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06/12/2007

Loïc Rivière (AFDEL) : "Nous croyons au dual licencing qui combine modèles Open Source et propriétaire"

Quelques jours après l'AG 2007 de l'Association Française Des Editeurs de Logiciels, son délégué général répondait aux questions des lecteurs, et expliquait les différents leviers d'innovation sur le front du développement d'applications.
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Loïc Rivière (AFDEL)
 
 
 

J'ai créé ma société d'édition logicielle cette année. En quoi l'AFDEL peut m'apporter une aide ?

L'AFDEL s'attache depuis deux ans à développer des services à valeur ajoutée pour les start-up. Cela se traduit notamment par tous les événements que nous organisons consacrés aux problématiques que rencontrent les éditeurs de logiciel : choix du business model, propriété intellectuelle, contrats, bonnes pratiques en matière de marketing et de partenariat etc.

Par ailleurs, nous avons des services dédiés à nos membres comme un contrat d'assurance responsabilité civile professionnelle spécial Editeurs, des facilités dans la recherche de subventions, une bibliothèque de contrats type… Enfin, nos commissions sont un lieu régulier d'échange de meilleures pratiques avec vos pairs. Pour finir la cotisation d'une start-up est de 200 euros ! Il n'y a pas à hésiter !

Quels sont les freins à l'apparition, en France, d'une start-up de dimension européenne ou mondiale comme Google ?

Vous posez là un vrai problème qui mérite tout un débat. Il faut effectivement comparer avec les Etats-Unis qui disposent des conditions propices à l'épanouissement d'un véritable écosystème High-Tech. Ce n'est pas le cas en France. Notre enseignement n'est pas suffisamment adapté aux besoins de l'entreprise. Le monde de l'entreprise et de l'université sont encore deux mondes qui s'ignorent. Or dans une industrie qui repose sur la recherche et le développement comme la nôtre, c'est un vrai problème. L'environnement financier n'est pas le même non plus, les possibilités de financement, en particulier dans le capital investissement sont décuplées aux Etats-Unis.

Enfin, nous manquons d'une forte culture commerciale d'une part et capitalistique d'autre part. La première explique en partie les difficultés à se développer à l'international. La seconde explique l'envie peut être plus faible de grandir. La Lifestyle Company est appréciée en France…Et il y a aussi des dures réalités comme le fait que la taille du marché natif n'est pas la même. Mais les choses changent : regardez Dailymotion ! Savez-vous que c'est la marque française de la nouvelle économie la plus connue aux US ? Nous avons maintenant une génération de serial entrepreneurs, de vrais savoir faire, une capital risque plus dynamique…c'est très encourageant. Nous verrons donc un jour naître un Google français, nous y croyons fermement

 
Photo par Marie Bruggeman © Benchmark Group
 
"La part des TIC dans la croissance et deux fois plus faible en France qu'aux Etats-Unis"

J'ai lancé une petite activité d'édition logicielle en mode hébergé. Les problématiques sont nombreuses. L'Afdel travaille-t-elle dans ce domaine ?

Oui, bien sûr ! Nous avons une Commission "Internet Software" présidée par Carlos Diaz, le CEO de Bluekiwi et qui rassemble éditeurs en mode Saas, sociétés, Web 2.0 et éditeurs en transition. Beaucoup de sociétés Web 2 ou Saas nous ont rejoint ces derniers mois. Nous y traitons de ces sujets et avons organisé récemment un grand colloque dédié à ces problématiques. Il est d'ailleurs disponible en Rich media pour les membres exclusivement grâce au partenariat que nous avons avec l'un de nos membres Web 2.0 : Webcastory.

Quel est votre point de vue sur la politique du gouvernement en faveur de l'innovation ? Quels sont les points forts de cette politique et ses points faibles ?

Nous avons noté des signes encourageants, le début d'une prise de conscience. Je fais allusion au très bon rapport sur l'immatériel, aux positions des candidats pendant la campagne présidentielle qui plaçaient le logiciel au cœur de l'écosystème High-Tech, ou encore au dernier arbitrage de Matignon en faveur du rattachement du projet de Pôle de compétitivité Open Source au pôle existant System@tic. Nous avons noté une augmentation des dotations en R&D d'Oséo (qui a fusionné avec A2I) ou encore de l'ANR et de son volet STIC et une réforme globalement positive du CIR.

Mais comme le disait notre Président, Patrick Bertrand, à l'occasion de la dernière Assemblée générale, "L'effet levier des TIC fonctionne au ralenti en France, il faut faire des TIC une priorité nationale". En effet, la part des TIC dans la croissance et deux fois plus faible en France qu'aux Etats-Unis. Le gouvernement recherche un point de croissance, nous lui disons "nous l'avons "! Il faut un engagement plus global et plus visible pur développer l'usage des TIC et en particulier du logiciel qui en est le cœur, dans les PME, ouvrir les marchés publics et des grands donneurs d'ordre aux PME, développer les partenaires Entreprise-Université, stimuler l'investissement…

Je suis étudiant MIAG. Je me demande si le système de formation français est réellement adapté à la compétition internationale dans le secteur du logiciel ?

Non, en effet. Les éditeurs peinent aujourd'hui à embaucher et à trouver les profils qu'ils recherchent. Ces profils sont hautement qualifiés, spécifiques et demandent une forte culture internationale. Ce sont aussi souvent des profils mixtes commerciaux et technologiques. C'est pourquoi nous faisons la proposition au gouvernement de mener un projet pilote d'université du logiciel associant plusieurs compétences. Nous en avons d'ores et déjà discuté avec les différents cabinets ministériels concernés et ce projet y rencontre un écho très favorable, d'autant qu'il s'inscrit dans la dynamique portée par la réforme de l'université.

L'Afdel s'est-elle réellement imposée comme un interlocuteur incontournable vis-à-vis des pouvoirs publics ?

 
Photo par Marie Bruggeman © Benchmark Group
 
"Nous n'avons jamais été hostile à l'Open Source"

Tout à fait ! Un conseiller d'un cabinet nous confiait récemment qu'il dressait lui même le constat il y a trois ans que notre industrie n'était ni structurée, ni vraiment représentée. Les pouvoirs publics disposent désormais d'un interlocuteur et l'industrie du logiciel d'un représentant. L'AFDEL représente aujourd'hui plus de 120 membres avec les deux premiers éditeurs français Dassault Systèmes et Cegid, de grands acteurs internationaux comme Microsoft (France) ou nationaux comme Berger-Levrault ou Esker qui vient de nous rejoindre comme administrateur.

Mais surtout l'AFDEL est une fidèle image du marché en ce qu'elle comporte beaucoup de PME du logiciel et de nombreuses start-up investies sur des technologies en pointe ou de nouveaux business models. Bref, Les pouvoirs publics savent qu'en s'adressant à l'AFDEL, ils s'adressent à l'industrie du logiciel et à l'innovation dans toute sa diversité et sa créativité !

Etes-vous favorable, d'une part, à du "patriotisme économique" (ou bien une préférence européenne) en matière d'achats de logiciels par l'administration, d'autre part, une protection du capital de nos éditeurs de logiciels par l'Etat comme cela se fait dans d'autres secteurs d'activité "stratégiques" ?

Il y a des domaines qui relèvent de la sécurité nationale et où il est normal que certaines préférences s'opèrent. Pour le reste, nous pensons que la meilleure manière de faire preuve de patriotisme économique, c'est de créer en France les conditions d'un meilleur développement de l'industrie du logiciel. Cela n'implique pas dans notre esprit un recours à des mesures protectionnistes. Au contraire, nous ne nous voilons pas la face, le marché est mondial, il faut conquérir les marchés plutôt que de les protéger !

Si je désire protéger un développement en termes de droit d'auteur, comment faut-il s'y prendre ?

Nous avons rédigé dans le cadre de notre Commission propriété intellectuelle un position sur le sujet qui est en fait un véritable guide pratique à l'usage des éditeurs sur tous ces sujets, je vous invite à le consulter et à venir en commission bénéficier de l'expérience des spécialistes qui vous conseilleront sur le dépôt de marques et de vos sources, sur ce qui peut être protégé par le droit d'auteur et sur ce qui ne peut pas l'être…

Vous êtes toujours aussi hostile à l'Open Source ?

Nous n'avons jamais été hostile à l'Open Source. Nous avons pris différentes positions dans le débat public dont le but était de ramener le débat vers un débat économique et business en phase avec les réalités du marché, loin de sa politisation stérile. Notre position était de dire que l'Open Source est un modèle de conception et de distribution du logiciel dont les atouts sont indéniables mais qui impose trop souvent un modèle de business exclusivement orienté vers le service.

Or ce n'est pas selon nous le modèle le plus à même de générer de l'innovation car on ne peut financer 3 années d'effort de R&D sur un produit par une activité de service. Le fait est que peu de logiciels Open Source sont des innovations de rupture. En revanche, c'est un excellent modèle pour développer et tester ses produits et pour faire tomber les barrières à l'entrée. C'est pourquoi, nous croyons à la coexistence voire à la convergence des modèles.

 
Photo par Marie Bruggeman © Benchmark Group
 
"Nos missions sont tout à fait complémentaires avec le Syntec"

Il existe des modèles Open Source hybrides. Je pense à ce que fait Alfresco, qui combine accès au code et paiement au CPU. Qu'en pensez-vous ?

Nous croyons certainement à ces modèles et en particulier au dual licencing qu'a éprouvé Mysql et qu'a adopté avec succès une société française comme Talend.

Je ne comprends pas bien le rôle de l'Afdel ? Quelle différence avec celui du Syntec informatique ?

Le Syntec informatique est la chambre syndicale de tout le secteur informatique et représente donc toutes ses composantes et en particulier le service, le conseil et l'ingénierie qui ont un poids très important en France. Nous représentons pour notre part uniquement les éditeurs de logiciels qui souffraient auparavant d'un manque de visibilité et de reconnaissance en l'absence de représentant spécifique.

Nous portons donc des problématiques bien spécifiques à ce métier que ne partagent pas nécessairement les autres acteurs de l'écosystème. Nous apportons également des services dédiés au métier d'éditeur de logiciel (Cf. le contrat d'assurance RCP que nous avons mis en place). Enfin, nous sommes un véritable réseau d'entrepreneurs du logiciel dont la dimension networking est très importante. Nos missions sont donc tout à fait complémentaires avec le Syntec.

Diplômé de Sciences-Po, d'une licence de philosophie et d'un DEA de sciences politiques, Loïc Rivière a travaillé au Service d'Information du Gouvernement (SIG) au sein de la cellule Arguments, puis a exercé la fonction de chef de rubrique TIC pour l'hebdomadaire Marchés Tropicaux. Il a rejoint l'AFDEL début 2006 pour y prendre les fonctions de Délégué Général.


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