ROI de l'IA générative : ce qui fonctionne et ce qui ne fonctionne pas

ROI de l'IA générative : ce qui fonctionne et ce qui ne fonctionne pas La réalité du retour sur investissement de l'IA générative se joue dans sa capacité à être démontrée. Le succès réside dans la mise en place d'indicateurs précis.

Cinquante millions pour un projet d'IA par-ci, une centaine de millions par-là... En 2024, les investissements dans l'intelligence artificielle générative donnent le vertige. De nombreuses entreprises, de PME aux grands groupes, ont développé une stratégie d'IA générative dans le but d'obtenir des gains de productivité notables ou tout simplement par crainte de rater le train en marche. Qu'en est-il vraiment ? Dans quel cas l'IA générative apporte-t-elle une véritable valeur ?

Le problème avec la mesure du ROI

Pour Michael Mansard, directeur de la stratégie chez Zuora, le principal problème avec l'IA générative réside dans sa démonstrabilité. "Le problème majeur, que l'on retrouve dans 70 à 80% des entreprises qui ont pourtant bien compris la nécessité des phases de test et l'importance de définir clairement leurs objectifs - réduction des coûts, productivité, nouveaux revenus ou expérience client, concerne la capacité à démontrer et à accepter les résultats", avance le spécialiste.

Et d'ajouter :  "Dans certains cas, même s'il y a un ROI, l'impossibilité d'établir un lien direct avec l'IA générative peut laisser penser qu'il s'agit d'un effet placebo et que les résultats auraient été obtenus de toute façon." Cette difficulté de mesure est d'autant plus marquée que l'IA générative présente une particularité inédite : les utilisateurs peuvent facilement comparer les outils professionnels avec des solutions gratuites qu'ils utilisent au quotidien. "Quand on faisait de la transformation digitale il y a 10 ou 20 ans, ce qu'on utilisait en entreprise, on ne l'utilisait pas à la maison", souligne Michael Mansard. "Aujourd'hui, si j'investis dans une solution professionnelle, je vais naturellement la comparer à mon ChatGPT ou mon Dall-E". Une situation qui complique encore davantage la justification des investissements.

Les cas où le ROI peine à être démontré

Les solutions d'IA générative les plus difficiles à rentabiliser sont souvent les plus ambitieuses et généralistes. En première ligne : les copilotes d'entreprise généralistes, ces assistants censés épauler les employés dans l'ensemble de leurs tâches quotidiennes. La promesse est séduisante, mais la réalité plus complexe : comment quantifier précisément le gain de productivité d'un développeur utilisant Copilot ? Les métriques traditionnelles se heurtent à la nature transverse de ces outils.

Plus problématique encore, les entreprises qui se lancent dans le développement de leurs propres modèles d'IA. Les coûts, multipliés par rapport à des solutions sur étagère, incluent non seulement le développement mais aussi l'infrastructure, la maintenance et la formation continue des modèles. "Beaucoup d'entreprises qui s'étaient lancées dans la construction complète reviennent en arrière car les coûts sont énormes et très difficilement prédictibles", note Michael Mansard. Un investissement considérable qui se traduit rarement par des gains mesurables à court terme. Face à ces défis, de nombreuses privilégient désormais des approches plus pragmatiques : l'utilisation d'API ou le recours à des solutions spécialisées, dont le rapport coût-bénéfice est véritablement identifiable.

Les cas où le ROI se démontre

L'analyse des succès de l'IA générative révèle un schéma clair : plus le cas d'usage est ciblé, plus la valeur est démontrable. Le service client illustre parfaitement cette logique. En intégrant l'IA à sa plateforme, Intercom (une plateforme de communication client) affiche des gains de productivité dépassant les 50%. "Dans le service client, on voit généralement des ROI qui peuvent dépasser les 50% parce qu'on le comprend tout de suite", souligne Michael Mansard.

Cette approche ciblée se décline dans différents secteurs. Synthesia, spécialisé dans la génération de vidéos par IA, transforme radicalement les processus de formation chez ses clients comme Teleperformance. "Les cas qui fonctionnent sont ceux qui se focalisent sur des marchés qui peuvent être importants mais étroits. Ils ne cherchent pas à tout faire, ils visent vraiment un cas d'usage sur lequel on peut directement comprendre le ROI", analyse le spécialiste.

Le secteur juridique offre un autre exemple avec Harvey AI. En se concentrant exclusivement sur l'assistance aux avocats, la start-up a pu développer une expertise pointue et des métriques précises. "Les verticaux, c'est-à-dire ceux qui sont sur une industrie à part entière, ont une force de transformation complète d'une industrie. Les ROI sont un peu plus longs mais beaucoup plus importants", observe encore Michael Mansard.

La stratégie du ROI gagnant

Au-delà du choix entre solutions verticales ou horizontales, une méthodologie précise s'impose pour maximiser le retour sur investissement. Premier impératif : abandonner l'approche POC (proof of concept) traditionnelle. Les projets d'IA générative s'appuyant désormais sur des technologies éprouvées, ils nécessitent plutôt une approche de "portefeuille continu" d'initiatives.

Concrètement, il est recommandé de désigner un responsable qui pilote et priorise les différents projets d'IA générative, en s'appuyant sur des indicateurs précis dès le départ. Son rôle : arbitrer entre l'extension d'un projet prometteur ou son arrêt, tout en documentant précisément les succès comme les échecs. "La capacité à pivoter est essentielle. Arrêter un projet qui ne fonctionne pas pour redéployer les ressources ailleurs est un signe d'intelligence", rappelle Michael Mansard. Plus que la taille de l'organisation ou même son secteur d'activité, c'est la culture d'entreprise qui fait la différence : capacité à accepter la prise de risque mesurée, mise en place d'indicateurs précis, responsabilisation claire des équipes. Les plus méthodiques l'emporteront sur les plus dépensiers.