Chief AI officer : tout savoir d'un poste amené à exploser dans les prochains mois

Chief AI officer : tout savoir d'un poste amené à exploser dans les prochains mois Le Chief AI officer prend, de mois en mois, une place prépondérante en entreprise. Un poste amené à évoluer rapidement avec l'arrivée des nouvelles contraintes réglementaires de l'IA.

C'est le poste au cœur de toutes les attentes en 2024. Parallèlement à l'explosion de l'IA générative ces dernières années, le poste de chief AI officer commence à se répandre dans bon nombre d'entreprises. Si la plupart des groupes du Cac 40 disposent d'un tel poste, ce n'est pas encore le cas dans les entreprises de taille plus modeste. Une situation amenée à évoluer dans les prochains mois, avec l'entrée en vigueur progressive de l'AI Act. Plus que jamais, le poste semble devenir un impératif à l'heure de la gouvernance de l'IA.

Un rôle plutôt qu'un poste

L'AI chief officer désigne en entreprise, le plus souvent un rôle avant d'être véritablement un poste à part entière. Tout dépendra principalement de la taille de l'entreprise, de son secteur, et de sa focalisation sur les enjeux de l'IA. Dans les grandes entreprises, le poste est bien établi, tandis que dans les PME, il s'agit davantage d'un rôle transversal intégré à d'autres fonctions. Quand les groupes du Cac peuvent se permettre d'allouer d'importantes ressources sur le poste, les entreprises de taille plus modestes ont tout intérêt à fusionner les postes centraux de la data avec celle de l'IA. "Les responsables data et IA sont assez connexes, à terme ils doivent être assez proches dans l'entreprise. J'aurais tendance à les mettre au même endroit dans l'organisation, la même équipe ou des équipes très proches. Et c'est normal parce qu'en fait il n'y a pas de bonne IA s'il n'y a pas de bonnes datas", analyse Astrid De Jullien, data & IA product manager chez Avisia.

Pour Didier Gaultier, head of AI au sein d'Orange Business, le chief AI officer doit être inclus dans les "C-level avec le CDO, le Chief Data Officer, et avec évidemment toute la fonction qui peut aller avec la DSI et avec la direction générale. Dans d'autres cas ça peut être une double casquette avec le CDO, si vraiment c'est pertinent", conseille-t-il encore.

Les missions du chief AI officer

Le chief AI officer voit ses types de mission se diversifier de mois en mois. Le poste a notamment la charge de l'acculturation des collaborateurs. "Souvent, l'intelligence artificielle est perçue comme un terme effrayant. L'enjeu de l'acculturation est donc essentiel. Il faut aller à la rencontre des différents métiers pour démystifier l'IA. Il y a un enjeu de montrer à Madame Michu ou Monsieur Germain en entreprise que lui aussi peut utiliser l'IA et que c'est dans ses cordes", illustre assez justement Astrid De Jullien.

La sensibilisation du comex, déjà débutée (en principe) ces deux dernières années, reste également une priorité majeure en 2024. "C'est fondamental, il faut commencer par là. Il faut s'assurer que les dirigeants de l'entreprise comprennent les enjeux, qu'ils vont au-delà des rumeurs et qu'ils prennent leurs décisions sur la base de données fiables, et pas seulement sur des ouï-dire", rappelle Didier Gaultier. Pour cette raison, le chief AI officer doit rester à la pointe du domaine, en suivant les dernières techniques et les derniers modèles dévoilés. "Il y a un enjeu d'embarquer les équipes expertes sur le sujet pour qu'elles restent à niveau et de créer un espace en interne pour expérimenter, car la technologie évolue plus vite que les besoins. C'est très chronophage, on est noyé d'informations sur les nouveautés, il faut détecter ce qui va pouvoir générer de la valeur pour l'équipe et l'entreprise, et ensuite le mettre à disposition comme un os à ronger aux experts qui vont pouvoir passer du temps à les creuser plutôt qu'à les identifier", conseille la data & IA product manager d'Avisia. L'important est également de communiquer très régulièrement avec les différents métiers pour identifier les cas d'usage qui apporteront les plus gros impacts en matière de ROI.

Parmi les nouvelles missions, le chief AI officer va également devenir le garant de la gouvernance de l'IA au sens large, avec l'IA conventionnelle (machine learning…) et l'IA générative (LLM, modèle de diffusion, text-to-audio…). A cet égard, l'AI chief officer, qui peut être épaulé par un AI ethic officer, devient le garant de la bonne utilisation et du bon déploiement de l'IA dans l'entreprise. "Le Chief AI Officer doit idéalement proposer à la fois une charte éthique et une méthode. Il devra notamment prendre en charge les aspects éthiques, sustainable et de gestion des risques liés à l'intelligence artificielle", indique Didier Gaultier. C'est notamment le chief AI officer qui sera chargé de la bonne application de l'AI Act dans les prochains mois. Sa mission lui incombe alors d'anticiper ès à présent la conformité réglementaire des systèmes d'IA en place au sein de l'entreprise. La gouvernance de l'IA doit ainsi être son sujet de focalisation sur les prochains mois.

Des compétences techniques et business

La question du profil du Chief AI Officer se pose ensuite. Doit-il être davantage orienté sur les compétences techniques ou sur la stratégie business ? La réponse : les deux. Le profil idéal pour un Chief AI Officer est multidimensionnel, combinant des compétences techniques en IA, une compréhension des enjeux business ainsi que des capacités de communication et de gestion.

La composante technique du profil doit être majorée lors du choix, insiste Didier Gaultier : "Aujourd'hui, il est primordial que le Chief AI Officer comprenne le fonctionnement de l'IA générative. C'est un aspect essentiel qui nécessite un bon niveau en mathématiques. Par exemple, pour véritablement appréhender le fonctionnement d'un transformer, il est indispensable de maîtriser les concepts de produit scalaire et de vecteur. Sans une compréhension de ces notions, il est impossible de saisir pleinement les mécanismes de l'IA générative. Bien que l'on puisse en comprendre les tenants et les aboutissants de manière globale, notamment en termes d'effets, il sera difficile d'en percevoir les limitations intrinsèques", insiste-t-il. Et d'ajouter : "Comme tout professionnel à un C-level, il doit comprendre les enjeux business, il doit être capable de dialoguer avec la direction générale, avec les métiers, avec la DSI. Cela doit être un business acumen (sens des affaires, NDLR) important pour être capable de gérer et d'anticiper la roadmap IA de la société et pour finir quelqu'un qui ait un volet social important."

Pour Astrid De Jullien, le profil idéal peut provenir d'une hybridation, "c'est-à-dire avec une expertise forte, technique ou business, qui va chercher à se déployer à l'horizontale sur un nouveau spectre de compétences, que ce soit sur le plan produit ou data."

Un poste de plus en plus recherché

Le poste de Chief AI Officer est voué à connaître une croissance constante dans les prochains mois, porté par l'entrée en vigueur progressive de la première tranche de l'AI Act dès la fin de l'année. Le Chief AI Officer sera alors en première ligne pour piloter cet effort de mise en conformité et justifier les actions engagées en cas d'audit. Beaucoup anticipent déjà une flambée des offres d'emploi dès la rentrée de septembre.

La demande croissante pour ce poste reflète également une prise de conscience des entreprises quant à l'importance de la gouvernance de l'IA. Didier Gaultier conseille d'ailleurs de "commencer à réfléchir à l'IA Act dès maintenant, sans attendre", soulignant l'urgence de la situation. Cette anticipation permettra aux entreprises non seulement de se conformer aux nouvelles réglementations, mais aussi de tirer pleinement parti des opportunités offertes par l'IA.