JDN.
Comment définiriez-vous le peer-to-peer ?
Niklas Zennstrom.
Techniquement, il se définit comme un réseau dont tous
les nuds sont équivalents. La technologie "supernoeud",
que nous avons conçue et qui définit les réseaux peer-to-peer
modernes, fait de ces composants un réseau multi-niveaux
autonome. Car le peer-to-peer ne se résume pas
seulement à de l'échange de fichiers. C'est également
une structure qui peut être utlisée pour
jouer ou communiquer.
Pourriez-vous
nous raconter brièvement comment et pourquoi KaZaA est
né ?
Janus (Ndlr : Janus Friis, cofondateur
de KaZaA) et moi travaillions à Tele2, où j'étais
responsable Europe de l'activité FAI à la fin des années
90. Je me suis rendu compte que le modèle utilisé à
l'époque, des serveurs Web et du streaming centralisés,
n'était pas évolutif. Janus et moi cherchions quelle
serait la nouvelle tendance sur Internet, et nous pensions
que ce serait le peer-to-peer. KaZaA a été la première
incarnation de cette vision.
Quel
a été votre rôle exact dans ce processus ?
J' étais co-fondateur et PDG.
Et
pour Joltid
Quel était le projet initial et quelle a
été votre implication ?
La mission de Joltid est de fournir des
solutions aux FAI et aux distributeurs de contenu, de
sorte qu'ils puissent bénéficier des technologies peer-to-peer.
Je suis le fondateur de Joltid et avant j'en étais le
PDG.
Comment
définiriez-vous la solution PeerCache ?
PeerCache est un système permettant aux
FAI de réduire la charge de leur réseau, et donc leurs
coûts, sans aucun impact sur l'expérience utilisateur.
PeerCache est une sorte de bande passante logicielle.
Les systèmes de cache existent depuis longtemps pour
le trafic Web, les newsgroups et le streaming media.
Nous avons simplement appliqué cette technologie au
trafic peer-to-peer.
Qui
sont ces "trois acteurs majeurs de l'accès Internet"
qui ont déjà opté pour PeerCache ? Combien
de clients attendez-vous cette année ?
Nous sommes
contractuellement tenus de ne pas révéler l'identité
de ces trois clients. Nous visons un nombre de clients
à deux chiffres cette année. Des ventes sont en train
d'être réalisées dans d'autres parties du globe.
Si
les FAI achètent la solution PeerCache, c'est manifestement
qu'ils croient à la pérennité de FastTrack. Est-ce pour
vous le signe que KaZaA va continuer à prospérer malgré
les menaces juridiques ?
Pourquoi Kazaa serait-il à l'agonie ?
C'est l'application qui enregistre la croissance la
plus rapide sur Internet, c'est extrêmement vivant et
excitant. Certes les industries du disque et du cinéma
tentent de poursuivre quiconque met sur le marché une
nouvelle technologie alternative qui aurait un impact
sur elles. Mais pour l'instant deux jugements ont été
rendus concernant les produits basés sur FastTrack,
et tous deux disent la même chose : il est légal de
commercialiser et de distribuer les produits utilisant
FastTrack. Un tribunal d'Amsterdam a rendu ce jugement
l'année dernière et cette année, un tribunal à Los Angelès
à fait de même.
Avez-vous
des procédures juridiques toujours en cours ?
L'affaire jugée au tribunal d'Amsterdam
passe actuellement en Cour suprême et j'ai bon espoir
que celle-ci maintienne la décision. Le ministre néerlandais
de la Justice a même déclaré publiquement que selon
les lois du copyright en vigueur aux Pays-Bas, il est
légal de télécharger des fichiers protégés via des applications
d'échange de fichiers.
Quels
chiffres communiquez-vous sur KaZaA ? Connaissez-vous
le nombre de visiteurs dans chacun des principaux pays
?
Non, je ne le sais pas. Kazaa a été téléchargé
253 152 794 fois selon Download.com.
Pensiez-vous
au départ que KaZaA prendrait une telle ampleur ?
Forcément ! Je rêvais de quelque
chose d'énorme, mais je ne m'attendais pas à ce que
ce soit si important dans le monde entier.
Un
service peer-to-peer comme KaZaA peut-il être
bénéficiaire ?
Je pense que Kazaa et iMesh sont déjà
rentables.
Pensez-vous
que le rachat de KaZaA pourrait intéresser une major
du disque ?
Ce serait intelligent de leur part, mais
je ne crois pas qu'ils oseront. Les autres maisons de
disques poursuivent Bertelsmann pour avoir financé Napster.
Avez-vous
reçu le soutien officiel de certains groupes de musique
ou chanteurs ?
Plusieurs artistes soutiennent avec vigueur
l'échange de fichiers. Beaucoup de maisons de disques
indépendantes nous soutiennent également. Elles
estiment que nous sommes un très bon canal de distribution.
Considérez-vous
les principaux FAI européens (T-Online, Wanadoo, AOL
Europe, Tiscali) comme des alliés ou des ennemis ? Ont-ils
l'intention de bloquer l'accès à KaZaA ?
J'ai discuté avec de nombreux FAI, et
ils adorent tous KaZaA et toutes les autres applications
d'échange de fichiers, puisqu'elles constituent les
killer app' ultimes du haut débit. Le peer-to-peer tire
leurs ventes sur le haut débit. Evidemment AOL n'est
pas un allié, étant donné que ce FAI est aussi une entreprise
de divertissement qui nous poursuit en justice.
KaZaA
a lancé le programme Peer Points Manager en juin dernier
pour soutenir le téléchargement légal de musique. Quel
est le premier bilan ?
C'est très positif. C'est encore en période
de démarrage.
KaZaA
a également créé une association (Distributed
Computing Industry Association) destinée à rassembler
les défenseurs de la technologie peer-to-peer. Joltid
participera-t-elle aux actions de lobbying ?
Joltid n'est pas active dans ce groupe,
bien que nous le soutenions.
Quelle
solution recommandez-vous pour que les services peer-to-peer
restent légaux, tout en permettant aux détenteurs
de droits d'auteurs d'être rétribués à l'aune des téléchargements
?
Deux tribunaux ont jugé les services
peer-to-peer légaux. Comme pour beaucoup d'autres innovations
technologiques qui l'ont affectée, l'industrie des médias
finira par en tirer parti. Quand la radio est apparue,
l'industrie du disque a engagé des actions en justice
et affirmé que personne n'achèterait de disques si la
musique pouvait être écoutée gratuitement à la radio.
Ce qui s'est passé, c'est que la radio est devenue le
meilleur canal marketing pour l'industrie du disque,
et qu'on a mis en place un système permettant aux radios
de diffuser librement n'importe quelle musique, tant
qu'elles reversent des droits aux sociétés collectrices.
Quand le magnétoscope est apparu, l'industrie cinématographique
a engagé des actions en justice et Jack Valenti, le
président de la MPAA (NDLR : équivalent de la RIAA
pour l'industrie du cinéma) a dit que le magnétoscope
était à l'industrie du cinéma ce que l'étrangleur de
Boston était aux femmes seules à la maison. Quelques
années plus tard, et après un jugement de la Cour Suprême
des Etats-Unis statuant que le magnétoscope était légal,
la plus importante source de revenus pour l'industrie
cinématographique était, et elle l'est toujours, la
location vidéo. Je suis convaincu que le même phénomène
va se produire avec le peer-to-peer.
Quelle
utilisation personnelle faites-vous du peer-to-peer
? Avez-vous déjà téléchargé des fichiers protégés par
un copyright sur KaZaA ?
J'utilise le peer-to-peer pour communiquer,
pas pour les applications d'échange de fichiers. Je
n'ai téléchargé des fichiers protégés par un copyright
sur Kazaa que lorsque les détenteurs avaient donné leur
accord pour qu'ils soient distribués ainsi.
Quels
sont vos sites favoris ?
Google et KaZaA.
Qu'est-ce
que vous préférez dans Internet ?
Tout est à ma portée, il n'y a pas de
frontière.
Qu'est-ce
que vous aimez le moins dans Internet ?
Le spam, les pop-ups publicitaires, et
les modems.
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