Si l'on peut aisément
concevoir ce que peut être la gestion de la relation
client (CRM) pour une entreprise vis-à-vis d'un
marché cible comme le grand public, il est plus
difficile d'imaginer l'emploi de moyens identiques à
l'égard de ses partenaires d'affaires dans le
cadre du commerce inter-entreprises. Pourtant, particuliers
et entreprises sont ici tous deux des clients. En matière
de CRM, les premiers domaines d'application qui viennent
à l'esprit sont la gestion des campagnes marketing,
la gestion des forces de vente, et le service client
avec des centres de contacts. Ce sont autant de moyens
de rétention et d'acquisition des clients qui
se prêtent bien au contexte de relations b-to-c,
mais qui pour la plupart ne sont pas naturellement envisagés
dans le b-to-b tant la conception du business varie
de l'un à l'autre.
CRM + b-to-b entretient la confusion,
dixit I2
Fin 2000, I2
Technologies surprenait les marchés en déclarant
la sortie d'une solution de CRM dédiée
au b-to-b. Après tout, pourquoi le commerce entre
les entreprises n'aurait-il pas lui aussi sa gestion
de la relation client ? C'est un peu le pari qu'avait
fait l'éditeur, sans pour autant qualifier un
processus comparable avec le CRM tel que les sociétés
tournées vers le grand public le pratiquent.
Or, en fait de bonne idée, le concept n'a pas
vraiment séduit.
"I2 est un acteur initialement positionné
sur le SCM (gestion de la chaîne logistique),
qui a évolué vers le SRM (gestion des
relations fournisseurs) en rachetant RightWorks et Aspect
Development", explique Jean-Michel Vergnes, directeur
marketing Europe du Sud de l'éditeur.
"En annonçant aussi la couleur du CRM, nous
proposions du coup un triptyque assez séduisant.
Depuis, nous avons reçu un retour plus mitigé
de la part d'analystes comme AMR ou Gartner, mais aussi
de nos clients, de partenaires comme Accenture et même
de nos forces de vente. Tous nous ont répondu
que le vocable de CRM entretenait la confusion. Or,
ce que nous appelions gestion de la relation client
ne signifiait pas le "customer care" mais
la prise en compte des demandes des clients. Nous sommes
utilisateur et partenaire de Siebel, et nous n'avons
pas l'intention de déborder sur leur domaine
de compétences."
Le DCM pour redonner du sens
à la relation b-to-b ?
La semaine dernière lors de son événement
I2 Planet, l'éditeur a donc enterré son
positionnement d'acteur de la gestion de la relation
client, pour revenir à une stratégie produits
plus rationnelle. Exit le CRM entre les entreprises,
l'ère du DCM est arrivée. Mais qu'entend
I2 Technologies par le Demand Chain Management, en bon
français la gestion de la chaîne de demande
? A priori, la même chose qu'auparavant mais de
façon plus cohérente. Pour aboutir à
l'équation de VCM ou gestion de la chaîne
de valeur qui caractérise sa vision, il suffit
de combiner SCM, SRM et maintenant DCM.
Selon Jean-Michel Vergnes, "notre solution
DCM regroupe les étapes Order Management,
Demand Planification, Order Promising, Pricing Optimization
et Service Management".
Respectivement, ces intitulés se traduisent par
la gestion et la réception des commandes à
travers de multiples canaux, la planification en fonction
de la demande anticipée, la capacité à
promettre (capable-to-promise), l'optimisation de la
grille tarifaire en fonction des contraintes, et la
gestion de la production de services adaptés
à la demande. Cet ensemble colle à la
définition du DCM qu'apporte AMR Research. D'après
une analyse
récente de Rod Johnson, spécialiste
de la question au sein du cabinet, il s'agit de "transformer
[l'entreprise] en une organisation conduite par la demande,
où le développement produit, la tarification
et les décisions de modélisation de la
chaîne logistique sont suscités par la
demande actuelle et future du client."
Concrètement,
l'exemple type est celui de Dell, souvent cité
pour son avance visible à travers des fonctions
comme la possibilité offerte à ses clients
de configurer leur micro-ordinateur en ligne avant de
le commander. Or, le constructeur de PC est aussi un
client de I2. "Dell dispose de 6 jours de
stocks là où les concurrents disposent
de deux mois", soutient Jean-Michel Vergnes. "Avec
une organisation de la production adéquate, l'entreprise
peut travailler en flux tendu et réaliser des
économies. Dell replanifie sa production toutes
les heures. Y compris les options de dépannage
qui arrivent en temps réel. Pour y parvenir,
il lui a fallu mettre en place une planification qui
colle le plus près possible à ce que demande
le client. Ce qui suppose également la capacité
à produire des solutions alternatives viables.
[...] La promesse du DCM, c'est de livrer ce que l'on
promet et d'être capable d'exécuter sur
chaque promesse."
C'est
un peu trop vite enterrer le CRM, selon AMR
Pour l'analyste
d'AMR Research, le message d'abandon de l'intitulé
CRM au profit du DCM par I2 a maintenant le mérite
d'être en accord avec son message d'ensemble sur
la gestion de la chaîne de valeur. Une démarche
qu'il salue également comme nécessaire
pour en finir avec la confusion. Seulement, l'analyste
identifie cinq pilliers de la gestion de la chaîne
de demande qui dépassent par certains côtés
l'offre de I2. D'après Rod Johnson, l'éditeur
profite tout de même d'une situation dominante
sur le marché autour de fonctions spécifiques,
et présente un positionnement historique en terme
de gestion de la chaîne logistique qui en fait
une référence dans deux des cinq grands
domaines : la gestion/analyse de la demande et son exécution.
Or, selon le même analyste, l'ambition de I2 serait
de recouvrir avec sa solution tous les besoins DCM des
entreprises, ce qui signifie pour lui tous les piliers
qu'il a décrits dans son rapport. Parmi ceux-ci,
la Demand Generation ou création de la demande
passe par des techniques comme la gestion des campagnes
marketing. Et la capture de la demande nécessite
pour l'entreprise d'être à l'écoute
de ses clients via ses différents canaux, qu'il
s'agisse des forces de vente sur le terrain, du site
web (e-CRM) ou même du centre de contacts. Pour
Rod Johnson, le DCM qui concerne tout particulièrement
les industries manufacturières et de biens de
consommation doit en passer par le CRM. Mais comme l'a
fait remarquer plus haut son directeur marketing Europe
du Sud, I2 est allié avec Siebel dans ce domaine
et n'a pas l'intention de marcher sur ses plates-bandes.
Après tout, l'éditeur n'a pas dit qu'il
allait tout faire lui-même en court-circuitant
ses partenaires.
Du reste, le ton employé aujourd'hui par I2 tranche
avec certains poncifs marketing couramment véhiculés.
A propos des multiples points de collaboration le long
de la chaîne de valeur, "il faut être
sincère", réplique Jean-Michel Vergnes.
"Il existe un décalage entre les discours,
y compris le nôtre, et les réalisations
concrètes. Sur 1 200 clients dans le
monde, nous n'en avons que 80 environ qui ont généralisé
la collaboration. Ce sont plutôt des américains.
Parmi les français, certains avanvent assez vite
et je peux vous citer Usinor. Autrement, nous pouvons
parler de mises en place en cours chez Alcatel et Louis
Vuitton."
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