en amorçage les montants ont tendance à augmenter car il faut anticiper des difficultés de financements aux tours suivants. En ce moment les fonds traditionnels sont focalisés sur leurs investissements de l’an dernier et se sentent légitimement obligés de les soutenir. C'est peut-être une erreur car je persiste à croire que le marché est extrêmement porteur et les dossiers de meilleure qualité. Pour notre part, nous n'avons pas trop de problèmes de financement car chaque investisseur du fonds s'est engagé à investir un montant prédéfini pour cinq ou dix projets à venir. Nous continuons donc à investir normalement malgré le climat ambiant.

Quels sont vos investissements à l'heure actuelle ?
Nous avons trois dossiers dans des secteurs bien différents mais qui utilisent Internet pour optimiser leur coeur de métier. Il y a Magenta, qui s'appuie sur le haut-débit pour proposer une offre de presse numérique destinée à la communication des entreprises. Nous avons également HotelNetbusiness, une plate-forme de services à destination des hôtels indépendants. Et enfin ToBepro, un distributeur en ligne de fournitures industrielles et de produits pour la maintenance.

Comment expliquez vous le retournement de tendance actuelle de la part des investisseurs ?
C'est un vaste débat mais qui se reproduit à chaque innovation technologique majeure. L'engouement est toujours suivi d'une période de désenchantement. Les chemins de fer ont vécu ce genre de paradoxe au début du siècle. En fait, cela est plutôt bon signe car cela marque une normalisation de l'Internet. Cette technologie va ainsi progressivement être absorbée par l'industrie tout entière et ne sera plus considéré comme un phénomène en soi. Selon moi, Internet est clairement une sorte de mai 68 de l'économie. Une révolution dont les effets se mesureront au fil du temps. L'e-commerce en est le meilleur exemple à mon sens car faire ses courses en ligne ne sera bientôt plus vécu comme quelque chose extraordinaire.

Mais aujourd'hui les financiers hésitent à injecter des fonds dans les sociétés, notamment celles évoluant dans le e-commerce...
C'est normal, car chez les marchands il y a, à l'heure actuelle, une inadéquation entre la communication et la capacité à servir. Un sites suédois comme celui de Boo.com en est l'exemple type. Beaucoup de publicité trés coûteuse mais pas de produits derrière, ni de réelle demande. En revanche je vous concède qu’en ce moment tout le monde est peut-être trop focalisé sur les marchés financiers et sur l'opinion des analystes. Et cela a une influence en amont car la communauté financière dans son ensemble a été d’un panurgisme rare lors des derniers mois à propos d’Internet.

Justement comment comptez-vous gérer vos sorties si la Bourse continue à baisser ?
Ce n'est pas un problème car j'ai toujours été intimement persuadé que pour des sociétés Internet, la Bourse n'était pas la meilleure solution. Tout simplement parce qu'Internet n'est pas un business en soi mais un outil. Nous privilégions donc le rapprochement avec des industriels. Les grands groupes ont souvent besoin de l'expertise de sociétés trés spécialisées.

Mais en matière de fusion-acquisitions, les grands industriels restent également frileux à cause... de la Bourse ?
Non, ce n'est pas exact. Les gens ne se rendent pas compte de la dimension des groupes industriels actuellement. Elle demeure considérable malgré les aléas de la Bourse et leur permet largement de supporter les errements des marchés financiers. L’important pour eux est donc simplement de répartir habilement le risque pour supporter les rachats de plusieurs sociétés. Quand un Vivendi perd 100 millions de francs lors d’une opération, il faut relativiser. Car tout d'abord sa surface financière est sans commune mesure avec ce montant et ensuite parce que le groupe a amorti le risque en prenant de nombreuses participations. Ils restent donc de très belles opportunités de sorties avec les groupes industriels.

 
Propos recueillis par Jérôme Batteau

PARCOURS
 
Claude Rameau est ingénieur Télécom et diplômé d'un MBA de l'INSEAD (1962). Après avoir travaillé cinq années comme consultant il rejoint, en 1967, le corps professoral de l'INSEAD. En 1972, il devient directeur du département de Management Development puis Doyen associé. Egalement Doyen associé pour le MBA en 1977, il occupera ces fonctions jusqu'en 1979, date à laquelle il devient Directeur Général Adjoint de l'INSEAD. Au sein de l'INSEAD, il a ensuite occupé les fonctions de Co-Doyen et est actuellement Vice-Président du Conseil d'Administration de l'Institut. Claude Rameau est chevalier de la Légion d'Honneur.

   
 
  Nouvelles offres d'emploi   sur Emploi Center
Chaine Parlementaire Public Sénat | Michael Page Interim | 1000MERCIS | Mediabrands | Michael Page International