Comment les bots vont envahir Messenger… et le reste d’Internet
Ces robots vont s'appuyer sur l'intelligence artificielle pour proposer des articles de presse ou des offres commerciales au sein de l'application de messagerie de Facebook.
C'est au tour de Facebook d'ouvrir sa porte aux bots. A peine quelques jours après Microsoft, Mark Zuckerberg a annoncé lors du F8, ce 12 avril, la mise en service d'une plateforme baptisée "Bots on Messenger" qui permettra aux développeurs de concevoir des chatbots, ces robots conversationnels qui s'appuient sur l'intelligence artificielle pour interagir avec les utilisateurs dans un espace tiers. En l'occurence l'application de messagerie instantanée Messenger en l'occurrence.
Une API pour les développeurs
Partie intégrante de la plateforme Messenger, ces bots permettent "de mettre en place à la fois des abonnements automatisés, par exemple la météo quotidienne, mais également des messages personnalisés comme des confirmations de commande ou notifications d'envoi d'un colis, directement envoyés aux personnes intéressées", explique Facebook dans un communiqué. Les développeurs, l'audience principale du F8, disposeront donc d'une interface de programmation (API) leur permettant de concevoir les chatbots pour Messenger et d'intégrer des widgets sur les sites web de leur entreprise.
Mark Zuckerberg a profité de son passage sur scène pour donner un petit aperçu des opportunités offertes par la technologie pour les médias. Etait ainsi présenté un projet élaboré par la chaîne d'information américaine, CNN, dont le chatbot lui permet d'envoyer à l'utilisateur abonné les principaux titres de l'actualité, de répondre à certaines de ses questions et d'identifier, au fil du temps, les sujets qui sont les plus à même de l'intéresser.
Et Mark Zuckerberg d'expliquer que ce mélange d'intelligence artificielle et de traitement du langage naturel devrait rapidement donner l'impression aux utilisateurs de parler à leurs amis via Messenger. Business Insider et le Wall Street Journal ont, quelques minutes après la présentation, annoncé le lancement de leur chatbot dans ce qui n'est qu'un énième visage de la plateformisation du contenu.
Car les chatbots ne se contenteront pas d'embarquer du texte. Leurs messages pourront inclure des images, des liens et des call-to-action. S'il n'est pour l'instant pas encore possible de payer via sa carte de crédit, ils permettront aux utilisateurs d'effectuer une réservation de restaurant, de commander un produit disponible en e-commerce ou nombre d'autres choses encore.
L'enjeu pour Facebook, qui se félicite de ce que Messenger réunit désormais plus de 900 millions d'utilisateurs, est bien évidemment de booster l'engagement de son audience. A l'image du "conversational commerce" porté par les WeChat et consorts, Facebook veut faire de son application de messagerie instantanée un carrefour incontournable pour les utilisateurs. Un espace où l'on discute avec ses amis mais pas que… On y consulte les dernières actualités, on y fait un peu de shopping et on commande à manger. En bref, toutes les petites choses de la vie quotidienne.
La fin de l'inbound marketing...
Pour les marques se dessine en filigrane la possibilité d'énormes économies d'échelle, en déléguant à ces bots nombre d'activités comme la prise de commande, la vente de produit ou le service après- vente. Sans pour autant perdre en interactivité et personnalisation du service. Du moins sur le papier.
L'arrivée des bots pourrait également signifier la fin de l'inbound marketing, cette stratégie marketing qui a le vent en poupe depuis quelques années, consistant à attirer l'internaute au sein de ses propres espaces, principalement grâce à du contenu, pour tâcher de lui vendre ensuite quelque chose. Et pour cause, l'internaute n'aura plus à naviguer entre les différentes applications de marque pour faire son choix. Il lui suffira d'attendre d'être contacté par ces fameux chatbots qui l'interrogeront sur ses exigences, ses facteurs de décisions et feront remonter les offres les plus pertinentes en conséquence.
Car Facebook n'est pas le seul à embrasser la tendance. Microsoft a annoncé l'arrivée des bots sur Skype il y a une semaine donc. Kik, Line, Telegram et Slack accueillent également une flopée de bots, depuis plus d'un an pour certains. Clients emails et SMS deviennent, eux aussi, un territoire d'expression pour les bots, comme l'a prouvé l'exemple de la start-up, Magic. L'engouement est tel que Botlist, un site Web qui recense tous les bots disponibles au sein des différents espaces, vient de voir le jour.
... et des applications ?
Et cette démocratisation pourrait inciter, de fait, beaucoup d'entreprises à remettre en question l'existence même de leurs applications. L'interface utilisateur se déportant au sein de plateformes comme Messenger, WeChat ou Slack, investiront-elles encore dans des applications qui ont aujourd'hui bien de la peine à se faire une place aux côtés des celles de messagerie instantanée et de gaming ?
Un mobinaute utilise rarement plus de quinze apps sur son smartphone. Difficile pour une appli de marque d'occuper une de ces places si elle ne justifie pas une utilisation récurrente. A l'image d'un Buzzfeed qui décide de produire du contenu spécifique à Instant Articles, Snapchat et Youtube et fait peu de cas de la faible audience directe de son propre site, certaines entreprises d'e-commerce et de service pourraient donc, elles aussi, jouer le jeu de la plateformisation en s'"APIsant" intégralement via les bots.
Pas étonnant dans ces conditions qu'un Satya Nadella, le PDG de Microsoft, parle des bots comme "les prochaines applications". Une prédiction qui pourrait toutefois être mise à mal par un obstacle de taille : l'utilisateur lui-même. Les plateformes devront sans doute limiter l'intrusion de ces bots dans des espaces jusque-là considérés comme privés au risque de faire fuir leur audience.