L'intelligence artificielle ne sera pas le cœur de l'amélioration de l'expérience utilisateur ?
L’expérience utilisateur est une démarche très humaine, qui replace l'utilisateur au centre, et que ne peut être conduite que par un humain, éventuellement assisté par une machine.
L'intelligence artificielle est-elle vraiment utile? Sans aucune prétention de discours philosophique, il est légitime de s'interroger sur son intérêt pour l'être humain. Beaucoup d’entre nous ressentent inconsciemment de la peur face à ce qu’est l’intelligence artificielle, liée sans doute aux œuvres cinématographiques qui nous terrorisent, de Skynet à l'amour vain d'une Scarlett Johansson artificielle mais sacrément irrésistible.
Plus sérieusement, l'expérience utilisateur en sortira-t-elle plus agréable, plus mémorable ? L’IA n’irait-elle pas tout simplement à l'encontre de l’humanité en nous remplaçant progressivement, nous excluant de tâches et donc d’expériences utiles ou même agréables ?
Concrètement, si elle sert à analyser un volume de données que l’être humain est incapable de faire pour du prédictif comme véritable outil d’aide à la décision, elle semble potentiellement utile. Et encore si elle empêche de faire des erreurs, comment apprendrons-nous de ces dernières ?
En revanche, si elle nous enlève des tâches et métiers qui permettent de gagner notre vie (un robot directeur de créationchez Mc Cann, le développement du legaltech...) ou plus légèrement de vivre à notre place des expériences utilisateurs nécessaires à nos apprentissages cognitifs ou nous procurant du plaisir utile à notre épanouissement, quelle est la plus value ?
Par définition, l’expérience utilisateur étant une démarche où l’on (re)place l’utilisateur au centre (approche dite user centric) et de facto profondément humaine, la place de l’IA ne risque t-elle pas dans certains cas d’entraver cette approche et d’altérer cette expérience ?
Le cas de la voiture sans conducteur est l’un des exemples le plus frappant. Est-ce vraiment un progrès pour l’humanité ? En premier lieu, n’est-ce pas la fin du plaisir de conduire, de prendre la route, l’évasion physique et spirituelle, ou de manière plus rationnelle, la fin de la satisfaction et la fierté d’avoir permis à sa famille d’arriver sur le lieu de vacances tant attendu ?
D’autre part, malgré tout n’affaiblissons pas ainsi notre capacité à nous situer dans l’espace et le temps. En effet, au final il est peu probable que ce gain d’attention servira à découvrir son environnement et sera probablement utilisé, voire exploité pour autre chose…
Car l’attention a une capacité limitée comme l’aborde Matthew B. Crawford dans son dernier ouvrage. C’est pourtant elle qui nous permet de vivre pleinement les expériences et d’y appréhender toutes les composantes, d’acquérir de nouvelles connaissances, de les intégrer pour pouvoir les transmettre aux autres. Si l’expérience d’une activité n’est plus stockée chez l’individu mais dans une machine intelligente, alors dépossédé de celle-ci, il en perdra probablement les bénéfices, directs et indirects. Et l’effort qu’elle requiert n’est pas en soi une contrainte à gommer car perdre le goût de l’effort est selon moi, préjudiciable.
Ainsi, replacer l’utilisateur, l’humain au centre, implique de toujours conserver les machines dites intelligentes en périphérie, comme un prolongement de notre activité, un outil performant à notre service mais jamais au centre d’un service, d’un produit, nous prémunissant contre l’appauvrissement de notre expérience globale.
Reste à savoir si cela sera suffisant pour ne pas perdre le contrôle desdites machines mais cela est un autre sujet…