TRIBUNE 
Industrialisation du service informatique : un virage à ne pas rater
par Jean-Louis Bénard
Fondateur de Brainsonic (09 octobre 2003)
         
 
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L'éclatement de la bulle Internet et la désillusion des entreprises vis-à-vis des nouvelles technologies n'ont pas fini de faire des victimes. Plus larvée que la crise informatique du début des années 90, celle d'aujourd'hui n'en est pas moins tout aussi violente.

Au-delà des effets de concentration classiques, elle éclate et reconfigure la chaîne de valeur de l'industrie des services informatiques. Car il faut désormais parler d'industrie des services.
Si l'industrialisation comporte des points positifs (rationalisation des démarches projets, approche CMMI, etc.), elle a aussi ses revers : l'informaticien s'achète maintenant comme le paquet de lessive - l'image est violente et pourtant réelle -. Ambiance "je vous en vends deux pour le prix d'un".
Réduction du nombre de fournisseurs, contrats cadres toujours plus serrés, enchères inversées : les techniques d'achat ressemblent à s'y méprendre à celles des autres industries. Logique ? Pas si sûr… Si ces méthodes ont sensiblement réduit les coûts, leur application parfois trop poussée finit par desservir les intérêts mêmes de l'entreprise. Car cette approche très efficace a malgré tout un gros défaut : elle nie la valeur ajoutée de chaque individu et le facteur humain qui fait le succès des projets.
Non, les développeurs et chefs de projet ne sont pas interchangeables. Non la qualité des processus ne garantit pas celle des individus. Non, il n'y pas deux paquets de lessive identiques dans l'informatique.

L'histoire des entreprises est jalonnée d'individus (internes ou prestataires) qui par leur discernement, leur efficacité, leur vision ont créé dix, cent fois plus de valeur que ce qu'ils coûtaient. D'autres entreprises s'en sont privées parce qu'elles refusaient d'en payer le prix. Croire que l'on récupèrera ces individus "exceptionnels" après avoir divisé les prix par deux ou trois est illusoire.
Les pragmatiques pourront dire qu'il n'en est rien, que même ces perles rares sont "à vendre" pour pas cher. Pas si sûr. La non-reconnaissance de la valeur d'un individu réduit déjà considérablement sa performance. La compression des prix émiette peu à peu la valeur du capital humain des prestataires. De ce fait, ces derniers jouent aujourd'hui une partie difficile.
Contrairement aux crises précédentes, les méga-fusions ne suffiront pas à sortir de cette mauvaise passe. Si les acteurs du secteur n'investissent pas pour ré-inventer leur métier, le marché des services informatiques pourrait rapidement prendre des allures d'industrie sidérurgique dans sa pire période. Face aux pressions tarifaires, à la montée en puissance de l'offshore, il n'y a pas d'autre issue que d'aller vers la valeur ajoutée.
La bonne santé des petits cabinets d'architecte en est une illustration : il vaut mieux abandonner le paquet de lessive pour vendre "du bio ", de la matière grise valorisée et reconnue.
Dans cette catégorie, les voies d'exploration restent nombreuses : assistance à maîtrise d'ouvrage avec une forte compréhension du métier, pilotage de projets offshore, architecture, intégration progicielle, etc. Facile à dire, beaucoup moins facile à faire.
Cela demande un investissement important en termes de formation et d'évolution des compétences internes, à l'heure même où ce type de budget se fait rare. Un développeur ne devient pas architecte en une semaine. Pire : une partie des équipes peinera à monter en gamme de prestations. Enfin et surtout la difficultés des cabinets d'architectes-conseil à dépasser les 50 personnes montre bien que "l'industrialisation" de ce type de prestation est très complexe…
Les missions sont plus courtes, elles n'impliquent que peu d'individus à la fois, et imposent un très haut niveau de compétence : l'entreprise cliente est prête à payer, mais la prestation doit être éblouissante.Les entreprises de service ne pourront supporter seules l'effort.

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Au-delà de l'implication de l'Etat, c'est à chaque individu de travailler son "employabilité" en initiant personnellement une démarche de formation permanente - souvent complémentaire de celle que peut proposer l'entreprise. Une pratique courante aux Etats-Unis qui doit encore faire son chemin en France.

 
 Jean-Louis Bénard
 
Diplômé de l'Ecole Centrale Paris, Fondateur de la SSII F.R.A. puis directeur technique de Business Interactif, Jean-Louis Bénard est président et directeur technique de Brainsonic. Il est également professeur à l'Ecole Centrale.

 
 

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