INTERVIEW 
 
Directeur de recherche
INRIA
Paul Mühlethaler
Les réseaux sans fil ont une obligation de moyen, pas de résultat
Expert en réseaux sans fil, Paul Mühlethaler nous détaille ici sa vision quant aux normes et technologies actuelles et futures. Quel niveau de sécurité peut-on attendre de ces réseaux, quelles perspectives se présentent, pour quelle qualité de service, quelles performances et quels prix ?

05 septembre 2003
 
          
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JDNet Solutions. Quel est aujourd'hui l'état de la sécurité sur les réseaux sans fil ?
Paul Mühlethaler. La norme initiale 802.11, qui date de 1997 et qui est toujours valide comporte de nombreuses erreurs, notamment dans le protocole de sécurité WEP. Les normes 802.11a et 802.11b, qui proposent des débits supérieurs et qui sont arrivées deux ans plus tard, utilisent également ce protocole de sécurité.

Le système d'intégrité des données n'est pas bon. J'ai travaillé de 1995 à 1998 sur la norme radio HyperLAN et nous avions vu que les systèmes linéaires ne fonctionnaient pas bien car, par des dérivations, on peut "forger" de fausses trames. Par ailleurs, la façon de mélanger la clé de chiffrement avec le vecteur d'initialisation (ce nombre entier qui va caractériser le chiffrement) n'est pas optimale car trop simple, des informations sur la clé définitive peuvent être récupérées facilement. Ce vecteur n'est en outre pas assez long, on peut, en cas d'écoute prolongée, retomber sur le même... Enfin, le système RC4 qui chiffre la trame a quelques faiblesses. Pour certaines clés de chiffrement, dès lors que vous possédez certaines informations partielles, vous pouvez trouver toute la clé et lancer des attaques.

Quelles sont les réponses, les alternatives à ces lacunes ?
Plusieurs voies ont été empruntées par les acteurs de ce secteur. Certaines sociétés, des start-up notamment, comme la société Blue Socket, ont dit : puisque 802.11 n'est pas bon en sécurité, utilisons des techniques de sécurisation classiques, comme les VPN par exemple, ces réseaux privés virtuels qui garantissent une porte d'accès sécurisée.

D'autres entreprises se sont engagées dans la voie de l'amélioration de 802.11. Ce sont des entreprises qui possédaient toute la technologie, comme Lucent/Agire, Intersil, Aironet (qui a été rachetée par Cisco). Ces acteurs ont pu résoudre les problèmes de jeunesse de la norme en patchant à différents niveaux. Ils évitent de créer des clés faibles, en n'utilisant pas les vecteurs d'initialisation qui pourraient y conduire. L'inconvénient, c'est qu'ils ont créé des produits propriétaires, certes plus sûrs mais qui doivent fonctionner dans un milieu homogène (avec du matériel de la même marque) pour garantir un niveau de sécurité maximal.

Une autre approche, que l'on peut qualifier de "normative", repose sur le système TKIP (Temporal Key Integrity Protocol). Elle est proposée dans le 802.11i et devrait aboutir à des solutions normées, interopérables, où seul le firmware, c'est-à-dire le programme informatique embarqué dans les périphériques ou les cartes, devrait être changé. Le groupe de travail 802.11i, dans sa version ultime, propose également de remplacer le système de chiffrement RC4 par AES. Il propose également d'importantes améliorations pour la gestion des clés : hiérarchie de clés, clés uniques par session, clés pour le trafic en diffusion...

Il faut selon moi, quand on est une entreprise, adopter une approche objective en se demandant quelle est la valeur réelle des informations transmises et s'il existe une véritable nécessité de les protéger au maximum...

Que pensez-vous des performances de ces réseaux ?
Les performances sont connues. Pour les réseaux 802.11b, elles sont comparables à ce qu'on pouvait attendre, ce qui n'est pas le cas des produits en 802.11a et g, où les débits réels, environ 15 Mbits, sont plus faibles que les débits théoriques attendus.

Et en termes de qualité de service ?
Contrairement aux réseaux téléphoniques, les réseaux dont nous venons de parler sont des systèmes "de meilleur effort", un peu comme dans le domaine juridique, ils ont obligation de moyen et non de résultat. Avec l'approche 802.11, on exploite mieux le réseau, ce qui n'est pas le cas pour un réseau cellulaire - où l'on peut estimer que seule la moitié de la capacité est utilisée -, mais il n'y a pas d'assurance de service.

Avec 802.11e, les premières tentatives voient le jour pour utiliser des nœuds maîtres qui vont gérer la bande passante, une approche adoptée par les réseaux cellulaires. Ces balises vont, en fonction des utilisateurs abonnés, leur fournir une bande passante prédéterminée, ce qui est une approche novatrice. Il existe également une possibilité de différencier des services en utilisant des priorités d'accès. Cette approche pourrait permettre de faire coexister des applications de voix et de données.

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Dans le "match" UMTS versus Wi-Fi, comment vous positionnez-vous ?
Je pense que les deux technologies sont complémentaires. Mais j'ai encore un peu de mal à percevoir quelles applications ont réellement besoin des débits proposés par l'UMTS (jusqu'à 200 Kbit/s). Je pense que des applications gourmandes en bande passante ne sont pas forcément gourmandes en mobilité... En revanche, les approches de type Hot Spot Wi-Fi me semblent plus pertinentes, d'autant que le coût des matériels professionnels est très abordable (1500 euros en moyenne pour une borne).

 
Propos recueillis par Fabrice Deblock

PARCOURS
 
 
Polytechnicien, Paul Mühlethaler est aujourd'hui directeur de recherche à l'INRIA. Il fait partie des spécialistes européens des réseaux sans fil et participe activement à l'élaboration des normes dans ce domaine, dans le cadre notamment de l'ETSI, de l'IEEE et de l'IETF, où il travaille actuellement à la conception de protocoles de routage pour les réseaux sans fil au sein du groupe MANET. Il est à l'origine de plusieurs brevets industriels et est l'auteur de nombreux articles sur le sujet. Il est par ailleurs l'auteur d'un ouvrage français de référence sur le 802.11 : "802.11 et les réseaux sans fil", paru chez Eyrolles. Consultant et expert auprès de grandes entreprises, il a participé à de nombreux projets de recherche et développement associant constructeurs et opérateurs télécoms européens.


   
 

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