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 Interviews
Alain Deschenes
DSI
Alcatel

 
"Pour harmoniser les processus métier, il faut d'abord harmoniser l'informatique"
          
 

Seizième entreprise française par la taille, Alcatel mise sur l'innovation technologique et de marché. Mais malgré la bonne tenue de l'activité mobile - et le succès spectaculaire de l'activité ADSL - le groupe a perdu près de 5 milliards d'euros en 2002. Résultat : la masse salariale va passer de 120 000 salariés fin 2000 à 60 000 salariés fin 2003, suivant la courbe de l'activité du secteur des télecoms.
Dans ce contexte, le cap est mis sur la réduction des coûts, la centralisation du SI et la dévotion de l'informatique aux "business units". Une bataille confiée à Alain Deschenes, qui a pris en 2000 la direction des systèmes d'information.

Propos recueillis par Nicolas Six le 06 février 2003 .

Sur le Web

JDNet Solutions. Comment réduire les coûts d'un SI en période de crise ?
Alain Deschenes. C'est assez simple : il faut faire la chasse aux coûts non prioritaires. Nous avons par exemple accéléré l'abandon des vieux systèmes - le "legacy". En parallèle, nous avons ajusté la qualité de service de façon ciblée : nous avons discuté avec nos clients [NDLR : les employés d'Alcatel] pour faire les bons choix au cas par cas. Dans un deuxième temps, nous avons misé sur bon nombre de systèmes centralisés et sur des processus communs.

La centralisation est donc vertueuse 
?
Elle est vertueuse dans la mesure où elle permet dans certains cas de réaliser des économies d'échelle. Elle est recommandable dans le sens où elle facilite la création de pôles de compétences, qui permettent aux experts de se spécialiser, et qui produisent un climat d'émulation intellectuelle sans pareil. Mais la centralisation n'a pas que des vertus. Nous avons recouru à ce principe mais aussi déconcentré quelques activités qui ne fonctionnaient pas de façon optimale depuis qu'on les avait centralisées.

Quels ont été les "effets pervers" dans ce domaine ?
Lorsque l'on réduit le nombre d'hommes du terrain, on perd nécessairement un peu le contact avec l'utilisateur final. Nous avons fait en sorte de limiter au maximum cet effet pervers en conservant des centres de support dans chaque région : nous n'avons centralisé que les compétences fortes, de développement surtout.

Ici comme ailleurs, il faut éviter de partir avec un a priori : on entend beaucoup parler de centralisation ces derniers temps, puisque la tendance est aux économies. Mais en période d'euphorie et d'investissement, la tentation est souvent contraire : les entreprises préfèrent laisser une grande liberté d'action au terrain. C'est une affaire de balancier : une période de centralisation, puis une période de décentralisation, et ainsi de suite.

Voilà pourquoi je ne peux pas arbitrer entre centralisation et décentralisation : il faut toujours avoir à disposition un carquois de solutions et choisir la bonne flèche pour un besoin donné. La structure de l'informatique se doit d'épouser la forme du groupe. Pour tout vous dire, nous avons décidé de centraliser beaucoup de choses, mais sûrement pas tout : ce serait sous-optimal.

Vous avez des chiffres précis pour nous montrer combien les choses ont évolué ?
Il y a cinq ans, la fonction de DSI Corporate se limitait à des aspects de coordination et le budget du centre par rapport aux périphéries était proche de 0 %. Aujourd'hui, 23 % du budget informatique est consommé par la direction informatique centrale. Au passage, les comptes ont été consolidés : la direction générale dispose dorénavant d'une vue d'ensemble sur ses dépenses informatiques.

Un exemple concret de centralisation ?
Le projet Polaris : nous avons consolidé l'ensemble de nos plates-formes sur le Net et partageons maintenant trois ressources centralisées : une plate-forme de gestion documentaire, un espace de travail collaboratif, et une série de liens B2B entre nos systèmes de gestion et ceux de nos clients, partenaires et fournisseurs.

Auparavant, il existait beaucoup de projets disséminés aux quatre coins d'Alcatel, souvent excellents mais avec peu ou pas de partage et de réutilisation. Nous avons lancé ce projet global au niveau du groupe, identifié deux grands pôles de compétences qui ont été investis du rôle de centre de compétence. Ils ont défini un modèle technique et une stratégie de déploiement. Aujourd'hui, toutes les divisions d'Alcatel disposent de cet outil adapté à leurs usages et performant, un outil qu'ils n'auraient pour la plupart pas pu développer eux-mêmes, faute de moyens. Ce projet n'aurait pas existé si l'informatique n'avait pas été centralisée.

Réductions de coûts, centralisation... Votre embauche en 2000 marquait une volonté "politique" de la part de la DG ?
Sans aucun doute : Serge Tchuruk [NDLR: le PDG d'Alcatel] a été très clair à ce sujet: augmenter la cohésion du SI du groupe, puis regrouper toutes les ressources informatiques sous une DSI unifiée. Quelques mois plus tard, Serge Tchuruk lançait un plan d'harmonisation des processus métier, visant à homogénéiser la façon dont les employés travaillent dans chaque unité. Ce n'est pas un hasard :pour harmoniser les processus métier, il faut d'abord harmoniser l'informatique ... Aujourd'hui, je travaille évidemment avec les équipes chargées de la définition des "business process" du groupe pour faire converger informatique et processus métier.

Qu'est-ce que c'est, concrètement, que la convergence des processus métier et de l'informatique ?
En pratique les projets de transformation sont gérés par un représentant senior du domaine d'affaires concerné qui s'appuie sur un responsable de solution informatique comme numéro deux, chargé de la conception de la solution et de faire appel aux différents centres de compétence pour sa réalisation.

Une équipe centrale de Business Process valide les choix et meilleures pratiques, assure la cohérence d'ensemble et cordonne l'activité des différents projets. Cette équipe est sous la direction d'un vice-président qui est un peu mon frère siamois : nous travaillons ensemble au quotidien à gérer l'ensemble du programme de transformation et accompagner les changements organisationnels. En tant que DSI d'Alcatel, je place ce défi encore au-delà de l'optimisation des ressources informatiques: les économies sont supérieures en travaillant à l'amélioration des processus métier qu'en optimisant ses dépenses informatiques.

Quels sont vos rapports avec les utilisateurs finaux ?
Nous sommes une sorte de "PME" à l'intérieur d'Alcatel. Pour chaque projet, nous nous engageons sur des plans et devis auprès de nos utilisateurs, mais nous n'allons pas jusqu'à signer des contrats classiques : les unités métier ne nous payent pas pour les services rendus, comme on peut le faire dans d'autres entreprises. Nous mettons toutefois à la disposition de nos clients un véritable catalogue de services.

La centralisation a-t-elle dégradé la communication ?
Le contact avec l'utilisateur final s'est un peu distendu. Il est toujours plus facile de demander à Bob, que l'on connaît depuis des années, de passer nous voir, que de téléphoner à Dimitri. Mais nous avons fait en sorte de conserver un support technique partout sur le terrain. Pour tout dire, je pense qu'il y a un changement culturel à opérer.

Le SI d'une grosse firme comme Alcatel, c'est une tour de Babel ?
Historiquement, nous disposions d'une collection d'architectures techniques et applicatives ayant chacune leur logique propre. Mais nous sommes maintenant tournés vers des solutions et services multi-technologies, déployés globalement.
Nous gérons la chaîne logistique sur une architecture SAP, avec des fonctions de planification avancées sur I2, et la relation client sous Siebel, le tout relié par une infrastructure EAI WebMethods et sur la base de référentiels clients, produits, fournisseurs et composants centraux.

A l'époque où nous avons fait ces choix, ces produits étaient un excellent compromis entre performances et universalité - entre l'approche "best of breed" et le "tout-en-un". Côté infrastructure, nous commençons de migrer lentement d'Unix vers Linux.

Alcatel, c'est combien de postes clients en tout ?
Le parc se réduit de jour en jour, suivant en cela la courbe des effectifs d'Alcatel. Aujourd'hui, il y a environ 72 000 PC et 13 000 Wokstations, et notre objectif est de ramener ce chiffre à 55 000 PC et 8 500 Workstations. Nous n'achetons donc presque plus de PC : nous redistribuons les postes en fonction des besoins.

Mais cette politique n'a qu'un temps : nous allons bientôt reprendre les investissements en vue de rajeunir le parc. Toutes les options sont ouvertes : nous n'avons par exemple pas exclu la possibilité d'opter pour des clients légers dédiés aux applications les plus basiques. Cette option est d'autant plus intéressante que nous sommes en train de "webiser" bon nombre d'applications. Quelques experts d'Alcatel travaillent en ce moment sur ce dossier.

Vos 30 premiers clients représentent 50 % de votre CA. Votre SCM est-il relié au leur ?
C'est l'un de nos principaux objectifs. Nous avons à cette heure huit grandes connexions avec les SCM de nos principaux clients, très avancées sur le plan technologique. Nous utilisons les fonctions d'advanced planning [NDLR: de prévision des stocks et de la production]
avec tout le recul qui s'impose.

Certaines de nos activités sont assez prévisibles, d'autres le sont moins : il faut savoir lire les statistiques en tenant compte de ce paramètre. Nous utilisons surtout l'advanced planning comme un outil d'aide à la décision. Quand on sait les utiliser de façon critique, le ROI de ces outils est excellent. Je n'ai qu'un regret : qu'il soit encore trop souvent nécessaire de développer un connecteur spécifique pour relier un SCM à un autre. Nous travaillons actuellement à une standardisation des connexions, mais les outils techniques doivent encore faire des progrès. On est encore loin de l'idéal de la "napsterisation" des échanges B2B.

Comment gérez-vous vos équipes ?
Le secret de la réussite, c'est de savoir s'entourer : de mettre la bonne personne au bon endroit. Si les hommes sont bons et les choix technologies perfectibles, tout peut s'arranger. Par contre, si la stratégie et la technologie sont optimales et que l'équipe est inadaptée, on court à la catastrophe. Nous apprécions beaucoup les personnes qui ont une double casquette, à la fois technique et métier : ils ont une vision beaucoup plus mature des problèmes que l'on peut rencontrer. Lorsque l'on a réussi à réunir les bonnes expertises, il ne faut plus hésiter à déléguer : il faut réunir et écouter ses experts.

Pour ou contre l'externalisation ?
Tout dépend du contexte et de l'activité que l'on souhaite externaliser. Personnellement, je ne crois pas du tout à l'outsourcing "big bang" de l'ensemble des services : c'est selon moi un aveu d'un manque de maîtrise de la ressource informatique dans une organisation. Face à des situations critiques, les directions générales écoutent parfois le chant des sirènes et se tournent vers les "grands" de l'industrie seuls jugés capables d'en prendre la mesure. C'est un très mauvais principe : on n'externalise pas un problème.

Sur le Web

A qui faites-vous confiance pour vous informer ?
Aux acteurs ! Il n'y a pas meilleure source d'information que les acteurs, les personnes qui se sont réellement frottées à un problème. Je rencontre assez régulièrement le CIO de Dell et celui-ci a eu, à une certaine époque, de très utiles et intéressants commentaires sur certains des systèmes pour lesquels son entreprise est souvent citée en exemple et qui ont influencé nos propres choix.. Je valorise énormément l'expérience pratique des hommes de terrain.

 

Alain Deschenes est canadien : il a effectué ses études d'informatique à l'Université de Montréal dans les années 80, avant de s'orienter vers l'informatique de gestion. Après un passage à la Caisse des Dépôts et Placements du Quebec - où il assiste à la révolution de la micro-informatique -, Alain Deschenes entre chez DMR, un cabinet de conseil racheté depuis lors par Fujitsu. En 1993, il aide Paribas à centraliser son SI, et quitte DMR pour devenir responsable de l'architecture globale de la banque. Lorsque BNP fusionne avec Paribas, il devient DSI adjoint du groupe. Six ans après son installation en France, il est nommé au poste de DSI d'Alcatel.

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