TRIBUNE 
PAR FRANKLIN BROUSSE
Web 2.0 : une nouvelle donne juridique
En plaçant l'Internaute au cœur du Net, le Web 2.0 entraîne l'évolution des responsabilités juridiques associées jusque là à l'exploitation des sites et des services Web. Connaître ses droits et ses devoirs devient urgent   (18/05/2006)
 
Avocat au cabinet Bird & Bird
 
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Cabinet Bird & Bird
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Le Web 2.0, terme créé par Dale Dougherty de la société O'Reilly Media, définit l'émergence d'un nouveau Web résultant de récents changements technologiques et d'usages du Web, considérés par certains comme une forme de renaissance du Web original. En repositionnant l'Internaute au cœur du Web, le Web 2.0 entraîne l'évolution des business model, des risques et des responsabilités juridiques, associés jusque là à l'exploitation des sites et des services Web.

En utilisant les nouveaux services Web 2.0 permettant de créer, d'organiser et partager librement au sein d'une communauté, les contenus les plus diverses, qu'ils soient écrits, sonores, ou visuels, chaque Internaute endosse le statut d'auteur/contributeur et une nouvelle responsabilité liée à la fois à ses propres créations et à l'usage qu'il fait de celles des autres. Avec le Web 2.0, l'Internaute passe ainsi du statut de "simple visiteur/consommateur," à celui de véritable contributeur jusqu'à prendre, dans certains cas, la maîtrise du contenu d'un service Web avec toutes les dérives induites en termes de violation des droits de tiers, qu'ils s'agissent de droits d'auteurs, de droit des marques, d'atteinte à l'image, ou de diffamation.

Avec le Web 2.0, tout le monde devient responsable, y compris l'internaute
Ce qui n'était qu'un usage occasionnel ou réservé à certains Internautes (Pages Web personnels ou Blogs) est en train de se généraliser au travers de nouvelles formes de services (vidéoblog, flux RSS, service de stockage et de partage de contenus en ligne, création instantanée d'espace personnel ou de pages Web en ligne, etc.). Tout le monde devient ainsi responsable ou est susceptible d'avoir sa part de responsabilité dans le monde du Web 2.0, ce qui n'est pas sans poser des contraintes et risques juridiques supplémentaires ou nouveaux, à la fois pour les Internautes, les titulaires de droits et les éditeurs des services Web 2.0.

Au plan juridique, ses nouveaux services peuvent s'apparenter le plus souvent aux Forums de discussion, aux Blogs et aux Pages personnelles, mais présentent toutefois des risques beaucoup plus important du fait de la diversité et de l'origine des contenus mis à disposition par chaque contributeur.

Le problème réside dans l'explosion du nombre de créateurs susceptibles de porter plainte
En l'espèce, la difficulté réside plus particulièrement dans l'augmentation quasi-exponentielle du nombre de créateurs occasionnels ou réguliers de contenus susceptibles de porter atteinte aux droits de tiers. Qu'il s'agisse de textes, d'images ou de vidéos, les contenus mis à disposition par les Internautes empruntent souvent, en tout ou partie, à des œuvres existantes sans que les contributeurs ne se soucient du recueil de l'autorisation préalable des titulaires des droits sur ces œuvres.

Les notions de communauté, de partage et de gratuité du monde du Web 2.0 favorisent, comme pour les réseaux "peer to peer", l'exploitation non autorisée d'œuvres protégées notamment au travers de la création d'œuvres nouvelles, dite "dérivées", reproduisant le texte, le son, l'image ou la vidéo d'un auteur, d'un artiste, d'un ayant droit, d'un producteur ou d'un distributeur.

Les marques aussi sont concernées
En outre, de nombreux services Web 2.0 reposant sur des tags (mots-clés), permettant une indexation personnalisée des contenus, le monde du Web 2.0 favorise également la reproduction de marques et de dénominations qui peuvent être associées à des contenus susceptibles de porter atteinte à l'image des marques et/ou à la notoriété de leur titulaire.

A l'instar des Blogs, la plupart des services Web 2.0 incitent à une plus grande liberté d'expression dont le support est désormais sonore et/ou visuel et donne une portée plus importante aux messages diffusés. On voit ainsi apparaître des formes particulières de dénigrement, de diffamation ou d'atteinte à l'image des personnes.

Les cas de mise en cause de la responsabilité des internautes est en augmentation
Se pose alors à nouveau, la problématique de la responsabilité éditoriale associée à chacun de ces nouveaux contenus sonores et visuels. Dans la plupart des situations, l'absence quasi-totale d'intervention des éditeurs de service Web 2.0 sur les contenus mis en ligne, font des Internautes/contributeurs les seuls responsables de ses contenus. Les cas de mise en cause de la responsabilité des Internautes sont d'ailleurs déjà en augmentation.

Dans ce contexte, le monde du Web 2.0 présente un double visage ; celui d'un monde de liberté et de services offerts aux Internautes, proche de l'esprit du Web original, favorisant la création et la libre (ré) exploitation de tous types de contenus disponibles ou non sur le web ; et celui d'un enfer juridique et économique pour les titulaires de droits et les entreprises dont les œuvres sont considérées de plus en plus comme libre de droits et dont l'image est "libre" d'être écornée.

Auteurs, fournisseurs de contenus et entreprises sont contraints de réagir sur les terrains du droit
Avec le Web 2.0, l'Internaute semble reprendre le pouvoir et sa liberté au détriment des fournisseurs de contenus habituels et aux acteurs traditionnels du Web, même si certains dénoncent déjà une "fausse liberté" face à laquelle les Internautes doivent rester vigilants.

Auteurs, fournisseurs de contenus et entreprises sont une nouvelle fois contraints de réagir sur les terrains du droit et de la communication pour protéger leurs droits et leur image.

A cet égard, certains ont déjà affiché leur volonté d'entrer à leur tour de plein pied dans le monde du Web 2.0. Il reste au Web 2.0 à démontrer que son émergence ne constitue pas un simple effet de mode, mais correspond à de nouveaux modèles économiques jusque là difficilement envisageables.

La valorisation d'un site ou plutôt d'un service Web 2.0 réside d'abord dans le niveau d'implication des utilisateurs, le nombre et la qualité de leurs contributions. Cette valeur doit être suffisamment démontrée pour espérer générer les revenus publicitaires et les partenariats qui garantiront la pérennité de "l'entreprise".

L'optimisme de certains analystes laisse entrevoir l'arrivée d'une nouvelle bulle Web 2.0. A ce jour, les nouveaux projets Web 2.0 donnent, de plus en plus souvent, lieu à des levées de fonds importantes et le succès des services déjà lancés suscite déjà l'intérêt d'investisseurs, sans parler des perspectives d'entrée en bourse pour les meilleurs services Web 2.0. Que l'on soit internautes, titulaires de droits ou entreprises, il est donc impossible aujourd'hui d'ignorer le phénomène Web 2.0 et les risques qu'il représente pour chacun de ses acteurs.
 
 

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