ICYMI : découvrez le "conversational commerce"

ICYMI : découvrez le "conversational commerce" Alors que les consommateurs chinois commandent massivement via le service de messagerie mobile WeChat, le phénomène du "commerce conversationnel" se développe en Amérique du Nord.

Une lame de fond pourrait bientôt déferler sur les applications mobiles de messagerie instantanée. Alors qu'aujourd'hui nous les utilisons uniquement pour envoyer de brefs messages entre amis, nous allons d'ici peu pouvoir aussi communiquer avec les marques et passer commande. Encore limitée en Occident, l'utilisation des messageries mobiles en tant que plateformes d'e-commerce est en effet totalement entrée dans les mœurs en Asie. En particulier au Japon, où Line est très employé pour effectuer des achats, mais surtout en Chine, où cet usage est également porté par deux attentes fortes : l'utilisation pléthorique des émojis, que les mobinautes chinois privilégient de plus en plus face aux milliers de caractères que comprend leur langue, mais également la possibilité de contourner la censure du mail.

Une solution low-tech aux problèmes de transformation sur mobile

Le contexte est bien sûr différent ici, mais il est frappant de constater que le mobile ne représente que 14,4% de l'e-commerce américain et 7,5% de l'e-commerce européen selon Statista, alors que 70% des consommateurs chinois achètent sur mobile selon Mastercard et que le Japonais Rakuten réalise 60% de son audience et de son volume d'affaires sur mobile. A l'Ouest, ce canal progresse en effet bien moins vite côté ventes que côté trafic : les e-commerçants peinent à trouver comment améliorer la navigation et la transformation sur ces petits écrans, l'expérience étant pour l'instant très calquée sur celle du desktop. Le commerce conversationnel offre manifestement une piste à explorer.

Le modèle à suivre : WeChat

C'est l'évidence, les smartphones ne sont pas faits pour farfouiller parmi de grandes quantités de photos et de descriptions de produits. En revanche, ils sont évidemment parfaits pour parler ou envoyer des messages textes. En témoigne l'excellent taux de rétention des applications de messagerie, qui caracolent à 62% d'utilisateurs s'y connectant encore un an après les avoir installées, contre 11% pour la moyenne des applications. Les quatre plus utilisées – WhatsApp, Facebook Messenger, QQ Mobile et WeChat – comptent déjà davantage d'utilisateurs mensuels actifs que Facebook, Instagram, Twitter et QQ (hors mobile) réunis.

WeChat monétise ses utilisateurs 7 fois mieux que WhatsApp

Les retailers chinois l'ont bien compris, qui depuis deux ans emploient massivement WeChat et ses fonctionnalités de paiement pour générer des ventes. En pratique, les facettes sociales (recommandation), marchandes (boutiques) et de paiement (cartes bancaires et Tenpay) sont totalement intégrées dans WeChat. De cette façon, une recommandation de produit d'un ami peut se transformer en achat en quelques instants seulement, sans que l'utilisateur n'ait eu à quitter l'application. Les marques peuvent ouvrir leur propre boutique sur le service (en réalité un simple compte WeChat), le faire au travers de la plateforme Weidian de ventes générées par les utilisateurs, travailler avec les marketplaces qu'opère WeChat, ou encore proposer sur la messagerie des promotions à valoir localement.

Un cinquième des utilisateurs de WeChat utilisent ses fonctionnalités de paiement. Ils renseignent leurs informations de paiement une fois, puis achètent tous les produits et services qu'ils désirent auprès des comptes WeChat des marchands. Au total, en 2014, l'application de messagerie lancée par Tencent en 2011 a enregistré 1,1 milliard de dollars de revenus, provenant de la vente de jeux, de toutes ces formes de commerce et de différents formats publicitaires. Soit 7 dollars par utilisateur contre 1 dollar chez WhatsApp, qui pourrait décider d'en prendre de la graine.

Aux Etats-Unis, plus qu'un frémissement

Or cette nouvelle forme de vente sur mobile a commencé à traverser le Pacifique. On voit par exemple apparaître des services de type conciergerie, qui permettent au consommateur de déléguer ses recherches de produits à quelqu'un qui, lui, se trouve devant un ordinateur. C'est tout le principe de la start-up californienne Magic, qui n'a ni application ni site Internet. Rien à installer, l'utilisateur envoie simplement sa demande par SMS : se faire livrer un plateau de sushis à la plage, ou encore commander un vol San Francisco – Boston pour le lendemain. Les collaborateurs de Magic font ensuite appel à des services d'achat délégué (Postmates, GrubHub…) ou contactent directement les marchands, puis soumettent une offre au paresseux, qui n'a plus qu'à la valider. Et Magic se rémunère par une petite commission.

Une commande typique effectuée via Magic

Mais ce n'est qu'un exemple parmi d'autres. Dans le conversational commerce, on rencontre aussi bien des applications qui utilisent la reconnaissance vocale (Luka) que les SMS (Fetch) et qui traitent les demandes par intelligence artificielle (Luka), à la main (Magic, Scratch, Path Talk) ou les deux (Cloe). En outre, la montée en puissance de Siri d'Apple, de Now de Google et de Cortana de Microsoft, tout comme celle des technologies de reconnaissance du langage naturel, pourraient encore renforcer les usages vocaux de conversational commerce.

Il n'est pas surprenant non plus que Mark Zuckerberg, lors de sa conférence F8 de mars 2015, ait détaillé comment les membres du réseau social pourraient à l'avenir utiliser Facebook Messenger pour passer des commandes et interagir avec des commerces locaux. Cette nouvelle tendance ne restera pas longtemps l'apanage de start-up spécialisées et devrait rapidement investir les opérateurs de messageries mobiles eux-mêmes, qui marcheront ainsi dans le sillage de WeChat. C'est par exemple le cas de l'Américain Tango, qui crée maintenant des listes de produits à partir des recherches effectuées sur Walmart et AliExpress, que les mobinautes voient dans un onglet dédié de l'application et peuvent ensuite partager et acheter depuis leur flux de messages textes.

Quant à WeChat, il a lui-même entrepris de diffuser son modèle dans le monde. Cette année, le Chinois a successivement investi 50 millions de dollars dans son copycat canadien Kik, annoncé que son système de paiement serait bientôt disponible pour les transactions transfrontalières (en dollars, euros, livres sterling, yens, wons et dollars hongkongais, canadiens, australiens et néozélandais) et prévu d'investir 3,4 millions de dollars en amorçage dans des start-up africaines.

Après des années passées à s'arracher les cheveux sur les taux de transformation décevants du mobile, les e-commerçants occidentaux devraient en tous cas voir avec ironie que des services aussi low-tech que les messageries mobiles puissent apporter une solution à leur problème longtemps resté insoluble.