L'intelligence artificielle, vrai moteur de la logistique durable

Dans la logistique, l'intelligence artificielle (IA) arrive à point nommé.

Elle était le chaînon manquant entre les exigences de compétitivité et les responsabilités sociales et environnementales qui, parce qu'elles sont considérées comme des freins ou des contraintes, étaient et sont encore souvent mal acceptées. L’IA va permettre de conjuguer ces objectifs a priori contradictoires en faisant de la recherche de compétitivité un vecteur de durabilité, et vice-versa, puisque ces deux enjeux sont appelés à rapidement se confondre. Alors, intégrer l’IA pourrait être une façon de devenir un acteur vertueux presque sans le savoir.

Nous ne mesurons pas encore l’étendue des possibilités offertes par l’IA, voire on en a peur. Chaque jour, des verrous technologiques sautent et ouvrent de nouvelles perspectives.  Il y a encore quelques mois, les cas d’usage semblaient très éloignés de notre réalité opérationnelle. L’IA apparaît aujourd’hui clairement comme un moyen d’optimiser des situations de plus en plus complexes et de participer à la réduction de l’empreinte carbone des activités logistiques. Maersk, géant du domaine, souligne que l’IA n’est plus une mise à niveau facultative mais un moteur essentiel de croissance et d’efficacité. Selon un rapport de DHL publié en 2024, nous assistons à une forte adoption de l'IA puisque les entreprises de logistique ne se contentent pas de l'utiliser pour des tâches mineures mais l’intégrent au cœur de leurs opérations.

Prenons l’exemple d’une marque leader spécialisée dans la vente de poêles à bois. Grâce à des outils intelligents et de machine learning, elle a pu reconfigurer son organisation logistique et ainsi optimiser l’emplacement de ses stocks et ses flux sur le territoire français. Elle a ainsi réduit de 30 % ses coûts de transport et par là même occasion ses émissions de gaz à effet de serre. Les gains financiers et extra-financiers se cumulent ainsi presque naturellement.

Le marché de demain n’est pas celui d’aujourd’hui. Dans tous les cas, le futur de la supply chain est intelligent et l’optimisation est partout. L’IA va disrupter, selon les dernières études Gartner, a minima 50 % des opérations logistiques à très court terme. Il n’y a pas d’alternative à ça.

La bonne nouvelle, c’est qu’elle est le meilleur allié pour se préparer aux évolutions de la réglementation environnementale et sociale, et celles-ci ne manquent pas dans la logistique : l’extension du marché européen des quotas carbone au secteur du transport, mise en place de nouvelles normes de reporting extra-financier (CSRD) ou encore renforcement des obligations en matière de gestion des impacts sociaux et environnementaux sur l’ensemble de la chaîne de valeur (CSDDD). Toutes ces mesures exigent, pour être mises en œuvre, de disposer de données fiables, précises et exhaustives, d’outils d’analyse pour les traiter, mais aussi d’intégrer de l’intelligence artificielle pour identifier des axes de progrès, proposer des plans d’action et améliorer la performance.

Si les entreprises, notamment dans les secteurs les plus polluants - rappelons que la  logistique représente plus de 8% des émissions carbone - ont souvent été accusées de traîner les pieds, elles n’ont désormais plus de raisons objectives de temporiser. Nous entrons en effet dans une nouvelle ère, où l’extraordinaire potentiel de l’IA sera l’assurance d’aller plus vite que la réglementation, avec en gage, un retour sur investissement extrêmement rapide. Ce qu’hier les entreprises rechignaient à faire, car il n’est jamais plaisant d’agir sous la contrainte, elles le feront demain spontanément, encouragées par l’amélioration de leur compétitivité qui en découlera.

L’IA n’est pas seulement un formidable moteur pour s’adapter à des obligations réglementaires de plus en plus exigeantes, elle est aussi un atout essentiel dans un monde où l’incertitude (évolution erratique de la demande, crises énergétiques, catastrophes climatiques, conflits géopolitiques…) est devenue la règle. En s’appuyant sur les outils d'IA, il est possible de fiabiliser les chaînes d'approvisionnement et de les remodeler quasiment en temps réel en fonction des événements et des risques, donnant enfin un vrai sens aux mots agilité et résilience.

Cependant, ne nous y trompons pas, l’intégration de l’IA est bien plus qu’un simple saut technologique, elle va imposer des changements majeurs dans l’organisation et la vie de nos entreprises. Son impact va largement dépasser le cadre des précédentes avancées car il va toucher à la nature même du travail. C’est pourquoi la réussite de cette intégration dépendra autant des choix stratégiques et technologiques qui seront faits que du facteur humain, c’est-à-dire de l’acceptation de l’IA par nos collaborateurs qui devront être accompagnés. Les entreprises qui réussiront cette transformation seront celles qui auront su embarquer leurs salariés, en associant les questions éthiques, écologiques et sociales.