INTERVIEW
 
Directeur associé
ABN-AMRO Capital France
Bernard-Louis Roques
"Titre"

ABN-Amro Capital France est en charge des opérations françaises d'investissements dans les sociétés non-cotées du groupe financier hollandais. La société gère notamment le fonds France Innovation, doté de 55 millions d'euros, qui a pris une dizaine de participations dans des sociétés Internet comme Internet Telecom, Buycentral ou Email Vision. Bernard-Louis Roques directeur associé d'ABN-Amro Capital France fait le point sur la politique d'investissements du fonds et sur le capital risque en général.

10 février 2001
 
          

JDNet. Vous êtes un fonds lié à ABN-Amro. Y-a-t-il des synergies avec la banque hollandaise ?
Bernard-Louis Roques. Nous sommes avant tout une société de gestion de fonds commun de placements à risque (FCPR, FCPI), qui évolue dans le cadre d'un groupe financier international. La performance des fonds est donc primordiale. Mais on peut dégager des synergies quant la logique y répond. En outre notre activité peut être un excellent outil de veille pour les activités Internet d'ABN-Amro. Mais je le répète : la performance du fonds est fondamentale.

Caramail, Lycos Europe, Buycentral... Vous avez beaucoup investi dans les sites en direction des particuliers. C'est une de vos spécialités ?
Non, nous sommes plutôt orientés vers la technologie. Les investissements que vous citez ont développé des technologies propriétaires. La seule exception en ce qui nous concerne est peut-être Chapitre.com. Mais ils ont une vraie connaissance de leur métier. Et Internet est un superbe moyen pour rendre encore plus performant leur coeur de métier.

Certaines des sociétés de ce secteur ont été largement sur-valorisées l'an dernier et souffrent actuellement pour trouver de nouveaux fonds. Quel est votre attitude vis à vis de ce genre de cas ?
Il faut déjà savoir qu'on ne reviendra pas à des sommets comme l'an dernier. On ne doit donc pas se focaliser sur la valorisation. Vous savez, si on regarde sur une période de 20 ans, le Price Earning Ratio (PER, capitalisation/bénéfice net) évolue entre 15 et 20 dans la technologie. Il y a eu des pics à 80-90 et des baisses, mais sur 20 ans la technologie est sur-valorisée par rapport à l'industrie traditionnelle car il y a une barrière à l'entrée et des perspectives de croissance. Si l'on excepte les problèmes de valorisation que vous mentionnez, je trouve que la structure de certaines sociétés Internet est plutôt bonne : elles font du chiffre d'affaires, connaissent des rythmes de croissance importants et ont un 'business model' profitable. On peut donc être optimiste sur le long terme. Mais il va falloir être très patient, car il me semble peu probable que la confiance dans ce secteur ne revienne avant qu'un certain nombre de sociétés leaders n'aient démontré ou confirmé leur capacité à générer des profits.

En ce moment on a l'impression que les fonds utilisent leurs réserves pour refinancer des sociétés déjà présentes dans leur portefeuille plutôt que pour se lancer dans des premiers tours de table ?
Ce n'est pas tout à fait exact. Il est vrai que certains capitaux risqueurs ont été dépassés l'an dernier, mais ils sont rares. Il ne faut donc pas voir ces refinancements comme des tentatives de sauvetage. Si des investisseurs remettent de l'argent au deuxième tour c'est parce qu'ils estiment que ça vaut la peine de se battre et parce que la société a validé son business model en engrangeant des revenus. Ce n'est donc pas du tout pour retarder la mort de l'entreprise que les investisseurs injectent des capitaux. Par ailleurs, pour répondre à votre question, nos études démontrent que le rythme d'investissement du capital-risque en Europe est loin de connaître un arrêt. Enfin je voudrais quand même signaler que l'on reçoit nettement moins de dossiers (le 'dealflow') que l'an dernier ce qui donne peut-être l'impression d'une activité moins soutenue. Je ne vous cache pas que cette baisse du nombre de dossiers nous soulage pour des questions d'organisation, d'autant que parallèlement à cela, la qualité des affaires s'est sensiblement améliorée.

Vous croyez néamoins à la faillite de certaines structures d'investissements ?
Pour les fonds cela m'étonnerait. Car quelles que soient les performances actuelles on raisonne toujours sur 5, 7 voire 10 ans. Autrement dit, ce qui se passe depuis un an n'affecte que partiellement les fonds, qui sont jugés sur la durée. Par ailleurs, comme je vous le disais, le métier est cyclique. Quand nous avons voulu faire des sorties il y a un an et demi dans des affaires de logiciels techniques, 'personne' n'en voulait. Maintenant, avec la désaffection des valeurs Internet, il y a un vrai engouement pour ce secteur en Bourse. C'est pour cela que je ne crois guère à des faillites de fonds. En fait tout va dépendre de l'ampleur et de la durée de la crise actuelle des technologiques.

ABN-Amro est présente dans toute l'Europe avec ses fonds. Comment faites-vous pour être sûr que les différents fonds ne vont pas investir dans deux sociétés aux modèles similaires ?
C'est un vrai problème. C'est un défi auquel nous nous attelons avec nos homologues européens, et en particulier hollandais. D'autant que les sociétés françaises, par exemple, connaissent parfaitement leurs équivalents américains mais peu leur homologues européens. Il y a donc un énorme travail d'échange d'informations à faire entre les fonds pour ne pas se retrouver à étudier deux dossiers similaires dans deux pays différents. L'an dernier c'était encore plus vrai, car nous avons été submergés par la demande. On a reçu plus de 4.000 business plans en bonne et due forme ce qui était assez hors norme.

Vers quels types d'investissements allez vous tendre cette année ?
La palette est large. Nous nous intéressons à plusieurs secteurs comme les biotechnologies, l'électronique, la sécurité ou les applications mobiles. En fait, vous savez, l'Internet est encore un 'petit' secteur.

Beaucoup de valeurs Internet introduites en Europe il y a en an s'effondrent en raison de vente massive de la part des investisseurs. Votre lock-up dans NetValue vient justement de tomber. Comment gère-t-on cela ?
L'effondrement d'un titre en raison de la sortie d'un investisseur est un cas rare et regrettable. Nous avons effectué plusieurs sorties en 2000, dans des proportions importantes, sans que cela n'ait pesé sur les cours. Une sortie de lock-up, cela s'organise avec les teneurs de Marché des sociétés concernées. On ne vend pas des titres 'sauvagement' sur le marché, on préfère céder des 'blocs'. En outre, les cessions s'effectuent dans un contexte où la demande est forte et où les cours sont élevés. Pas quand les cours sont déprimés et qu'il n'y a pas d'acheteur.

Qu'est ce que vous aimez sur Internet ?

L'e-mail, un outil fabuleux. Ma page d'accueil est CNN. En outre je consulte beaucoup les sites financiers ou technologiques.


Qu'est ce que vous n'aimez pas sur Internet ?
Sa face sombre. Nous ne sommes pas au bout de nos peines en terme de malfaisance...

 
Propos recueillis par Jérôme Batteau

PARCOURS
 
Bernard-Louis Roques est diplômé de l'ESSEC. Avant de rejoindre ABN-Amro Capital France en 1998, il a été "trader" au Crédit Commercial de France (CCF), puis entrepreneur.

   
 
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