Développer la pensée critique pour savoir apprendre et vivre avec l'IA
L'utilisation de l'IA générative dans l'éducation requiert une pensée critique. Comment les recommandations de l'UNESCO peuvent-elles guider les décisions politiques et pratiques dans ce domaine ?
Contrairement à certaines idées reçues, l’IA générative peut et doit être un atout pour les étudiants et les enseignants de demain. Un outil pédagogique révolutionnaire permettant l’épanouissement intellectuel, stimulant le développement de la pensée critique et les capacités de réflexions. Toutefois, pour parvenir à ce résultat tant recherché, des règles d’usage de cette technologie s’imposent à toutes les parties concernées. Dans le cadre de sa fonction prospective qui l’amène à surveiller de près les implications et l’impact de l’IA dans le domaine de l’éducation, l’UNESCO plaide pour en améliorer la maîtrise dans toutes les couches de la société. Pour encourager une collaboration efficace entre l’homme et la machine que nous appelons toutes et tous de nos vœux, l’organisation a dévoilé, à l’occasion de la Digital Learning Week, deux cadres de compétences en IA. L’un, destiné aux enseignants les aide à comprendre le rôle de l’IA dans l’éducation et quelles sont les bonnes pratiques éthiques et efficaces à suivre dans leur travail pédagogique. L’autre, pour les apprenants, se concentre sur les connaissances, les compétences et les bonnes attitudes à adopter pour une utilisation responsable de l’IA, favorisant le développement de l’esprit critique dans leurs études comme dans leurs vies.
Depuis plusieurs années, Cambridge est particulièrement sensible aux questions que soulève l’usage de l’IA générative dans l’éducation et l’enseignement. Notamment, en produisant, comme vient de le faire l’UNESCO, un rapport fixant un cadre de compétences à acquérir pour que les étudiants puissent interagir efficacement avec un monde évoluant en permanence au rythme effréné des avancées technologiques.
Utiles mais imparfaits, les agents conversationnels (chatbots) alimentés par IA générative fonctionnent sur des modèles statistiques formés à partir d'ensembles de données textuelles. Toutefois, ces modèles fournissent parfois des réponses incorrectes, interprétant mal ou partiellement certaines idées. Pour éviter ces erreurs d’appréciations potentiellement préjudiciables voire dangereuses pour l’usager, il est important de ne pas se fier aveuglement à la réponse d'un chatbot. Dans un cadre pédagogique, il est donc indispensable que les apprenants développent leurs compétences de vie (créativité, apprentissage, communication, collaboration et responsabilité sociale) et leur pensée critique en particulier pour tirer le meilleur parti de cette technologie dans leur apprentissage. Comprendre, analyser et évaluer des idées et des arguments, résoudre des problèmes et enfin prendre des décisions sont les trois axes que nous préconisons de travailler en classe. Pour cela, les enseignants sont encouragés à poser des questions à leurs élèves, à organiser avec eux des débats contradictoires, à collecter différentes informations et points de vue sur un même sujet ou encore à les inviter à réfléchir à plusieurs façons de répondre à un problème donné. Aussi précieuse pour garder le contrôle des outils pilotés par IA que pour développer notre conscience sociale et notre empathie, la pensée critique représente une compétence de vie dont l’importance va bien au-delà des salles de classe.
L’IA pénètre peu à peu toutes les sphères de nos vies. L’éducation étant l’un des sujets les plus sensibles de la société, son usage dans les processus d’apprentissage pose légitimement toute une série d’interrogations et de craintes. Une baisse des capacités de réflexion et de l’esprit critique sont les principales craintes du grand public envers l’utilisation de l’IA dans le cadre de l’école et des études. Acteurs du développement de cette technologie dans l’enseignement de l’anglais, nous sommes pleinement conscients à la fois de son importance et de la méfiance qu’elle suscite. C’est pourquoi à Cambridge, nous croyons fermement et militons ardemment pour que l’humain reste au centre de l’enseignement et de tout projet pédagogique, pour que se crée une véritable collaboration avec l’IA. Pour résumer avec justesse notre conviction profonde, je citerais l’éminent pédagogue néo-zélandais John Hattie qui parle de notre rapport à l’IA en ces termes : « Les meilleurs joueurs d’échecs ne sont pas des humains ou des machines, mais des humains travaillant avec des machines pour déterminer le meilleur coup ».