TRIBUNE 
PAR BENJAMIN JOFFE
"Bienvenue dans la Chine 2.0"
Benjamin Joffe, consultant Internet et mobile en Asie, installé en Chine et fondateur de la société Plus8Star, livre régulièrement aux lecteurs du JDN ses analyses sur les dernières tendances IT asiatiques. Aujourd'hui, le Web 2.0 à la chinoise.  (09/03/2006)
 
Fondateur de Plus8Star, consultant Internet et mobile en Asie
 
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Avec 110 millions d'internautes dont 35 millions en haut débit - soit trois fois la France -, et 400 millions d'utilisateurs de mobiles, la Chine est aujourd'hui sensiblement différente de l'image que l'on se fait habituellement de l'usine du monde. Surfant sur un réseau souvent présenté comme hyper-contrôlé par le Gouvernement, on peut se demander quels sont les services-phares utilisés par la deuxième plus grande population d'internautes au monde.

A l'assaut du Nasdaq ?
La séquence BIDU-CTRP-HRAY-JOBS-KONG-LONG-LTON-NCTY-NTES-SINA-SNDA-SOHU-TOMO vous est familière ? Cet étrange ADN combine les symboles des fournisseurs de service mobile ou Internet chinois cotés au Nasdaq. Dans le groupe : un moteur de recherche, un service de messagerie instantanée, deux voyagistes, un site d'offres d'emplois, deux opérateurs de jeux en ligne, trois portails et quatre fournisseurs de contenu mobile, tous plus populaires en Chine que les versions chinoises de Google, Yahoo, MSN, etc. Si les acteurs du mobile et du Web 1.0 chinois sont déjà solidement positionnés et offrent aux internautes et mobinautes un service comparable à ce qui se trouve en occident, la relève arrive, inspirée par les meilleures pratiques d'occident comme d'orient.

Importer les meilleures pratiques
Au-delà des services classiques dont les leaders sont déjà en Bourse ou en passe de l'être (parmi ceux-ci, l'Amazon chinois Dangdang devrait faire son entrée au Nasdaq cette année), l'Internet chinois compte également nombre de services spécialisés : on y trouve un populaire "Copains d'avant" local (Chinaren), un "Skyblog" (le leader, Bokee - blog, en mandarin - annonce 10 millions de blogs), plusieurs "Viaduc" (Yeeyoo, UUZone, Chinacircle)… Même les services n'ayant pas encore trouvé de business model comme le "social bookmarking" (del.icio.us aux Etats-Unis) et le podcasting ont plusieurs équivalents chinois. Ceux-ci accumulent des millions d'utilisateurs en attendant qu'une idée permettant de monétiser contenu et audience voie le jour.

La proximité de la Chine avec le Japon et la Corée a également été source d'inspiration. De Corée - leader mondial du haut débit avec 70 % de pénétration dans les foyers - est venu le jeu en ligne, sous licence tout d'abord, puis suivi de produits développés directement par des studios chinois. Selon une étude récente, la Chine compterait aujourd'hui 25 millions de joueurs, et certains en ont même fait un métier en revendant sur des sites d'enchères ou de vente C2C les objets amassés dans les jeux d'aventure en ligne. Ce nouveau loisir est devenu si populaire que le gouvernement, toujours inspiré par l'exemple coréen, a dû mettre en place des règlements pour éviter l'addiction des mineurs (comme des systèmes de "fatigue" faisant décroître les capacités des personnages dans le jeu lui-même), instaurer une distance minimale de 200 mètres avec les écoles et universités et des couvre-feux numériques pour les mineurs dans les cafés Internet.

Un autre modèle importé est le lucratif business model de la personnalisation payante d'avatars, popularisé très tôt en Corée par Cyworld et repris en Chine par QQ et plusieurs autres réseaux sociaux. Côté Japon, où malgré la forte présence de haut débit fixe, le mobile tient encore le haut du pavé, la galerie marchande en ligne japonaise Rakuten a été présentée sans détours comme un modèle par Peggy Yu, la co-fondatrice de Dangdang, lors de la conférence annuelle sur l'Internet chinois organisée par la société de conseil en investissement Piper Jaffray début mars, et qui réunissait sociétés du Web et du mobile chinois, ainsi qu'une large audience d'investisseurs.

Ainsi, dans un marché où les ténors du Web mondial ont encore du mal à s'imposer et font même parfois l'objet de campagnes de dénigrement (Baidu a ainsi créé un spot "viral" sur Internet moquant le manque de compréhension de la Chine par Google), le champ est libre pour les nombreux "returnees" chinois éduqués aux États-Unis pour reproduire les succès d'outre-muraille.

Made in China
L'exemple le plus illustratif de la situation particulière de cette Chine qui découvre en même temps le mobile, l'Internet et l'économie de marché "avec des caractéristiques chinoises", est la réussite du modèle de musique numérique. Le taux de contrefaçon de CD atteignant allègrement les 95 %, et les MP3 étant accessibles sans effort par Baidu (le Google local), CD et MP3 sont souvent vus comme des "outils promotionnels". En 2004, le marché de la musique en ligne a dépassé celui du CD : principalement consommée sur mobile (à travers les sonneries et ring-back tones), son marché représentait plus de 760 millions de dollars contre 240 millions pour la musique "offline".

Il aurait aussi été surprenant que les mobinautes et internautes chinois (dont plus de 60 % ont moins de 25 ans) n'aient pas eu d'idées originales tirant parti de la situation particulière de leur pays. L'apparition de moyens de communication et d'expression a ainsi donné naissance à des services originaux "made in China". Parmi ceux-ci on peut citer le service proposé par la société Wangyou Media, qui extrait des weblogs multimédia de ses utilisateurs de quoi alimenter un programme radio quotidien de 30 minutes, diffusé par des dizaines de radio régionales partenaires. Un programme TV s'appuyant sur les contributions vidéo ou Flash des blogueurs serait également en préparation et les revenus de la société dépasseraient déjà les 100.000 dollars par mois. S'appuyant sur la difficulté croissante en Chine à trouver une moitié, un autre service appelé "Baihe" ou "100 ans ensemble", propose d'aider les candidats au mariage. Ce site, leader du marché des "rencontres sérieuses", aurait déjà 4 millions d'inscrits depuis sa création en 2004.

Bientôt en France ?
Avec le développement de l'accès à haut débit fixe et mobile, l'infrastructure en France est maintenant prête à accueillir ou à adapter les innovations de services du monde entier. Après les vêtements, l'électroménager et les chaussures, ira-t-on importer l'Internet chinois ?
 
 

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