INTERVIEW 
 
Dominique Roux
Membre du collège
ART
Dominique Roux
"Cette année, 34 opérateurs dans le monde vont se lancer dans l'UMTS"
Peu à peu, la téléphonie de troisième génération prend son envol. En France, selon le plan de déploiement de l'ART, 60 % de la population française seront couverts par l'UMTS d'ici la fin 2005.
(02/06/2004)
 
JDN. Les premières offres UMTS viennent d'apparaître en France. Rétrospectivement, à quoi doit-on le retard de déploiement de la téléphonie 3G ?
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Dominique Roux (*). L'UMTS arrive avec deux ans et demi de retard par rapport à ce qui était prévu car des problèmes techniques n'ont pas été levés aussi facilement qu'on pouvait l'attendre. En outre, la 3G suppose la mise en place d'un nouveau réseau et cela coûte cher, tout le territoire ne sera pas couvert dès le début. Il a donc fallu concevoir des terminaux spéciaux bi-modes GSM/UMTS capables de s'adapter au réseau GSM pour pouvoir continuer à téléphoner une fois sorti du rayon d'action de l'UMTS. Dans le même téléphone se côtoient donc deux fonctionnalités et le passage de l'une à l'autre n'a pas été simple à réaliser. Le retard technique est dû aussi aux deux nouveautés que l'on va trouver dans les portables compatibles UMTS. D'abord, l'écran, qui servait principalement dans les mobiles 2G à afficher des numéros ou des SMS doit être avec la 3G de meilleure qualité pour présenter des images. La deuxième technique difficile à mettre en place a été la création de batteries performantes.

Outre des problèmes techniques, les opérateurs ont rencontré des soucis d'ordre économique...

Lorsque les Etats européens ont proposé des licences pour les opérateurs de troisième génération, on était en pleine bulle Internet et ils ont alors fixé des prix absolument exorbitants. Globalement on peut dire que 150 milliards d'euros pour un chiffre d'affaires total du secteur de 200 milliards d'euros ont été prélevés sur les opérateurs télécoms pour obtenir des licences, ce qui a naturellement constitué un frein au développement de l'UMTS et a entraîné un effet négatif sur les opérateurs en augmentant lourdement leur endettement. C'est le cas par exemple chez Deutsche Telekom ou France Télécom; mais en amont, ces prélèvements ont aussi provoqué des difficultés chez les constructeurs de matériels. Alcatel, Nortel, Nokia, Ericsson en ont tous subi le contrecoup puisque les opérateurs ont été conduits à diminuer leurs commandes. Heureusement, grâce au succès du GSM les opérateurs ont renfloué leurs finances qu'ils vont utiliser dès cette année pour se lancer dans la G3, car 2004 sera la vraie année de démarrage de l'UMTS.

Les portables compatibles UMTS sont-ils prêts ?
Oui, les constructeurs proposent de nouveaux appareils tous les mois, mais il faut noter que la production s'est déplacée vers l'Asie. Avec la 2G, les équipementiers étaient pour la plupart européens ou américains. Avec la 3G, les Coréens et les Japonais, qui avaient été exclus de la 2G, reviennent en force. C'est pourquoi beaucoup de constructeurs européens comme Nokia produisent loin de leurs bases ou ont trouvé des partenaires asiatiques pour mettre en commun leur savoir-faire : c'est le cas pour Sony et Ericsson, Alcatel et Fujitsu, Siemens et NEC.

Quels sont les opérateurs concernés par l'UMTS ?
En Europe aussi bien qu'en Asie, il existe déjà plusieurs opérateurs qui ont lancé l'UMTS, mais cela reste encore marginal. Il n'y a en Europe pour l'instant que quelques centaines de milliers d'abonnés et DoCoMo au Japon compte seulement 2 millions d'utilisateurs. Mais en 2004, 34 nouveaux opérateurs de télécoms dans le monde, ont décidé de se lancer dans l'UMTS. Le phénomène prend donc de l'ampleur. En France, SFR doit ouvrir commercialement ses services en octobre 2004 et les services 3G d'Orange sont attendus pour les fêtes de Noël.

Doit-on s'attendre à des forfaits plus chers de leur part ?
Je ne connais pas la stratégie des opérateurs. Cependant, les terminaux de troisième génération seront plus chers, et comme pour la 2G à ses débuts, les opérateurs vont être obligés de les subventionner en demandant en contrepartie aux consommateurs de s'engager pour un an ou deux.

L'ensemble du territoire français sera-t-il couvert par l'UMTS ?
A moyen terme, l'objectif d'une couverture nationale du territoire pour l'UMTS est toujours maintenue. Orange et SFR vont devoir à court terme, d'ici fin 2005, couvrir 58 % de la population française.

Le marché de téléphonie mobile continue à se développer en volume et en valeur"
L'UMTS sert-il à relancer un marché de la téléphonie mobile saturé ?
On a beaucoup dit que le marché du GSM était saturé, ce n'est pas exact; il ne l'est pas encore complètement. On constate qu'il continue à se développer tant en volume qu'en valeur. Car, le marché du GSM bénéficie du renouvellement régulier du matériel et des services. Aujourd'hui, quand on dispose d'un téléphone qui ne prend pas de photos, ça fait un peu "ringard". Ce marché se développe aussi parce que des enfants de plus en plus jeunes utilisent les mobiles. A 12 ans maintenant on veut un mobile et c'est le cas pour près de 40 % d'entre eux. Donc le marché s'élargit. Enfin, le mobile devenant un outil social, familial, professionnel indispensable, certaines personnes éprouvent le besoin de posséder deux téléphones et deux abonnements, l'un professionnel et l'autre privé. En Ile-de-France, par exemple plus de 90 % des habitants ont un portable. Il y en a forcément qui en ont deux. Donc le marché n'est pas encore saturé et on voit apparaître des nouveautés. Par exemple, il y a trois ans, les SMS n'existaient pas. Aujourd'hui ils se comptent en milliards chaque trimestre.

Croyez-vous au succès de l'UMTS ?
Personnellement j'y crois ! Et l'ART aussi, comme elle l'a encore rappelé récemment. Les succès du SMS, de la photo, des services multimédias en GSM/GPRS lancés depuis quelques mois constituent d'ailleurs des signes précurseurs positifs pour le développement de l'UMTS.

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Et la 4G, qui est déjà ouverte au Japon ?
On en parle car on est toujours insatiable en matière de débit, comme on le constate avec l'Internet. Mais commençons par réussir le lancement de la 3G. On verra après.

(*) La version originale de cette interview a été publiée par L'Internaute Magazine en mai 2004.
 
 
Propos recueillis par Rédaction JDN

PARCOURS
 
 
Dominique Roux, est Docteur ès sciences économiques, Docteur en gestion et agrégé de sciences de gestion.

Dominique Roux a effectué sa carrière à l'école des Hautes Etudes Commerciales (HEC) et à l'université de Paris Dauphine où il est professeur depuis 1982, chargé des formations doctorales et du département d'économie des télécommunications

6 janvier 1997. Nomination au Collège de l'Autorité de Régulation des Télécommunications.

Auteur d'une dizaine d'ouvrages sur les télécommunications et la gestion, il est Officier de l'Ordre National du Mérite , chevalier de la Légion d'Honneur et Chevalier des Palmes Académiques.

Par ailleurs, il est membre du Conseil Scientifique de la Recherche du Centre National de la Cinématographie, administrateur de l'école de journalisme de Marseille et membre du Conseil Scientifique du Centre d'observation économique de la Chambre de Commerce de Paris et membre du Cercle des économistes.

   
 
 
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