JURIDIQUE 
PAR THIBAULT VERBIEST
Droit de réponse : comment l'exercer sur le Net
Depuis juin 2004, le cadre juridique régissant le droit de réponse sur Internet est relativement bien défini. Conditions pour l'exercer, délais à respecter, modalités de mise en oeuvre... Thibault Verbiest détaille les principales régles à observer.   (20/06/2006)
 
Avocat aux Barreaux de Paris et de Bruxelles, chargé d'enseignement à l'Université Paris I (Sorbonne)
 
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Les faits sont devenus classiques : un site Web diffuse des informations concernant une personne physique ou une société. Ces informations ne sont pas du goût de celles-ci et elles souhaitent y répondre. Quelles sont les règles juridiques qui encadrent cette situation ? Que peut exiger une personne qui souhaite répondre à une information diffusée sur l'Internet ?

Avant 2004, l'exercice de ce droit entraînait de multiples interrogations. Depuis 2004, l'article 6 IV de la loi du 21 juin 2004 pour la confiance dans l'économie numérique fixe le cadre juridique du droit de réponse spécifique sur l'internet (ci-après art. 6 IV LCEN).

L'exercice de ce droit n'est pas sans difficulté ; en particulier, les différents délais à prendre en compte sont très brefs. Son application nécessite non seulement de la rapidité mais une bonne compréhension de règles souvent subtiles.

Une question préalable doit être réglée : le décret d'application de l'article 6 IV LCEN n'étant pas encore publié, peut-on dès aujourd'hui se prévaloir de ce nouveau régime ? .

L'absence de décret d'application
En principe, l'absence de décret ne peut empêcher l'application d'une loi, même en matière pénale. Il n'est pas besoin d'attendre la publication d'un décret et la loi est applicable dès son entrée en vigueur (art. 1er Code civil).

Le principe de la légalité criminelle ne peut servir à remettre en cause cette solution (art. 111-3 Code pénal). Par exception, une loi peut subordonner expressément son entrée en vigueur à la publication d'un décret, mais ce n'est pas le cas pour l'article 6 IV LCEN. La loi peut aussi être écartée dès lors qu'elle est trop floue pour entrer en vigueur. Il est alors nécessaire de connaître le décret et l'on estime que la loi "ne se suffit pas à elle-même".

Dans notre cas, l'article 6 IV de la LCEN apparaît comme suffisamment précis. Il fixe le régime, les délais puis les sanctions à appliquer. Même si plusieurs points peuvent faire l'objet d'un débat, il est très peu probable qu'un juge refuse d'appliquer l'article 6 IV LCEN au motif qu'il ne se suffit pas à lui-même.

Condition pour l'exercice du droit de réponse
L'article 6.IV de la LCEN dispose que le droit de réponse appartient à "toute personne nommée ou désignée dans un service de communication au public en ligne".

Tout comme l'article 13 de la loi du 29 juillet 1881, l'article 6 IV bénéficie aux personnes physiques comme aux personnes morales. Pour ces dernières, l'organe qui souhaite s'exprimer en réponse doit évidement être doté de la personnalité morale.

Plus fondamentalement, il est nécessaire d'avoir été mis personnellement en cause. Inutile de tenter d'exercer ce droit au profit d'un tiers, sauf le cas particulier où le tiers a donné mandat pour sa défense. De même, exercer un droit de réponse dans l'intérêt général n'entre pas dans les prévisions de cet article.

Soulignons une règle simple : en principe, il n'est pas besoin de faire la démonstration d'un préjudice, d'un contenu malveillant ou injurieux. La loi reconnaît un véritable droit d'expression plutôt qu'un droit de se défendre.

Le régime du droit de réponse
Le demandeur doit simplement faire état de sa volonté d'exercer son droit de réponse. Il est maître de la teneur de sa réponse. De même, il n'a pas à renoncer aux demandes de correction ou de suppression du message qu'il peut adresser au site web. Bien évidement ce droit est gratuit.

Il faut agir vite ! Le délai pour exercer un droit de réponse est de 3 mois. Le point de départ de ce délai est la mise à disposition du public du message justifiant la demande. C'est le seul instant de la mise en ligne qu'il faut prendre en considération. Ainsi au 1er mars 2006, seuls les messages mis en ligne trois mois plus tôt sont susceptibles de faire l'objet d'un droit de réponse. Il ne sera pas toujours évident de connaître avec précision cette date sur l'Internet.

Quel type d'écrit doit-on faire parvenir au service de communication ? La loi ne donne pas d'indication. Il est préférable d'utiliser un courrier recommandé avec accusé de réception. En effet, la question de la preuve du respect du délai sera réglée de cette manière.

Dès réception de la réponse, le directeur de la publication a trois jours pour l'insérer dans son service de communication (article 6 IV de la LCEN al. 3). La difficulté pratique est d'identifier le responsable du service de communication et son adresse postale.

De nombreux sites ne respectent pas les différentes mentions légales à mettre à disposition du public (article 6 III LCEN, voir aussi l'article 92-2 de la loi n°82-652 du 29 juillet 1982 sur la communication audiovisuelle). Lorsque le site est diffusé par un éditeur non professionnel et que ce dernier a choisi de garder l'anonymat, c'est à l'hébergeur du site que doit être envoyée la demande. L'hébergeur doit alors transmettre la demande au directeur de la publication.

Reste que l'absence de désignation d'un directeur de publication n'empêche pas les poursuites. Au sujet de la presse écrite, il a été jugé que l'absence de désignation d'un directeur de la publication ou la désignation inexacte de celui-ci ne peut tenir les poursuites en échec. Il appartient aux magistrats de rechercher qui assume réellement cette fonction. Ce principe devrait être étendu sans problème à l'Internet.

Comment cette insertion doit-elle se faire ? L'article 6 IV renvoie sur ce point à l'article 13 de la loi du 29 juillet 1881. Ainsi, l'insertion de la réponse doit être faite à la même place et dans les mêmes caractères que le message critiqué. De plus, la réponse doit également être diffusée de manière que lui soit assurée une audience équivalente à celle du message initial. La traduction concrète de ces principes pour un site Internet pourrait soulever certaines difficultés. C'est aussi sur ce point que le décret d'application est attendu.

 
 

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