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Difficile
de s'occuper de l'informatique d'une entreprise de la
taille d'Alstom ?
Jean-Pierre Dehez.
Alstom revendique le quinzième chiffre d'affaires
de l'économie française. Nous employons
un contingent de 112 000 personnes, dont plus de
la moitié a accès à un ordinateur.
Alstom compte également plusieurs milliers de
serveurs, épaulés par de gros systèmes
externalisés. Piloter l'informatique d'un tel
navire n'est pas une mince affaire : les activités
du groupe sont très diversifiées, et les
trois quarts des employés travaillent dans 65
pays étrangers. Qui plus est, l'histoire de l'entreprise
est passée par de nombreuses acquisitions. Autant
de facteurs qui diluent la cohérence du système
d'information et rendent mon travail plus délicat.
Comment
gérer une telle diversité ?
En renforçant le contrôle
du centre sur les périphéries. Après
une longue réflexion menée avec mes collègues
de la DG, j'ai mis en chantier une ambitieuse réforme
qui va dans ce sens. Il y a deux ans, nous avons créé
une nouvelle entité - l'IT Center -
qui a complètement réorganisé l'informatique
du groupe. Chacun des 300 sites d'Alstom - qui
avait auparavant une cellule informatique propre -
a été suboronné à l'une
des nouvelles directions, implantées dans 14
pays et elles-mêmes suboronnées à
la DSI. Voilà pour la concentration du pouvoir.
Mais là n'est pas l'essentiel.
La
réforme a été encore plus loin ?
Nous avons été jusqu'à
transformer les 300 services informatiques locaux en
prestataires de services. Tous les traits caractéristiques
de l'outsourcing sont là : le catalogue
des prestations, le cahier des charges, la contrat que
les deux parties signent, et le règlement que
le business paye au prestataire. Les rapports entre
Alstom et l'informatique d'Alstom ont été
bouleversés : les business définissent
leurs besoins, ils consultent l'IT Center en tant que
client, et ils payent chaque intervention, de la maintenance
à l'implémentation.
Pour
quels avantages ?
Prenons par exemple le budjet de la DSI :
gràce à la réforme, chaque dépense
est justifiée par le besoin de chaque business -
qui pèse longuement le pour et le contre avant
de signer chaque contrat. Les comptes de l'informatique
deviennent tout à coup limpides. Mon rôle
change : le budget est attribué de façon
optimale, et je n'ai plus à passer des heures
à doser intelligemment les lignes accordées
à chaque division : c'est le terrain qui
en décide. Je n'ai plus à craindre d'attribuer
trop de ressources - ou trop peu - à
un service ou à un autre. Paradoxalement, la
réforme a deux têtes : la centralisation -
de la chaîne de commandement - et décentralisation -
de l'attribution des budgets.
L'IT
Center en chiffres, c'est ...
1300 employés, un catalogue de
plus de 4 000 offres, et un budget de 400 millions
d'euros.
Créer
un catalogue de services de plus de 4 000 offres,
ca doit représenter beaucoup de travail ...
Un travail colossal. Il est très
difficile de définir le coût total de chaque
service, surtout quant il s'agit d'une solution ancienne
et obsolète - comme c'est parfois le cas
chez Alstom. C'est l'une des tâches qui me prend
le plus de temps.
Les
dépenses de l'informatique ont chuté depuis
deux ans ?
Tout à fait. Le réforme
responsabilise chaque partie : les business savent
ce que chaque service leur coûte, et ils réfléchissent
deux fois avant de faire une dépense. Quant aux
informaticiens, ils doivent désormais respecter
des procédures bien précises. Les dépenses
sont donc clarifiées et rationalisées,
et en toute logique elles chutent. Mais ce n'est pas
tout : l'obligation d'en passer par un contrat
élimine les coûts cachés, et notamment
les petits services que les informaticiens étaient
amenés à rendre occasionnellement.
Vous
n'avez plus de budget propre ? Comment faites vous
pour assurer la cohérence du SI ?
Les apparences sont trompeuses :
j'ai toujours un budget propre, bien entendu. L'intégralité
du budget de l'IT Center vient des contrats passés
avec les business. Mais dans chaque contrat, une partie
des sommes versées sont ponctionnés pour
les frais de structure - qui servent notamment
à assurer la cohérence du SI. Pour y parvenir,
nous faisons en sorte que les mêmes solutions
soient déployées partout. Soit en forçant
le recours à un éditeur de référence
pour chaque nouvelle solution installée, soit
en remplaçant les matériels existants
par un produit unique, partout dans le monde.
La
catalogue vous aide-t-il a rationaliser le SI ?
Tout à fait. Nous avons fait en
sorte de ne sélectionner pour le catalogue qu'un
seul partenaire par produit - ou par service. C'est
une bonne façon de rationaliser le SI, mais aussi
une grande source d'économies : je suis
convaincu que la standardisation du parc informatique -
par la biais du catalogue - va nous faire économiser
beaucoup d'argent. Alstom ne devra développer
qu'une seule compétence par problématique.
Le groupe pourra également mutualiser ses commandes.
Revenons
aux Business Units. En devenant client, n'ont-elles
pas perdu le rapport privilégié qu'elles
entretenaient avec l'informatique ? Désormais,
qui leur suggère des idées de réforme ?
Qui leur fournit des conseils impartiaux ?
Les business perdent les conseils de
leurs petites équipes d'informaticiens locales,
mais elles gagnent au passage un contrôle total
sur leurs dépenses, et l'expertise nettement
plus pointue de l'IT Center. Deuxième point :
pour remplacer les conseils de l'informatique locale,
que vous disiez impartiaux, elles se sont tout simplement
dotées d'un responsable des achats informatiques.
Sur
le terrain, comment les informaticiens vivent-ils la
dépossession de leur pouvoir, transformé
en relation de clientèle ?
C'est l'un des problèmes que je
devais régler. Mais les choses sont rentrées
dans l'ordre : nous leurs avons expliqué
qu'ils faisaient désormais partie d'un grand
ensemble de 1 300 personnes dans lequel ils pouvaient
évoluer, et non plus d'une petite structure de
quelques dizaines d'informaticiens. Cela s'inscrit dans
une stratégie globale - et qui m'est chère -
de développement de pôles de compétence.
Nous allons faire en sorte que chaque pôle se
spécialise dans un domaine, et donc que chaque
employé de l'informatique développe des
compétences plus spécialisées.
Comment
les "baronnies" locales ont elles perçu
la réforme ?
Du côté des managers, on
a tout de suite perçu l'intérêt
de cette réforme. Dans les services informatiques,
il a fallu beaucoup voyager et expliquer le projet à
tous les dirigeants : il est toujours un peu délicat
de bouleverser les habitudes. Mais globalement, l'opération
a été vécue certes comme une révolution,
mais comme une bonne révolution.
Le
projet était risqué sur le plan personnel ?
C'était extrêmement risqué.
Je ne me serai jamais lancé dans cette aventure
sans avoir le soutien de la direction : ç'aurait
été courir droit à l'échec.
Un tel projet passe nécessairement par quelques
épisodes difficiles. Il faut impérativement
que la DG soit convaincue de l'issue heureuse du projet,
sans quoi des tirs de barrage feront immanquablement
échouer l'opération.
Deux
ans après le coup d'envoi, c'est un succès ?
Les chiffres parlent d'eux-mêmes :
les coûts ont baissé. Et la DG apprécie
la nouvelle clarté des comptes de l'informatique
d'Alstom.
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La
transformation de la DSI en prestataire de services,
c'est une tendance de fond ?
J'en suis persuadé. Chez Alstom,
c'était la seule façon de réduire
les coûts, de mieux servir les business et d'augmenter
la satisfaction client. Je pense que les enteprises
seront de plus en plus nombreuses à aller dans
ce sens. Les DSI vont devoir montrer leur capacité
à gérer les IT comme un business.
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Externalisation complète ? |
Alstom pourrait aller
jusqu'à passer la main à un prestataire
informatique externe. Dans un communiqué
de presse daté du 20 Novembre, Alstom présente
EDS comme le repreneur privilégié
du système d'information du groupe -
hors informatique embarquée. D'après
les échos, ce contrat pourrait se monter
à 5 milliards d'euros sur 10 ans. Sur la
short list, EDS était en concurrence avec
IBM et Atos Origin.
Deux pistes pour expliquer cette stratégie :
en créant l'IT Center, Alstom a levé
les obstacles qui jonchaient le chemin de l'externalisation
globale de son infrastructure informatique. Qui
plus est, en séparant le SI du reste de
l'entreprise, Alstom a créé un pôle
indépendant, qui a une valeur propre et
peut être revendu. Rendez-vous dans quelques
mois pour plus de détails.
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