IA : le projet Stargate de Trump prend forme

IA : le projet Stargate de Trump prend forme OpenAI, Softbank, Oracle et Nvidia sont impliqués dans cette initiative pharaonique. Il témoigne de l'appétit insatiable des big tech pour davantage de puissance de calcul, en dépit de la rupture DeepSeek.

40 milliards de dollars : c'est le montant astronomique du chèque qu'Oracle va signer à Nvidia afin d'acquérir 400 000 cartes graphiques GB200, la dernière "superpuce" de l'entreprise pour entraîner et faire tourner des algorithmes d'IA. Elles viendront alimenter en puissance informatique le centre de données d'Abilene, au Texas, un projet pharaonique à 500 milliards de dollars, auquel sont également associés OpenAI et le conglomérat japonais SoftBank. Le centre de données devrait être opérationnel d'ici mi-2026.

Il s'agit du premier projet lancé dans le cadre de Stargate, le programme d'investissement de 500 milliards de dollars sur quatre ans aux Etats-Unis dans les infrastructures d'IA, annoncé en grande pompe en janvier par l'administration Trump. Conduit par OpenAI, SoftBank, Oracle, et MGX, il est aussi soutenu par Microsoft, NVIDIA et Arm.

Des dépenses dans les infrastructures d'IA

Ce nouveau projet démontre que, si la voie de l'IA frugale montrée par l'entreprise chinoise DeepSeek au début de l'année a un temps laissé penser que les dépenses faramineuses dans les centres de données géants allaient ralentir, c'est finalement l'inverse qui se produit.

Une fois finalisé, le centre de données d'Abilene devrait rivaliser en taille avec le projet Colossus, dont Elon Musk a lancé la construction l'an dernier à Memphis, dans le Tennessee, pour alimenter son entreprise xAI en puissance de calcul. Il devrait rassembler pas moins d'un million de processeurs graphiques Nvidia. Lors de l'annonce du projet Stargate, le milliardaire, proche de Donald Trump, a publiquement critiqué le programme, affirmant que les entreprises impliquées n'avaient pas les fonds pour le mener à bien et s'interrogeant sur son potentiel.

Peut-être Musk craint-il que celui-ci fasse de l'ombre à son propre projet Colossus, ou peut-être faut-il y lire un épisode supplémentaire dans la rivalité qui oppose de longue date Sam Altman, le patron d'OpenAI, et Elon Musk, qui a figuré parmi les membres fondateurs de l'entreprise avant d'en claquer la porte. Il est également possible que Musk ait simplement été frustré de ne pas avoir été impliqué dans Stargate.

D'autres projets de grande envergure sont par ailleurs en cours aux Etats-Unis, dont un centre de données à 10 milliards de dollars construit par Meta dans le nord de la Louisiane, et un autre d'Amazon dans l'Indiana pour 11 milliards de dollars.

OpenAI s'émancipe un peu plus de Microsoft

Derrière le projet Abilene, on trouve par ailleurs la volonté croissante d'OpenAI de s'émanciper de Microsoft. Depuis la signature de cet accord, Microsoft n'est plus le fournisseur cloud exclusif d'OpenAI, qui est désormais libre de recourir au multicloud pour satisfaire ses besoins insatiables en puissance informatique. Depuis la levée de fonds record de 40 milliards de dollars réalisée par OpenAI en mars, Microsoft n'est par ailleurs plus l'investisseur majoritaire de l'entreprise, éclipsé par Softbank, qui a participé à la levée de fonds à hauteur de 30 milliards de dollars.

L'emprise de Microsoft sur OpenAI a historiquement été réalisée par le biais des milliards de dollars investis par le groupe dans la start-up de Sam Altman, principalement sous forme de crédits cloud, dont OpenAI était dépendant pour puiser la puissance de calcul colossale nécessaire au fonctionnement et à l'entraînement de ses algorithmes d'IA générative. Pour gagner davantage d'indépendance, OpenAI doit donc trouver des moyens de s'approvisionner ailleurs que chez Microsoft Azure, d'où ce projet de centre de données géant.

L'étoile montante du Texas

Le projet montre également la montée en puissance irrésistible du Texas comme pôle des nouvelles technologies. S'il n'est pas encore en mesure de rivaliser avec la Silicon Valley, le Lone Star State attire depuis des années grandes entreprises, investisseurs et start-ups, séduits par sa qualité de vie, ses impôts très bas, son faible niveau de régulations, son énergie à un prix attractif et le faible coût du bâtiment et de la construction. Elon Musk a montré l'exemple en déplaçant le siège social de Tesla de la Silicon Valley vers Austin. La capitale du Texas s'impose ainsi comme un pôle majeur de la tech aux Etats-Unis, et le reste de l'Etat accumule les ambitieux projets d'infrastructures, comme Abilene, mais aussi le Reese Technology Center (futur pôle de la cybersécurité), ou encore la nouvelle usine de serveurs d'Apple.

Bien que fortement ancré à droite, le Texas est également leader du pays sur les énergies renouvelables, grâce à son climat (venteux et ensoleillé), mais aussi à sa politique très business friendly, qui attire les entreprises et facilite grandement la conduite de projets ambitieux — là où en Californie, les grands projets sont fortement ralentis par le mouvement "NIMBY".

La relation entre les dirigeants très conservateurs du Texas et l'industrie de la tech n'est pas pour autant un long fleuve tranquille. Le gouverneur Greg Abbott vient ainsi de signer une loi sur la sécurité en ligne obligeant Google et Apple à vérifier l'âge des utilisateurs de leurs App Stores respectifs, loi qui a suscité une vive opposition de ces deux entreprises.

Un début de succès pour Trump

Enfin, ce nouveau centre de données témoigne aussi d'un certain succès de la stratégie mise en œuvre par Donald Trump pour stimuler l'investissement tech sur le sol américain.

Si l'investissement dans le cadre de Stargate est assuré par les entreprises privées, le gouvernement s'est engagé à fournir un soutien important en matière de régulation et de politique publique. Donald Trump a ainsi révoqué un décret signé par Joe Biden pour encadrer le développement de l'IA, et s'est engagé à coordonner les efforts conduits par les différentes entreprises au service d'un but commun, ainsi qu'à faciliter l'attribution de permis, réduire la paperasse et les lourdeurs administratives. Il s'est plus généralement engagé à baisser l'impôt et les régulations sur les sociétés, ainsi qu'à réduire le prix de l'énergie, quoique sa marge de manœuvre dans ce domaine soit limitée.

Le président américain a enfin eu recours à des pressions plus directes, en menaçant les entreprises de droits de douane prohibitifs, ce qui a également donné certains résultats, dont un investissement supplémentaire de TSMC aux Etats-Unis. Ce dernier volet de sa stratégie risque toutefois de montrer rapidement ses limites, d'une part parce que le président ne cesse de changer de cap sur les droits de douane, de l'autre parce que des procès lui sont intentés pour contester la légalité de ces derniers.

La réforme fiscale que l'administration Trump essaie actuellement de faire voter par le Congrès, si elle s'apprête à aggraver encore le déficit américain, pourrait en revanche, en pérennisant la baisse de l'impôt sur les sociétés votée en 2017, entériner l'attractivité des Etats-Unis pour les investissements tech.