Pourquoi ces stars du web misent sur le cloud de Google
Qu'ont en commun Snap, Pokémon Go ou Spotify ? Il s'agit d'applications qui, en quelques années, voire en quelques mois pour certaines, ont réussi à fédérer des centaines de millions d'utilisateurs à travers le monde. Une croissance exponentielle qui a été rendue possible grâce au cloud public, en l'occurrence celui de Google. Pourquoi ces applications se sont-elles tournées vers le cloud de Mountain View ? S'il n'est pas encore aussi riche que celui d'Amazon, Google Cloud Platform (GCP) s'est étoffé au fil des années. Au-delà du triptyque habituel "compute", stockage et réseaux, Google a su capitaliser sur son savoir-faire en matière de big data. Depuis le lancement il y a un an de Cloud Machine Learning, le groupe met aussi l'accent sur l'intelligence artificielle et l'auto-apprentissage.
Le big data et l'intelligence artificielle, des plus-values essentielles
Des plus-values essentielles pour des applications qui font du traitement de contenu et/ou de la recommandation des éléments-clés de réussite. "En agrégeant les informations de ses utilisateurs, Spotify va suggérer les chansons les plus susceptibles de leur plaire et dresser des playlists", rappelle Bastien Legras, responsable avant-vente pour les offres cloud chez Google France. "Même logique pour l'application française de rencontres Happn qui vise à prédire des 'connexions' entre ses membres."
Evernote : une migration en 70 jours
En février dernier, Evernote annonçait avoir achevé la migration de la logique serveur de son application de prise de note dans le cloud de Google (lire le post officiel de cette annonce). Un choix structurant pour l'éditeur californien qui, depuis sa création en 2008, possédait et maintenait son infrastructure serveur en interne.
La migration n'a demandé que 70 jours. Durant ce laps de temps, Evernote a déplacé vers la plateforme de Google quelque 5 milliards de notes et autant de pièces jointes. Soit plus de 3 Po de données. Pour automatiser les étapes de migration, Evernote s'est appuyé sur Google Cloud Deployment Manager. La société a aussi écrit des scripts et conçu son propre outil d'automatisation en se basant sur la solution open source Ansible.
Evernote dont le cœur de métier porte sur l'intégrité des données utilisateurs, met l'accent sur la sécurité, surtout depuis son piratage en 2013 - qui a conduit au vol de 50 millions de mots de passe. L'éditeur a mis en œuvre un chiffrement des données durant leur transfert vers le cloud de Google mais aussi une fois ces dernières stockées dans les datacenters de Google.
Les bénéfices attendus sont d'ordres divers. Les mises à niveau de l'infrastructure tout comme le déploiement des mises à jour de l'application prendront moins de temps. Les ressources libérées en interne permettront par ailleurs à Evernote de se concentrer sur le développement de son produit. Enfin, l'éditeur américain entend faire appel aux services cognitifs de GCP – en matière de traduction automatique, de traitement des photos et de reconnaissance vocale.
Happn : 28 millions d'utilisateurs en trois ans
Application de rencontres, souvent qualifié de "Tinder français", Happn connait un vif succès. En trois ans, elle a séduit 28 millions utilisateurs dans le monde. Une croissance exponentielle qui plaidait pour le cloud public. "Après un an d'existence, nous avions déjà anticipé le recours au cloud", se souvient Philippe Meriaux, COO de la start-up. "Le temps de la réflexion, en 2015, nous étions passés d'un à dix millions d'utilisateurs. Au moment de la migration vers le cloud de Google, le cap des vingt millions était franchi."
Google Cloud Platform préféré à Amazon Web Services par l'application française de rencontres
Accompagné par la société de conseil D2SI, Happn a passé en revue les offres de trois grands prestataires, pour n'en garder que deux. Microsoft Azure ayant été d'emblée écarté pour des raisons de coûts et de périmètre fonctionnel, AWS et GPC ont été soumis à un comparatif technique via des preuves de concept. "L'état d'esprit du fournisseur a été déterminant", indique Marc Falzon, ingénieur lead operations chez Happn. "AWS et Google ont des cultures très fortes. Cela influe sur la manière dont leurs offres sont construites. Les retours de la communauté open source étaient plutôt favorables à Google. Cela nous a aussi conforté." Le modèle de tarification a aussi été un critère de choix important, le système d'instances réservées propre à AWS présentant une forme de rigidité aux yeux de la start-up.
Opérée par les équipes techniques d'Happn, la bascule portait sur des dizaines de To de données. Un véritable défi. "Nous avons eu beaucoup de discussions en amont avec le support de Google", poursuit Marc Falzon. "Les deux plateformes étaient interconnectées avec une synchronisation en continu. Le jour J, il y a eu une interruption de service de l'ordre de la demi-heure." De part son activité, Happn fait appel sans surprise aux services big data de GCP (BigQuery, Dataflow, Dataproc, Datalab...).
Pokémon Go : le cloud pour encaisser l'audience
Le 5 juillet 2016 quand Niantic lançait Pokémon Go sur iOS et Android, l'éditeur américain ne pouvait prévoir que son nouveau jeu battrait tous les records. Disponible dans plus de 90 pays, il sera téléchargé plus de 500 millions de fois dans les deux mois suivant son lancement. Si Niantic avait déjà éprouvé la solidité de son architecture avec Ingress, son premier jeu en réalité augmentée, le succès rencontré par Pokémon Go était sans commune mesure.
Au pic le plus haut de son audience, "Pokémon Go sollicitait la base Google Cloud Datastore à un niveau plus de cinquante fois plus élevé que prévu", indique Phil Keslin, CTO de Niantic dans un billet. "Les équipes d'ingénierie des deux entreprises ont commencé à travailler ensemble 24 heures sur 24 dès qu'il est apparu que la popularité du jeu dépasserait nos estimations les plus folles." Dans la foulée de cette première collaboration, Niantic – qui rappelons-le est une ancienne filiale de Google - a été le premier à contracter le service Customer Reliability Engineering. Une formule qui prévoit l'intégration du personnel technique de Google aux équipes du client pour co-garantir la fiabilité d'une application critique basée sur GPC.
Le mode de conception de l'application Pokémon Go explique aussi sa robustesse. Niantic a basé son développement sur la containerisation. La logique d'application du jeu s'exécute sur Google Container Engine. Elle est par ailleurs pilotée grâce à Kubernetes, l'orchestrateur open source d'architecture de containers conçu par Google.
Spotify : le big data pour les recommandations
En dix ans, Spotify est devenu un acteur incontournable de la musique en streaming dépassant les cent millions d'utilisateurs actifs dont plus de 40 millions d'abonnés payants. Son succès, le Suédois le doit à son moteur de recommandations qui lui permet de créer des playlists personnalisées comme les "daily mix" en puisant dans un catalogue de plus de 30 millions de titres.
"Les services cloud de stockage, de calcul et de réseau sont désormais aussi performants que dans l'approche traditionnelle" (Nicholas Harteau - Spotify)
Comme dans les précédents retours d'expérience, Spotify a longtemps géré son propre réseau de datacenters afin de garantir un niveau de service élevé et une présence auprès de ses principaux marchés. "Mais la donne a récemment changé", pointe Nicholas Harteau, vice-président en charge de l'ingénierie et de l'infrastructure dans un billet. "Les services de stockage, de calcul et de réseau disponibles auprès des fournisseurs de cloud sont désormais aussi performants que dans l'approche traditionnelle, tout en offrant des coûts compétitifs."
Mais si Spotify est monté dans le nuage de Google, c'est avant tout pour les services de big data proposés par ce dernier - qu'il s'agisse de BigQuery pour l'analyse de données massives, Dataproc pour la gestion automatisée des clusters ou Dataflow pour le traitement de données en mode batch ou temps réel. "Google nous offre un avantage décisif là où cela compte le plus pour nous", juge Nicholas Harteau. L'éditeur utilise également le service Pub/Sub pour l'échange de messages entre GCP et ses systèmes internes. "Cela nous donne la capacité de traiter des centaines de milliers de messages par seconde", souligne Nicholas Harteau.
Snap : 2 milliards de dépenses chez Google sur 5 ans
C'est à l'occasion de son entrée en bourse que Snap a dévoilé l'ampleur de sa stratégie cloud. Dans un document transmis à la Sec, le gendarme de Wall Street, l'application de partage de photos et vidéos a indiqué qu'elle envisageait de dépenser deux milliards de dollars au cours des cinq prochaines années dans les services de Google Cloud Platform. Soit, rapporté par an, une somme équivalente à son chiffre d'affaires 2016 - qui est estimé à 404 millions de dollars.
Dans le même document, Snap admet que cette dépendance à un fournisseur de cloud unique constitue "un facteur de risque". Toute migration vers une autre plateforme "serait difficile à mettre en œuvre", prendrait du temps et se traduirait par "des dépenses importantes", note aussi Snap. La start-up précise toutefois, que pour certains services, il n'existe pas "d'alternatives sur le marché".
Ressources machines, stockage, bande passante... Snap consomme déjà un grand nombre de services de Google. Selon un billet publié par le cloud américain il y un an, l'application aux 16 millions d'utilisateurs actifs dans le monde utilise notamment IAM Roles. Ce module d'identification et d'autorisation signé Google permet de déterminer très finement les droits d'accès des utilisateurs aux données partagées. Un enjeu clé pour Snap dont le modèle repose sur le caractère éphémère de la diffusion d'une photo ou d'une vidéo et sur une sécurité maximale afin d'éviter toute fuite de contenu.