Impact de l'IA sur l'environnement : démêler le vrai du faux !

Si comme toutes les technologies, l'IA nécessite une alimentation énergétique, qu'en est-il réellement de l'utilisation actuelle qui en est fait en entreprise ? Que pouvons-nous présager pour le futur ? Ne risque-t-elle pas de plomber le bilan carbone des organisations ?

L’intelligence artificielle (IA) est une technologie de pointe au potentiel encore peu exploité. Célèbre depuis 1997 quand pour la première fois, la machine battait l’homme aux échecs, l’IA existe dans les entreprises depuis de nombreuses années mais peine à se déployer très largement. Seules 13% des entreprises ont réellement implémenté l’IA de manière industrielle[1]. Si comme toutes les technologies, elle nécessite une alimentation énergétique, qu’en est-il réellement de l’utilisation actuelle qui en est fait en entreprise ? Que pouvons-nous présager pour le futur ? Ne risque-t-elle pas de plomber le bilan carbone des organisations ?

L'empreinte carbone de l'intelligence artificielle est bien réelle

L’IA consomme de l’énergie, car elle repose sur une infrastructure numérique qui dans certains cas nécessite un important volume de données pour lui faire apprendre un comportement qu’elle sera en mesure de reproduire automatiquement par la suite. Pour cela, elle doit être "entrainée". Cet exercice peut nécessiter une grande puissance de traitement en fonction du nombre d’opérations à réaliser. Les algorithmes d'apprentissage automatiques basés sur des modèles mathématiques s’appuient sur des données d'échantillon, "données d’entrainement", pour faire des prédictions ou prendre des décisions sans être explicitement programmés pour le faire. En d'autres termes, c'est grâce à l’entrainement qu'une application d'IA "devient intelligente".  

C’est dans le monde de la recherche que l’intelligence artificielle a récemment démontré tout son potentiel mais au prix d’une empreinte carbone importante. Des chercheurs de l'Institut Allen pour l'IA ont calculé que la phase d’entrainement d’une IA visant à générer ou reconnaître des mots et des phrases très proches du langage humain (NLP) peut émettre en moyenne autant de dioxyde de carbone que cinq voitures américaines durant toute leur durée de vie (incluant la fabrication de la voiture elle-même)[2]. D’autres tests spécifiques dédiés à la mesure de l’intelligence des modèles[3], c’est-à-dire la performance de prédiction, vont dans le même sens :  les gains en performance pure sont obtenus grâce à un plus grand volume de données, et donc de plus grands modèles et in fine plus de calculs[4]. En mai 2020, OpenAI a annoncé la mise à disposition du plus grand modèle d'intelligence artificielle de l'histoire. Connu sous le nom de GPT-3, il a nécessité des mois d’entrainement et comporte 175 milliards de paramètres[5] ! Vertigineux, n’est-ce pas ?

La réalité de la consommation de l’IA en entreprise

Il existe de nombreuses manières d'implémenter l’IA, certains projets ne nécessitent pas d’entrainer les modèles, il s’agit tout au plus d’ajuster une dizaine de paramètres !  En effet grâce à des analyses statistiques et descriptives couplées avec une bonne compréhension des besoins métier, il est aujourd’hui possible par exemple avec des méthodes de régression ou de clustering d’optimiser les stocks d’un entrepôt, prédire les fuites ou des pannes de machines à partir de capteurs, ou encore détecter la fraude dans la finance ou les services publics. Il faut garder à l’esprit que l’entrainement des modèles complexes est réservé à une petite partie des solutions d’IA qui sont aujourd’hui déployées à l’échelle.

Quand il est nécessaire d’utiliser des techniques plus complexes de réseaux de neurones, dans le cas par exemple de la reconnaissance d’image, les modèles utilisés sont des modèles open source qui ont déjà été entrainés. Des techniques d’apprentissage par transfert sont alors appliquées pour que les résultats obtenus avec les données d’entrainement soient adaptés aux données du client, ce qui évite de réentraîner un modèle. Ce recyclage technologique permet de limiter l’impact sur les ressources énergétiques d’un déploiement massif de projets d’intelligence artificielle dans les entreprises.

Plus globalement les solutions d’IA, la digitalisation, l’augmentation du volume de données et la production de nouvelles données peuvent bien entendu soulever des questions sur l’impact de la technologie dans un futur proche. Mais en regardant derrière nous, il est clair que l’empreinte carbone des technologies ne suivent pas la même courbe de croissance que le volume de données[6], les importants progrès en matière d’efficacité énergétique ont permis de limiter cet impact.

Vers une IA raisonnée et une convergence des transitions technologique et écologique

L’intégration de ces enjeux écologiques pousse l’industrie vers l’âge de l’IA raisonnée. Les chercheurs et ingénieurs du monde entier travaillent dans le domaine de l’optimisation des consommations énergétiques des solutions IA. Leur objectif est connu : arriver aux mêmes performances énergétiques que les performances de l’intelligence humaine avec à peine 20W de consommation, c’est-à-dire effectuer des millions de milliards d’opérations à la seconde [7]. Les pistes sont nombreuses : de la nouvelle puce éco-conçue pour la forte demande de calcul de modèle de réseaux de neurones profonds, en passant par des modèles « mères » déjà entrainés, ou même la mise en open source d’outils de reporting automatique des consommations et mesures d’impacts. La course à l’IA verte et son efficacité énergétique est bien lancée.

L’IA est une technologie de transformation qui a aussi le pouvoir d'influencer positivement le développement durable. Avec près de 80% d’impact positif sur les objectifs de développement durable[8], l’IA est une technologie clé pour passer à l’action dans l’accomplissement d’une stratégie climatique et réduire d’en moyenne 13% les émissions de gaz à effet de serre des entreprises[9].

Les spécialistes du monde entier, Etats, chercheurs et institutions plébiscitent une approche éthique[10] pour une intelligence artificielle de confiance : améliorer la vie des êtres humains, ne pas aggraver les problèmes ou préjudices existants ni en créer de nouveaux, doivent être l’idée centrale qui sous-tend un système d’intelligence artificielle. A ce titre, l’intelligence artificielle doit être utilisée dans des projets à fort impact positif. Il faut mettre le pouvoir colossal de l’intelligence artificielle au service du développement durable.

Utiliser l'IA tout au long de la chaîne de valeur peut permettre aux entreprises d’atteindre leurs objectifs : de la conception de nouveaux produits eco-responsables, au calcul de l’impact carbone dès l’extraction de ressources jusqu’à la distribution, l’optimisation logistique, l’amélioration de l’efficacité énergétique des usines et entrepôts, la réduction des pertes et des déchets en favorisant la réutilisation et l’économie circulaire.   

Tout comme l’IA doit être éthique, elle doit être raisonnée. 

[1] The Ai-powered entreprise, unlocking the potential of AI at scale, July 2020

[2]MIT Technology Review, “Training a single AI model can emit as much carbon as five cars in their lifetimes,” June 2019

[3] GLUE performance test https://gluebenchmark.com/

[4] GreenAI

[5] Source

[6]  Exemple avec la génération d’électricité au USA depuis 1950 et autre article 

[7] Source

[8] Source

[9] ClimatAI

[10] Source