INTERVIEW
 
PDG
CanalWeb
Jacques Rosselin
"Titre"
L'opérateur de télévision CanalWeb a présenté ses programmes de rentrée. La société, qui lance plusieurs nouvelles chaines généralistes et thématiques, veut diffuser "d'ici la fin de l'année" son bouquet de programmes sur le câble et le satellite. Elle a également créé un réseau de télévisions locales avec cinq titres de la presse régionale. Parallèlement à la création de filiales au Royaume-Uni, en Espagne et en Allemagne, elle a décidé de filialiser sa plateforme de diffusion, baptisée CanalWebCast. Son PDG et fondateur s'explique sur sa stratégie. 12 septembre 2000
 
          

JDNet. Vous avez créé CanalWeb en septembre 1998. Comment définiriez-vous la société aujourd'hui ?
Jacques Rosselin. Au début, nous nous définissions comme une société Internet, le plus gros opérateur de télévision sur Internet. Aujourd'hui, nous sommes un opérateur de télévision numérique, le plus petit en Europe. Nous sommes petits mais nous avons deux ou trois atouts qui font qu'on est en avance et qu'on peut, dans la télévision numérique et la télévision interactive, prendre une part de marché intéressante. Le marché de la télé évolue vers un marché de la télé à la carte, et dans ce marché-là, nous serons au rayon télé spécialisée.

Quels sont ces atouts ?

D'abord, la plate-forme technique de diffusion. Aujourd'hui, elle supporte la diffusion en direct d'une centaine d'émissions hebdomadaires, plus l'accés à près de 10.000 émissions en vidéo à la demande. C'est la plus grosse plate-forme de télévision interactive existante. Elle n'a évidemment pas aujourd'hui la qualité de la télé classique, mais c'est sans doute la plateforme la plus en avancée en Europe. Nous avons décidé de la filialiser, sous le nom de CanalWebCast, afin de lui donner les moyens de son développement, car le haut débit arrive, la diffusion multi-plateforme est là. Il faut intégrer dans cette plate-forme des outils marketing de gestion d'abonnés et des outils de mesure d'audience, qui sont très peu développés aujourd'hui.
Deuxième atout : nos programmes. On a émis les premiers en janvier 1999. Depuis un an et demi, on développe des programmes de télévision spécialisés ou ultra-thématiques. On apprend à les faire et on apprend à les vendre, aux annonceurs et aux téléspectateurs. Cette télé thématique est en train de naître. Quand elle se généralisera avec le haut-débit, on aura sur les opérateurs de la vieille télévision une avance à la fois technologique, éditoriale et marketing.

Les divers projets des grandes chaînes de télé vous inquiètent-ils?
Les chaînes de télé regardent la nouvelle télévision avec une sorte de condescendance. L'autre jour, j'entendais Patrick Le Lay [NDLR : le président de TF1] dire que la télé locale en hertzien numérique, ce sera la télévion des chasseurs de papillons de Ménilmontant. Ca c'est le discours, mais en réalité, on sait très bien que les chaînes travaillent d'arrache-pied à rattraper le retard qu'elles ont en matière de télévision interactive, même si elles gardent une culture de média de masse. TF1, par exemple, vient de créer une télévision thématique, TV Breizh : s'ils lancent cette télévision thématique, dans le capital de laquelle on retrouve Murdoch, Berlusconi et Jean-Claude Darmon, c'est que les chasseurs de papillons les intéressent beaucoup plus qu'ils ne le disent…

Vous seriez prêts à travailler avec ces chaînes?
A priori, non. Ce sont deux cultures totalement différentes. Mais on est ouvert à tous types de discussion. CanalWebCast a vocation à proposer à des chaînes de télévision ou à tout producteur d'émission une diffusion interactive en broadband sur Internet.

Vous annoncez la diffusion, d'ici la fin de l'année de vos programmes sur le câble et le satellite. Quelles retombées en attendez-vous et qu'est-ce que cela implique techniquement pour CanalWeb?
CanalWeb.tv, qui a été conventionnée par le CSA, va diffuser ses programmes en broadcast (diffusion de masse) en fin d'année ou en début d'année prochaine. Nous discutons avec tous les opérateurs, car c'est une vitrine pour nos programmes sur Internet. Techniquement, comme nous diffusons déja en direct sur le Web les 100 émissions hebdomadaires tournées sur nos plateaux après un encodage pour l'internet, il suffit ensuite de faire un encodage Mpeg2 pour la télévision, ou plusieurs autres encodages pour le haut débit. Bien sûr, il nous faut intégrer au sein de notre plateforme CanalWebCast une infrastructure classique télévision, mais ce planning est presque en place.

Vous avez créé CanalWeb Corporate, qui fait de la prestation pour les entreprises. Dans quel but ?
Aujourd'hui, c'est notre principale source de revenus. La publicité commence seulement à rentrer et les abonnements sont inenvisageables pour l'instant, donc nous comptons sur la prestation de services BtoB, avec des clienst allant de Siemens à Moulinex [le jour de l'interview, les équipes de CanalWeb enregistraient dans les studios de la société une interview du top-model Cindy Crawford, nouvelle figure de proue de la marque d'électro-ménager]. C'est pourquoi nous nous sommes alliés à IEC Professionnel Media, le plus gros groupe d'audiovisuel d'entreprise en France.

Quelle est l'audience de Canalweb aujourd'hui ?
En mai, nous avons franchi la barre des 400.000 visiteurs. En juin, on a marqué le pas et en juillet et août, on a baissé de 30%. On espère repasser rapidement la barre des 400.000 visiteurs.

Etes-vous satisfait des outils de mesure ?
Aujourd'hui, on mesure avec Webtrends. Tout le monde fait ses mesures en interne et c'est un des freins au développement de la pub sur notre site. Il faut des outils communs, mais ceux qui existent ne donnent pas satisfaction à tout le monde, à nous en particulier, qui sommes une télé. Nos visiteurs restent en moyenne entre 12 et 13 minutes sur le site, ils vont rearder une quinzaine de pages et rester longtemps sur une même page. Nous sommes vraiment atypiques. Comparer l'audience de deux sites Internet, c'est comparer deux médias différents. One ne peut par exemple pas comparer l'audience d'un site qui fait du transactionnel à celle d'un site d'information.

Où en êtes-vous en termes financiers ?
On va faire ce qu'on avait dit, sans plus. On sera à un peu de 10 millions de francs de chiffres d'affaires en fin d'année, essentiellement constitué par le BtoB, à 90% environ, pour des dépenses cinq fois supérieures. On est dans une phase d'investissement, de conquête de marchés, d'autant plus que dans la télévision, nous avons affaire à des groupes très gros. Pour nous, c'est la course contre la montre. On s'est développé, extrêmement vite alors qu'on aurait pu être à l'équilibre en deuxième année si on était resté sur le modèle BtoB avec quinze personnes en train de faire de la prestation d'entreprises et pour les mairies. Mais ce n'est pas du tout notre business plan. Nous voulons être un média, un opérateur de télévision spécialisé dans la télévision thématique et cela a un coût.

Quels sont les effectifs de Canalweb ?
120 personnes. On a doublé le personnel tous les six mois depuis la création. On va marquer un peu le pas, car on a désormais les ressources nécessaires pour développer les filiales, sauf au niveau de la plateforme technique, qui aura sa propre logique de développement.

Et les filiales à l'étranger ?
Ce sont des équipes de six à dix personnes qui doivent produire à partir d'octobre des programmes pour les besoins locaux. En Espagne, nous nous sommes associés à une société de production qui exploite Barcelone TV. En Angeleterre, avec H2P, créée par un ancien de la BBC. En Allemagne, nous avons pris un ancien des studios de Babelsberg qui a pour mission de trouver un partenaire local. La fonction principale de ces filiales va être de créer les bouquets de programmes, sachant qu'elles n'auront pas à investir dans les aspects techniques.

A quoi vous a servi votre deuxième tour de table de 130 millions de francs en mai dernier ?
Il accompagne le développement de CanalWeb jusqu'à son entrée en Bourse. C'est un marche-pied. Le marché nous donnera ensuite les moyens de nous hisser au rang d'opérateur de télévision en Europe face à de grosses machines commme Telefonica, Endemol, Vivendi ou Carlton.

Votre entrée en Bourse était annoncée fin 2000...
C'est trop tôt. Nous avons été très occupés à développer la société et nous allons maintenant nous consacrer à l'écriture du document d'introduction. J'espère qu'on aura terminé fin novembre pour entrer en Bourse le plus tôt possible en 2001. En même temps, les investisseurs ont besoin de clarté sur le business model. C'est une des raisons de la constitution en groupe avec notre activité de diffusion (CanalWebcast), notre bouquet de programmes (Canalweb.net) , qui est le cœur de notre métier, CanalWeb Corporate et les filiales thématiques. Je n'ai pas envie de raconter n'importe quoi au marché, qui est de plus en plus méfiant et veut qu'on lui présénte un projet cohérent. Il n'a pas forcément besoin qu'on lui dise "on sera à l'équilibre l'année prochaine", mais de comprendre le business model et d'avoir les preuves qu'il fonctionne. Une fois qu'on aura développé une base de données d'abonnement sur la plate forme, avec des gens qui s'inscrivent - même gratuitement-, une fois qu'on commencera à avoir des annonceurs verticaux, par thème, on pourra dire que le modèle de revenus abonnement + publicité marche.

La qualité technique de la télévision sur Internet laisse encore à désirer. A quand une qualité de rendu équivalente à la télévision ?
C'est possible aujourd'hui si on est abonné au câble ou à l'ADSL. On peut recevoir du "moyen débit". C'est une image comparable à la télévision, même si ce n'est pas encore ça. Nous commençons à travailler sur la diffusion en haut-débit de nos programmes. Elle ne concerne qu'une minorité de privilégiés mais les opérateurs se font une telle concurrence qu'ils vont accélerer la pénétration de l'ADSL et du câble chez les particuliers. Et nous sommes évidemment la "killer application du broadband". Ce dernier ne sert à rien s'il n'y a pas la télé ou la musique. Sinon, autant aller voir AOL et prendre un forfait à 0 francs par mois, télécommunications comprises, pour avoir Yahoo!, Amazon ou Allociné.

Quelles conséquences pour les câblo-opérateurs ou les opérateurs ADSL ?
Pour vendre leurs abonnements haut-débit, il va falloir qu'ils expliquent qu'on peut recevoir 200 chaînes thématiques comprises dans l'abonnement. Il y aura des sytèmes de transfert de revenus assez similaires à la télé, où les ISP reverseront une part de l'abonnement à des opérateurs comme nous.

Vous travaillez déjà avec ces acteurs ?
On discute. Cela fait un an qu'on demande à Netissimo de diffuser les programmes en haut-débit sur leur plateforme, à l'essai. Moi je ne veux pas me transformer en ISP, je ne vais pas aller gérer de l'abonnement et installer des prises ADSL chez les gens. Nous sommes éditeurs d'un bouquet de chaînes de télévision et nous souhaitons le vendre à des gens. On le vendra vraisemblablement via les deux ou trois gros distributeurs Internet qui resteront dans ce pays d'ici deux-trois ans.

Quelle est votre principale attente en matière technologique ?
Le haut-débit… C'est l'avenir de notre métier en tant qu'opérateur de télévision interactive et il n'est pas du tout stabilisé. Les tuyaux, ça marche et tout le monde peut passer une vidéo en ligne, mais exploiter un bouquet de programmes, c'est plus compliqué. Nous travaillons actuellement sur le cahier des charges de l'évolution de notre plate-forme vers le haut débit.

Quels sont vos sites préférés ?
Le jour où j'aurais un lecteur MP3, je dirai FranceMP3 ou Napster, parce que j'aime bien la musique ciblée. Mais pour l'instant, le site que j'utilise le plus, en dehors du mien, évidemment, c'est les Pages jaunes et les Pages blanches.

Qu'achetez-vous sur le Net?
Je fais mes courses sur Télémarket.

Qu'aimez-vous sur le Net ?
La télévision et l'e-mail.

Et que détestez-vous le plus ?
Me connecter avec un modem.

 
Propos recueillis par François Bourboulon

PARCOURS
 
Jacques Rosselin, diplômé de Centrale et de Sciences-Po, a créé CanalWeb en 1998. Auparavant, il avait fondé et dirigé l'hebdomadaire Courrier International.

   
 
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