JDN.
Comment analysez-vous l'activité de Sofinnova
en 2003 ?
Jean-Bernard Schmidt.
Globalement, notre activité a été
plus faible que ce nous avions envisagé. Nous
avons moins investi en 2003 qu'en 2002, alors que nous
étions prêts à investir au moins
autant, sinon davantage. Mais il y eu une baisse sensible
de nouveaux projets. Nous n'avons rencontré des
difficultés pour détecter des propositions
qui rentraient bien dans le genre de choses que nous
souhaitons faire aujourd'hui, et ce aussi bien en IT
qu'en sciences de la vie, nos deux secteurs d'investissement.
Sur le plan chronologique, la première partie
de 2003 a été marquée par une continuation
de la baisse engagée depuis 2001. Mais depuis
septembre, nous avons le sentiment que cela recommence
à bouger. Nous le voyons au niveau du deal flow,
des dossiers que l'on voit, et au niveau du comportement
des autres investisseurs. L'activité reprend,
les choses commencent à aller plus vite.
Quel
est finalement le bilan de vos investissements en 2003 ?
Nous
avons réalisé cinq nouveaux investissements :
trois en sciences de la vie et deux dans le domaine
IT, Varioptic et Esmertec. Un troisième projet
IT a été initié en 2003 mais il
ne sera validé que début 2004. Le bilan
est assez faible, mais cela est dû à la
période de léthargie cyclique dans laquelle
nous étions jusqu'à présent. Nous
avons investi 20 % de moins en 2003 par rapport
à 2002. Alors que nous avions investi 52 millions
en 2002, le bilan 2003 est de 39 millions d'euros. Mais
cette période de léthargie est derrière
nous.
L'année
2004 devrait donc être meilleure ?
Nous
nous attendons effectivement une reprise cette année.
Nous tablons sur un investissement supérieur
de 20 à 30 % par rapport à 2002.
Nous prévoyons un retour très significatif
de l'activité grâce à l'environnement
général qui devient de plus en plus positif,
à la fois sur le plan de l'économie et
de la Bourse. Les perspectives d'introductions qui se
profilent pour 2004 devraient raviver le marché
des fusions-acquisitions. Le côté "sortie"
du capital-risque, jusqu'à présent en
pleine léthargie, a montré depuis septembre
un regain d'activité. Tout cela ravive l'intérêt
des investisseurs et devrait conduire un certains nombre
d'entrepreneurs qui ont des projets à tenter
leur chance alors qu'ils se sont abstenus auparavant,
voyant le marché atone. Finalement, nous devrions
retrouver les niveaux d'investissement de 1997-1998
mais pas ceux, très élevés, de
1999-2000. Ceux-là, rien ne dit qu'on les retrouvera
un jour...
Dans
quels domaines envisagez-vous d'investir cette année ?
Nous
essayons de conserver un certain équilibre entre
les sciences de la vie et le secteur IT. En 2003, le
rapport était de 55 % de "life science"
pour 45 % de technologie. Les année précédentes,
il est arrivé que le rapport soit inversé,
mais toujours dans de faibles proportions. En matière
d'investissements IT, nous nous concentrons sur trois
segments : la micro-électronique, dont la
nanotechnologie, les applications wireless et les logiciels
d'entreprise.
Quels
critères retenez-vous pour choisir les projets
dans lesquels vous allez investir ?
Il
faut tout d'abord que le projet ait une spécificité
très forte et si possible que la société
détienne des titres de propriété
intellectuelle dans son domaine d'application. Avoir
un savoir-faire très spécifique est très
important à nos yeux. Quand il y a trop de sociétés
qui se créent dans les mêmes domaines,
il y a fort à parier que nombre d'entre elles
ne survivront pas à long terme. Cela a été
le principal problème en 2003 : nous n'avons
pas réussi à trouver de projets qui cadraient
avec ce critère. Mais cela n'est, selon moi,
que conjoncturel. D'autres critères entrent également
en ligne de compte comme la qualité de l'équipe,
l'existence ou non d'un marché dans le domaine
d'application du projet et son rythme de croisssance.
En revanche, nous ne nous focalisons pas sur le niveau
de développement des sociétés.
Nous préférons même intégrer
un projet en cours de création ou au niveau de
l'amorçage. Les affaires très jeunes ne
nous rebutent pas.
Les
montants investis sont-ils plus réduits qu'il
y a quelques années ?
Les
montants par affaire n'ont pas vraiment baissé,
mais notre façon d'investir est différente.
Nous investissons désormais plus en tranches
qu'avant. Par exemple, si nous acceptons d'investir
5 millions d'euros dans une affaire, cela se fera en
trois tranches alors qu'avant cela se faisait en une
ou deux fois. On peut donc dire que les montants investis
sont plus faibles, mais cela se fait par tranches plus
rapprochées qu'auparavant. Globalement, nous
arrivons aux mêmes montants, soit 10 à
12 millions d'euros par affaire financée mais
en différentes étapes. C'est pour nous
une plus grande rapidité et cela nous permet
une meilleure flexibilité : on peut accélérer
ou ralentir les choses selon l'environnement.
Combien
avez-vous d'entreprises en portefeuille et quel est
votre taux de rendement ?
Sur
notre dernier fonds, Sofinnova Capital IV, créé
en début 2001, nous comptons vingt-deux entreprises
en portefeuille. Sur deux ans, nous avons globalement
un taux de rendement négatif de 9 % jusqu'à
présent, en raison des frais de gestion. Cela
reste très correct aux vues du très jeune
âge du fonds qui est constitué de sociétés
en démarrage. De plus, il ne faut pas perdre
de vue que le fonds n'est encore qu'à moitié
investi. Nous souhaitons compter au total 35 à
40 entreprises en portefeuille.
La
reprise attendue pour 2004 sera-t-elle l'occasion pour
certaines sociétés de votre portfeuille
de tenter leur chance en Bourse ?
Nous avons effectivement deux sociétés
candidates à une introduction pour cette année.
L'une appartient aux science de la vie et l'autre est
axée IT. Elles sont toutes deux bénéficiaires
et avec des chiffres en croissance. Elles sont donc
prêtes pour une IPO. L'une veut s'introduire au
Nasdaq et l'autre dans un pays d'Europe, mais pas en
France. Nous surveillons ces projets avec beaucoup d'attention.
Aucune date n'est encore fixée mais ce sera courant
2004 si c'est possible.
Vous
estimez que le marché est prêt pour voir
revenir des introductions d'entreprises IT ?
Non, le marché n'est pas encore
tout à fait prêt. Nous avons vu les premières
introductions au Nasdaq pour les sociétés
d'IT et les critères sont encore très
limitatifs. Celles qui se sont introduites sont des
sociétés qui ont 100 millions de dollars
de chiffre d'affaires et quatre à cinq trimestres
de bénéfices de consécutifs. Nous
sommes loin des introductions en Bourse de start-ups
qui ont des business-models mais pas de chiffres derrière
elles. Ce sont des sociétés qui ont quatre,
six, huit ans d'existence. Mais c'est typiquement comme
cela que reprennent les cycles. Et si tout se passe
bien, on verra des sociétés qui pourront
s'introduire de plus en plus en amont, à mesure
que l'appétit des investisseurs pour ce genre
de sociétés reviendra. Cela va revenir,
mais il faudra du temps car ils ont besoin d'être
rassurés.
Et
dans quel délai ?
Cela peut se faire assez vite, car c'est
pour beaucoup une question de psychologie. Au Nasdaq,
une quinzaine d'introductions a eu lieu en 2003, surtout
au quatrième trimestre. Il s'agissait de sociétés
de sciences de la vie et IT qui étaient très
établies. Mais certaines d'entre elles n'ont
pas fait de parcours boursier très brillant depuis
leur introduction : on sent que c'est encore quelque
chose de très fragile. Selon moi, si le premier
semestre se passe bien, il est possible que le rythme
des introductions s'accélèrent au second
semestre. Mais il ne faut pas s'attendre à du
spectaculaire. Il n'y aura pas de fortes croissances,
mais la pente générale est positive.
Va-t-on
assister à des évolutions différentes
aux Etats-Unis et en Europe ?
Non,
les deux marchés sont assez liés maintenant.
Naturellement, le marché américain continue
d'être un leader. C'est là que la reprise
apparaîtra en premier, c'est là que les
introductions en Bourse vont revenir en premier et l'Europe
va suivre de quelques mois. Mais les deux marchés
maintenant se suivent assez bien. Je pense même
que le marché européen aura finalement
mieux résisté que le marché américain
en terme de benchmark capital. La chute par rapport
à 2000 a été plus dure et plus
forte aux Etats-Unis qu'en Europe.
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