De l'éthique et des milliards : le Sommet pour l'action sur l'IA ouvre sur les chapeaux de roues

De l'éthique et des milliards : le Sommet pour l'action sur l'IA ouvre sur les chapeaux de roues Le Sommet pour l'action sur l'intelligence artificielle commence ce lundi 10 février à Paris. Les annonces d'investissements étrangers en France sont déjà nombreux.

Jour J pour le Sommet pour l'action sur l'intelligence artificielle. Le volet international de l'événement s'est ouvert au Grand Palais ce lundi, rassemblant de nombreuses délégations diplomatiques et dirigeants d'entreprises venus du monde entier. Cette première journée fait office de prélude avant l'intensification des débats prévue mardi, marquée par l'arrivée de nombreux PDG américains, chinois et indiens, ainsi que plusieurs chefs d'État. 

Un sommet axé sur l'IA responsable

Anne Bouverot, envoyée spéciale du Président de la République pour le Sommet international sur l'IA, a inauguré le Sommet en plaçant les échanges sous le signe de l'IA éthique et inclusive. "De nombreux pays craignent encore que leur seul choix soit d'être des clients dans le développement de l'IA, qu'ils ne soient pas capables de développer leurs propres solutions", a-t-elle souligné, avant d'affirmer :  "Les chercheurs et innovateurs, qui sont ceux qui conduisent ces avancées, sont trop souvent mis de côté dans les conversations mondiales. Cela va changer, et cela commence aujourd'hui, avec le Sommet."

Anne Bouverot  s'est enfin attachée à défendre une vision pragmatique de l'IA. "Avec son potentiel sans précédent, l'intelligence artificielle alimente à la fois d'immenses espoirs et, parfois, des peurs exagérées", a-t-elle expliqué, avant d'insister sur l'importance de "passer de la science-fiction au monde réel des applications de l'IA." Un message renforcé par la présence de cas d'usage concrets sélectionnés parmi plus de 700 candidatures mondiales, exposés au sein du Grand Palais.

Fei Fei Li en guest-star 

C'était l'une des figures attendues par le public. Fei-Fei Li, directrice de l'Institut Denning de Stanford pour l'IA centrée sur l'humain et CEO de World Labs, est revenue longuement sur les différentes technologies de rupture qui ont mené l'intelligence artificielle jusqu'à son apogée en 2025. Elle a retracé l'évolution de l'IA depuis son origine. La chercheuse a mis en lumière les trois piliers qui ont permis l'émergence de l'IA moderne : les algorithmes de perception, inspirés de notre compréhension du cerveau, le développement des données massives - qu'elle a elle-même contribué à faire avancer avec le projet ImageNet - et enfin la puissance de calcul, paradoxalement boostée par l'industrie du jeu vidéo.

Fei-Fei Li, chercheuse sino-américaine en IA. © BP / JDN

"Ce qui a commencé comme une curiosité académique connaît maintenant année après année une attention soutenue des leaders économiques, des entrepreneurs, des analystes industriels et même des politiques, sans aucun signe de ralentissement", a-t-elle rappellé, avant d'appeler à une gouvernance de l'IA fondée sur la science plutôt que sur la science-fiction.

L'IA de demain

Fei-Fei Li s'est ensuite lancée dans un travail de prospective pour imaginer le futur de l'IA. Pour la scientifique, nous sommes à l'aube d'une nouvelle ère où l'IA va dépasser sa simple capacité d'observation pour devenir véritablement active : "Avec tout le respect que je dois à mon héros Alan Turing, je pense maintenant que sa vision du futur était trop étroite et trop tournée vers l'intérieur. L'évolution elle-même nous a enseigné sans équivoque que le véritable pouvoir de l'intelligence n'est pas simplement de penser, mais d'agir à partir de ces pensées".

Cette évolution se traduit déjà dans son laboratoire à Stanford, où les robots, combinant apprentissage robotique avec des modèles avancés de langage et de vision, peuvent désormais effectuer des tâches quotidiennes dans des environnements réalistes, bien loin des mouvements programmés et chorégraphiés de la génération précédente. Une avancée qui, selon elle, soulève des questions de "conséquences civilisationnelles" et nécessite une approche centrée sur l'humain.

109 milliards d'euros pour l'IA et 35 datacenters 

La France n'a cependant pas attendu le début officiel du Sommet pour se positionner dans la course. Emmanuel Macron a annoncé dimanche soir un plan d'investissement massif de 109 milliards d'euros dans l'IA, incluant notamment l'apport des Émirats arabes unis (30 à 50 milliards) et du fonds canadien Brookfield (20 milliards).

Une réponse au projet américain Stargate de Donald Trump, qui prévoit 500 milliards de dollars d'investissements. Le plan français prévoit notamment le déploiement de 35 data centers répartis dans neuf régions. Le président français a également mis en avant les atouts du pays, notamment son énergie nucléaire décarbonée, pour attirer ces infrastructures stratégiques.