INTERVIEW
 
Président
Sofinnova Partners
Jean-Bernard Schmidt
"Les introductions en bourse devraient s'accélérer au second semestre"
Sofinnova Partners, société de capital-risque française, ventile ses investissement entre les sciences de la vie et les nouvelles technologies. La société soutient aussi bien des projets en France (40 % de ses investissements), que dans le reste de l'Europe (45 %) et aux Etats-Unis (15 %). De part ses activités mondiales et son expérience sur le marché, Sofinnova Partners est un observateur privilégié de l'évolution actuelle du secteur du capital-risque. Son président, Jean-Bernard Schmidt revient avec nous sur l'année écoulée et sur celle qui se profile.
13 janvier 2004
 
          
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JDN. Comment analysez-vous l'activité de Sofinnova en 2003 ?
Jean-Bernard Schmidt. Globalement, notre activité a été plus faible que ce nous avions envisagé. Nous avons moins investi en 2003 qu'en 2002, alors que nous étions prêts à investir au moins autant, sinon davantage. Mais il y eu une baisse sensible de nouveaux projets. Nous n'avons rencontré des difficultés pour détecter des propositions qui rentraient bien dans le genre de choses que nous souhaitons faire aujourd'hui, et ce aussi bien en IT qu'en sciences de la vie, nos deux secteurs d'investissement. Sur le plan chronologique, la première partie de 2003 a été marquée par une continuation de la baisse engagée depuis 2001. Mais depuis septembre, nous avons le sentiment que cela recommence à bouger. Nous le voyons au niveau du deal flow, des dossiers que l'on voit, et au niveau du comportement des autres investisseurs. L'activité reprend, les choses commencent à aller plus vite.

Quel est finalement le bilan de vos investissements en 2003 ?
Nous avons réalisé cinq nouveaux investissements : trois en sciences de la vie et deux dans le domaine IT, Varioptic et Esmertec. Un troisième projet IT a été initié en 2003 mais il ne sera validé que début 2004. Le bilan est assez faible, mais cela est dû à la période de léthargie cyclique dans laquelle nous étions jusqu'à présent. Nous avons investi 20 % de moins en 2003 par rapport à 2002. Alors que nous avions investi 52 millions en 2002, le bilan 2003 est de 39 millions d'euros. Mais cette période de léthargie est derrière nous.

L'année 2004 devrait donc être meilleure ?
Nous nous attendons effectivement une reprise cette année. Nous tablons sur un investissement supérieur de 20 à 30 % par rapport à 2002. Nous prévoyons un retour très significatif de l'activité grâce à l'environnement général qui devient de plus en plus positif, à la fois sur le plan de l'économie et de la Bourse. Les perspectives d'introductions qui se profilent pour 2004 devraient raviver le marché des fusions-acquisitions. Le côté "sortie" du capital-risque, jusqu'à présent en pleine léthargie, a montré depuis septembre un regain d'activité. Tout cela ravive l'intérêt des investisseurs et devrait conduire un certains nombre d'entrepreneurs qui ont des projets à tenter leur chance alors qu'ils se sont abstenus auparavant, voyant le marché atone. Finalement, nous devrions retrouver les niveaux d'investissement de 1997-1998 mais pas ceux, très élevés, de 1999-2000. Ceux-là, rien ne dit qu'on les retrouvera un jour...

Dans quels domaines envisagez-vous d'investir cette année ?
Nous essayons de conserver un certain équilibre entre les sciences de la vie et le secteur IT. En 2003, le rapport était de 55 % de "life science" pour 45 % de technologie. Les année précédentes, il est arrivé que le rapport soit inversé, mais toujours dans de faibles proportions. En matière d'investissements IT, nous nous concentrons sur trois segments : la micro-électronique, dont la nanotechnologie, les applications wireless et les logiciels d'entreprise.

Quels critères retenez-vous pour choisir les projets dans lesquels vous allez investir ?
Il faut tout d'abord que le projet ait une spécificité très forte et si possible que la société détienne des titres de propriété intellectuelle dans son domaine d'application. Avoir un savoir-faire très spécifique est très important à nos yeux. Quand il y a trop de sociétés qui se créent dans les mêmes domaines, il y a fort à parier que nombre d'entre elles ne survivront pas à long terme. Cela a été le principal problème en 2003 : nous n'avons pas réussi à trouver de projets qui cadraient avec ce critère. Mais cela n'est, selon moi, que conjoncturel. D'autres critères entrent également en ligne de compte comme la qualité de l'équipe, l'existence ou non d'un marché dans le domaine d'application du projet et son rythme de croisssance. En revanche, nous ne nous focalisons pas sur le niveau de développement des sociétés. Nous préférons même intégrer un projet en cours de création ou au niveau de l'amorçage. Les affaires très jeunes ne nous rebutent pas.

Les montants investis sont-ils plus réduits qu'il y a quelques années ?
Les montants par affaire n'ont pas vraiment baissé, mais notre façon d'investir est différente. Nous investissons désormais plus en tranches qu'avant. Par exemple, si nous acceptons d'investir 5 millions d'euros dans une affaire, cela se fera en trois tranches alors qu'avant cela se faisait en une ou deux fois. On peut donc dire que les montants investis sont plus faibles, mais cela se fait par tranches plus rapprochées qu'auparavant. Globalement, nous arrivons aux mêmes montants, soit 10 à 12 millions d'euros par affaire financée mais en différentes étapes. C'est pour nous une plus grande rapidité et cela nous permet une meilleure flexibilité : on peut accélérer ou ralentir les choses selon l'environnement.

Combien avez-vous d'entreprises en portefeuille et quel est votre taux de rendement ?
Sur notre dernier fonds, Sofinnova Capital IV, créé en début 2001, nous comptons vingt-deux entreprises en portefeuille. Sur deux ans, nous avons globalement un taux de rendement négatif de 9 % jusqu'à présent, en raison des frais de gestion. Cela reste très correct aux vues du très jeune âge du fonds qui est constitué de sociétés en démarrage. De plus, il ne faut pas perdre de vue que le fonds n'est encore qu'à moitié investi. Nous souhaitons compter au total 35 à 40 entreprises en portefeuille.

La reprise attendue pour 2004 sera-t-elle l'occasion pour certaines sociétés de votre portfeuille de tenter leur chance en Bourse ?
Nous avons effectivement deux sociétés candidates à une introduction pour cette année. L'une appartient aux science de la vie et l'autre est axée IT. Elles sont toutes deux bénéficiaires et avec des chiffres en croissance. Elles sont donc prêtes pour une IPO. L'une veut s'introduire au Nasdaq et l'autre dans un pays d'Europe, mais pas en France. Nous surveillons ces projets avec beaucoup d'attention. Aucune date n'est encore fixée mais ce sera courant 2004 si c'est possible.

Vous estimez que le marché est prêt pour voir revenir des introductions d'entreprises IT ?
Non, le marché n'est pas encore tout à fait prêt. Nous avons vu les premières introductions au Nasdaq pour les sociétés d'IT et les critères sont encore très limitatifs. Celles qui se sont introduites sont des sociétés qui ont 100 millions de dollars de chiffre d'affaires et quatre à cinq trimestres de bénéfices de consécutifs. Nous sommes loin des introductions en Bourse de start-ups qui ont des business-models mais pas de chiffres derrière elles. Ce sont des sociétés qui ont quatre, six, huit ans d'existence. Mais c'est typiquement comme cela que reprennent les cycles. Et si tout se passe bien, on verra des sociétés qui pourront s'introduire de plus en plus en amont, à mesure que l'appétit des investisseurs pour ce genre de sociétés reviendra. Cela va revenir, mais il faudra du temps car ils ont besoin d'être rassurés.

Et dans quel délai ?
Cela peut se faire assez vite, car c'est pour beaucoup une question de psychologie. Au Nasdaq, une quinzaine d'introductions a eu lieu en 2003, surtout au quatrième trimestre. Il s'agissait de sociétés de sciences de la vie et IT qui étaient très établies. Mais certaines d'entre elles n'ont pas fait de parcours boursier très brillant depuis leur introduction : on sent que c'est encore quelque chose de très fragile. Selon moi, si le premier semestre se passe bien, il est possible que le rythme des introductions s'accélèrent au second semestre. Mais il ne faut pas s'attendre à du spectaculaire. Il n'y aura pas de fortes croissances, mais la pente générale est positive.

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Va-t-on assister à des évolutions différentes aux Etats-Unis et en Europe ?
Non, les deux marchés sont assez liés maintenant. Naturellement, le marché américain continue d'être un leader. C'est là que la reprise apparaîtra en premier, c'est là que les introductions en Bourse vont revenir en premier et l'Europe va suivre de quelques mois. Mais les deux marchés maintenant se suivent assez bien. Je pense même que le marché européen aura finalement mieux résisté que le marché américain en terme de benchmark capital. La chute par rapport à 2000 a été plus dure et plus forte aux Etats-Unis qu'en Europe.

 
Propos recueillis par Florence Santrot

PARCOURS
 
Jean-Bernard Schmidt, président de Sofinnova Partners, a rejoint Sofinnova en 1974 à Paris en tant que chargé d'Investissements. En 1981, il part aux Etats-Unis assurer la présidence de Sofinnova Inc. à San Francisco, où il initie le premier fonds Sofinnova Ventures. En 1987 il est appelé à prendre la tête du groupe à Paris. Il engage le recentrage en Europe sur des investissements dans des entreprises jeunes et en création dans les deux secteurs des Sciences de la vie et des Technologies de l'information. En 1989, il lance le premier fonds Sofinnova Capital. Il est membre de conseils d'administration d'entreprises de technologie aux Etats-Unis, en Europe et en France. Ancien élève de l'Essec Paris, il détient une licence de Sciences Economiques et un MBA de l'Université Columbia à New York. De 1998 à 2001, il est membre du conseil d'administration de l'Afic (Association Française des Investisseurs en Capital). Jean-Bernard Schmidt est l'actuel Président de l'EVCA (Association Européenne du Capital Investissement et du Capital Risque).

   
 
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