IA et refroidissement haute densité : vers une approche unifiée et systémique
L'émergence de l'intelligence artificielle et du calcul haute performance (HPC) transforme radicalement le paysage des data centers.
Ces technologies induisent des charges de travail d'une intensité sans précédent, posant de nouveaux défis en matière de refroidissement. Les densités de puissance atteignent désormais des niveaux qui rendent obsolètes les approches conventionnelles de refroidissement, conduisant le secteur à repenser en profondeur ses infrastructures critiques.
Selon McKinsey, les densités de puissance moyennes ont plus que doublé en seulement deux ans, passant de 8 kW à 17 kW par rack, et devraient atteindre 30 kW d'ici 2027 à mesure que les charges de travail liées à l'IA augmentent. Les modèles d’entraînement d’IA quant à eux peuvent consommer plus de 80 kW par rack, tandis que les récentes puces GPU de NVIDIA comme NVIDIA GB300 NVL72, peuvent nécessiter des densités de rack jusqu’à 142kW pour les déploiements d’usines IA. La densité de rack prévue pour NVIDIA Rubin Ultra devrait atteindre jusqu’à 600 kW par rack, avec des projections allant même au-delà de 1 000 kW pour les générations futures.
En France, l'IA devrait représenter entre 35% et 40% des besoins en capacité d'hébergement à l'horizon 2030, selon le 3ème baromètre France Datacenter/EY pour l’année 2025. Le marché connaît une accélération avec des projets de grande envergure dépassant désormais les 100 MW. Ce qui implique d’avoir d’importantes surfaces disponibles rapidement et de réduire les délais de construction.
Les approches traditionnelles ne suffisent plus
Les solutions traditionnelles, conçues pour des charges de travail anticipées et uniformes, ne parviennent plus à répondre efficacement aux exigences des applications d'IA et de HPC. Ces dernières se caractérisent par des pics de charge dynamiques et des concentrations de chaleur localisées qui exigent des méthodes de refroidissement plus sophistiquées.
La fragmentation des solutions de refroidissement, où chaque composant opère de manière relativement indépendante, montre aujourd'hui ses limites. Cette approche cloisonnée ne permet pas d'obtenir l'efficacité thermique requise pour ces nouvelles charges de travail ni d'assurer une gestion optimale de l'énergie.
La mise en œuvre de cette approche systémique nécessite une expertise technique approfondie à chaque étape du cycle de vie de l'infrastructure.
Penser le système de refroidissement dans son ensemble
Face à ces enjeux, une vision systémique du refroidissement apparaît aujourd’hui comme la réponse la plus pertinente. Cette approche repose sur l'intégration étroite de trois composantes essentielles :
- L'unité de distribution de liquide de refroidissement (CDU) : véritable centre névralgique du système, elle orchestre les échanges thermiques et optimise la distribution du refroidissement en fonction des besoins réels des équipements. Sa capacité d’ajustement dynamique aux variations de charge est cruciale pour maintenir des performances optimales.
- Le réseau de fluide secondaire (SFN) : cette infrastructure de distribution constitue le système circulatoire de la solution. Sa conception doit permettre une distribution précise et efficace du refroidissement jusqu'aux points les plus critiques, tout en maintenant une efficacité énergétique maximale.
- Une maintenance préventive avancée : l'approche innovante du refroidissement se base sur l'analyse en temps réel des conditions de fonctionnement et facilite l’anticipation des besoins de maintenance, permettant ainsi d'optimiser les performances du système à long terme.
Se préparer aux besoins futurs des data centers
L'évolution rapide des technologies d'IA et de HPC laisse présager des besoins en refroidissement toujours plus importants. Les opérateurs de data centers devront donc se préparer à cette montée en puissance tout en réduisant l’empreinte carbone.
Les enjeux dépassent aujourd'hui la simple question du refroidissement des équipements. Il s'agit de permettre la continuité des services numériques critiques tout en optimisant la performance énergétique des installations. Une approche globale et intégrée du système permet de contribuer à une infrastructure numérique plus responsable.
Outre l’intégration de technologies de refroidissement évolutives et l’approche proactive de la maintenance, la préparation au data center du futur passe aussi par l’adoption de solutions modulaires adaptées à une expansion progressive des besoins et par la mise en place de systèmes de monitoring sophistiqués.
Cette approche systémique a déjà fait ses preuves, comme l’illustre le récent projet du data center souverain de Domyn (auparavant iGenius) en Italie. La conception de ce projet, prévu pour être l'un des plus grands data centers d'IA souverains au monde, est un exemple d'intégration réussie des solutions de refroidissement haute densité. Ce projet démontre comment les futures installations peuvent gérer efficacement les charges de travail d'IA les plus exigeantes tout en maintenant une performance énergétique optimale.
Des projets similaires devraient se multiplier en Europe, notamment en France où le marché connaît une forte dynamique. Selon France Datacenter, le pays devrait d'ailleurs atteindre la 3e place en Europe en termes de puissance installée d'ici fin 2025.