L'hébergement de l'IA : une vocation hexagonale
Grâce à ses atouts économiques, stratégiques et son mix énergétique favorable, la France est particulièrement bien placée pour héberger l'intelligence artificielle.
En 2025, le monde se divise entre les défenseurs acharnés de l’intelligence artificielle qui y voient une opportunité de répondre aux grands défis de notre siècle, les pourfendeurs de la technologie qui la regardent comme un fléau pour l’humanité et l’environnement, et une catégorie de modérés qui poursuit sa valse-hésitation, oscillant entre les avis des 2 premiers.
Sans vouloir donner raison à l’une ou l’autre catégorie, on peut cependant réfléchir à l’intérêt d’héberger en France cette intelligence artificielle.
Plaidoyer pour l’IA
L’IA est un pari d’une audace extrême dans laquelle se sont lancés quelques téméraires visionnaires… Mais depuis novembre 2022 et le lancement de ChatGPT, les audacieux ont gagné en crédibilité … ainsi que leurs premières lettres de noblesse. Et la loi de Moore, jamais démentie, avec sa promesse de capacité de calcul exponentielle (pour une même consommation électrique), apporte en gage des perspectives de rentabilité.
Il n’est donc pas interdit de penser que dans des domaines aussi variés que la gestion des flux d’énergie, la mobilité douce, la détection du cancer, la conception de nouveaux médicaments, l’IA surpasse les solutions traditionnelles. Cependant cette rentabilité n’est en rien un blanc-seing pour obtenir sa légitimité. Tout comme la moissonneuse batteuse en son temps, l’IA peut-elle être privatisée par quelques happy few pour gagner en profitabilité, avec du personnel en moins et de l’énergie en plus ?
Là, qu’on le déplore ou pas, l’Europe n’est en aucun cas capable de brider l’innovation autour de l’IA…
Qui donc le pourrait d’ailleurs ?
Qui pour héberger l’IA
La question qui demeure pour notre pays est de décider d’héberger ou non cette IA sur son territoire.
Quel bénéfice y-a-t-il à les avoir proches de nous, ces data centers.
La réponse est sans doute triple : économique, stratégique et énergétique.
- Économique, d’abord : La construction d’infrastructures, qu’elles soient routières, ferroviaires, électriques ou informatiques, n’a jamais été le métier le plus glamour. C’est cependant à l’aune de ces réalisations que l’on mesure le dynamisme et l’attractivité économique d’un pays, en cela qu’elles facilitent les échanges. Bien sûr, il reste possible d’utiliser en toute transparence les datacenters de pays voisins : leur proximité est gage de fiabilité, de maîtrise et de réactivité. Mais si demain les usages imposent de très faibles latences, leur présence sur le territoire sera un atout déterminant.
- Stratégique ensuite : La course effrénée à l’IA ne s’explique que par cette croyance indubitable qu’elle est facteur de performance pour l’industrie, les services ou l’armement de demain. Autant alors se prémunir du vol, de la reproduction et de la destruction de notre bien le plus précieux. Et croire que le RGPD – qui ne protège que les données personnelles - peut nous prémunir de ce pillage industriel serait d’une confondante naïveté. La présence in situ des datacenters sur notre territoire n’est certes pas une garantie contre toutes ces exactions. Elle n’en demeure pas moins un préalable indispensable pour assurer notre souveraineté.
- Energétique enfin : Sur ce sujet beaucoup d’encre a coulé, notamment sur la rareté croissante d’une ressource indispensable : l’électricité. Seulement en la matière, la France a beaucoup d’arguments qui la distinguent de ses voisins européens.
Elle dispose d’une énergie décarbonée : Chaque datacenter planté dans l’Hexagone émet à actuellement 10 fois moins de CO2 que nombre d’entre eux chez nos voisins immédiats. Le choix de la France est donc celui de la planète.
La France produit trop d’énergie : Faut-il le déplorer, nous sommes le principal exportateur d’électricité en Europe – près de 80TWh soit près de 20% de notre consommation. Nous avons recouvré nos capacités nucléaires et notre consommation est en berne. Le prix du gaz, marqueur du prix de l’électricité, réduit notre compétitivité par rapport à notre grand allié américain et nous fait perdre des pans de notre industrie à son profit. Construire en France, c’est maintenir un marché intérieur et contrebalancer a minima la disparition malheureusement programmée d’une industrie électro intensive évanescente.
Construire mais pas n’importe où
Avec une source de production majoritairement pilotable et équitablement répartie sur l’Hexagone, l’extension de nos capacités de distribution est une chose ardue, mais beaucoup moins qu’avec des sources majoritairement intermittentes. Plus que ses voisins, la France peut livrer partout sur son territoire de plus grandes quantités d’électricité. Si bien sûr, certaines zones d’engorgement sont critiquables, ces points de congestion sont temporaires et ne mettent pas à risque l’approvisionnement d’électricité pour la population.
Faisons plutôt des datacenters une chance pour les territoires.
Si l’Intelligence Artificielle a de nombreux usages contestables – moralement sinon écologiquement – il me semble impossible de condamner cette technologie et d’affirmer que ses externalités négatives permettent d’en oublier les bénéfices : son efficacité est déjà redoutable ; les progrès technologiques lui apporteront plus de sobriété ; gageons enfin qu’une réglementation minimale devrait nous prémunir de ses effets les plus néfastes. Il n’est donc pas possible de passer outre, de laisser à d’autres la seule main sur cette technologie. La France a par ailleurs des intérêts et des atouts à faire valoir pour héberger cette application. Ils sont économiques et stratégiques. Compte tenu de son mix énergétique, ils sont aussi écologiques.
Pour la France et pour la planète, avançons…