TRIBUNE 
PAR FLEUR THESMAR
Fleur Thesmar
Directrice Régulation-hauts débits
Tele2 France
Prix du dégroupage : un point pour France Télécom
L'Autorité de régulation des télécoms a choisi une méthode de valorisation de la boucle locale qui fixe le prix du dégroupage à 9,5 euros. Un tarif nuisible au développement de la concurrence, déplore Fleur Thesmar, directrice régulation chez Tele2.  (16/12/2005)
 
 
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Aujourd'hui, beaucoup de gens bien informés pensent que la libéralisation des télécommunications en France est achevée : les progrès du dégroupage ont permis que le prix de l'ADSL soit divisé par trois en deux ans, comme la concurrence l'avait fait pour le téléphone fixe. La croissance du nombre de foyers connectés à l'ADSL place la France parmi les pays les mieux connectés en haut débit. Que resterait-il donc à faire ? Rien ?

Ce serait méconnaître la réalité. Un quart seulement des Français est desservi par le dégroupage. Les trois-quarts restant n'ont d'autre choix que l'abonnement téléphonique de France Télécom, ou l'ADSL de France Télécom pour les plus fortunés !

Augmentation du prix de l'abonnement téléphonique ...
L'enjeu majeur pour l'opérateur dominant France Télécom est donc évidemment de sécuriser ses revenus liés à la ligne de téléphone. Depuis 1999, le revenu moyen par Français est stable autour de 29 euros HT (abonnement et communications, hors appels fixes vers mobiles), malgré la baisse importante du prix des communications : c'est donc que France Télécom augmente l'abonnement littéralement pour compenser ses pertes liées à la concurrence. En 2005, l'Arcep a autorisé France Télécom à augmenter son abonnement de un euro par an pendant trois ans, ce qui lui rapportera un milliard d'euros supplémentaire par an.

... mais baisse du prix du dégroupage
En contrepartie, France Télécom s'est engagé à faire baisser le prix du dégroupage et à proposer une offre de revente en gros de l'abonnement téléphonique, pour que ses concurrents puissent vendre de l'abonnement aux Français.

Les concurrents eux, ont donc investi massivement dans le dégroupage. Tele2 a par exemple co-investi avec le groupe Neuf Cegetel à hauteur de 63 Millions d'Euros dans le réseau. Mais les moyens des opérateurs alternatifs sont sans commune mesure avec la puissance de feu de France Télécom, même s'ils représentent, pris ensemble, plusieurs centaines de millions d'euros. Leurs réseaux restent limités aux 600 plus gros répartiteurs (sur 12.000 en France).

L'Arcep a choisi de fixer le prix du dégroupage à 9,5 euros...
Dans ce contexte, l'Arcep vient de publier la méthode économique qui permet d'estimer le coût d'une ligne de téléphone. Quel que soit l'intérêt technique de la méthode, et sa solidité juridique, elle dépend néanmoins d'un choix de variables fixés par l'Autorité : le taux de progrès économique en matière de génie civil, par exemple, ou le niveau des coûts financiers. Et de manière intéressante, le résultat final est déjà connu de tout le monde avant qu'il ne soit estimé par France Télécom. Opérateurs, analystes financiers, ou actionnaires, les paris varient entre 9 et 9,5 euros par mois (prix actuel), alors que les études indépendantes aboutissent plutôt à une fourchette de 7 à 7,5 euros par mois.

De notre point de vue, ces 9 euros par mois sont surtout le prix minimal que France Télécom, champion national et acteur politique d'envergure (emplois, sécurité des réseaux, présence locale etc.), veut bien accepter qu'on lui impose !

On le voit, il n'est plus question pour France Télécom que la concurrence vienne l'inciter à une amélioration de son efficacité par une baisse des prix. Le régulateur lui-même se satisfait des concurrents dont la simple présence est censée empêcher que France Télécom n'augmente trop les siens.

... un tarif qui favorise France Télécom au détriment de la concurrence
Seul problème, et de taille : à ce prix-là, les opérateurs sont dans l'incapacité de vendre l'abonnement téléphonique à un prix compétitif. On peut même légitimement se poser la question de savoir comment France Télécom parvient à le faire avec des profits, avec un coût de la ligne téléphonique aussi élevé. Quant à la revente de l'abonnement, promise par France Télécom en échange de l'accord de l'Arcep sur la hausse de l'abonnement, elle ne permet pas davantage de concurrencer France Télécom sur l'abonnement, puisque l'écart est de 6  % entre prix de gros et prix de détail alors que les coûts évités pour France Télécom s'élèvent à plus de 25  % (selon notre expérience dans des pays plus avancés).

Les opérateurs alternatifs indépendants, comme Tele2, sont donc cloîtrés dans une sorte de réserve de dégroupeurs sauvages, au-delà de laquelle ils auront des difficultés à s'étendre. Quant au client final, sa facture augmente sur les services qui ne sont pas en concurrence, surtout lorsqu'il a une consommation modeste.

C'est un choix réglementaire qui a été fait : favoriser l'ADSL. Tele2, qui a maintenant 34 millions de clients dans 30 pays en Europe, Internet, téléphonie fixe et mobile, a toujours milité pour que la concurrence s'exerce au bénéfice de tous : pour de meilleurs prix et sur tous les services, favoritisme particulier envers tel ou tel modèle financier. Aujourd'hui, seule la revente de l'abonnement à un juste prix, le dégroupage et la collecte DSL à leur vrai coût, la surveillance des effets de ciseau et des subventions croisées anti-concurrentielles au sein du groupe France Télécom, permettraient d'inverser la tendance, durablement. On en est encore assez loin.

 
 

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