Que vaut Manus, l'agent IA chinois pour tout automatiser (ou presque)
Alors que le monde a les yeux focalisés sur les avancées américaines sur l'IA, les Chinois apparaissent comme de sérieux concurrents depuis quelques mois. Après l'étonnement provoqué par les performances de DeepSeek, c'est au tour de Manus, créé par un jeune Chinois, Xiao Hong, de provoquer la surprise. Développé par la startup chinoise Monica, l'agent autonome IA peut effectuer différentes tâches en ligne de façon presque autonome, à partir d'un simple prompt.
Manus fonctionne dans un environnement asynchrone basé sur le cloud. La stack technique de Manus est limitée. Il fait appel à des LLM, qui pourraient être Claude 3.5 Sonnet d'Anthropic et Qwen d'Alibaba. Pour fonctionner, il interprète les requêtes en langage naturel et génère des plans d'action. Les LLM sont complétés par des scripts déterministes pour le traitement des données et les opérations système. Lorsque l'utilisateur envoie son prompt, Manus analyse la demande, sélectionne les outils et exécute les commandes. Il peut s'autocorriger à chaque étape, jusqu'à ce qu'il réussisse à atteindre la tâche assignée.
Nous avons voulu tester un certain nombre de ses fonctionnalités, comme répondre à une requête complexe, créer un site Internet, un audit SEO, une vidéo, une série de diapositives, un podcast et une vidéo avec commentaires. L'occasion de prendre en main l'outil et d'évaluer ses capacités.
Rapide à prendre en main
L'installation de Manus est très facile, un peu comme celle de ChatGPT. Il suffit de se rendre sur le site Internet et de créer un compte. Le mode gratuit offre 300 crédits renouvelables tous les jours, un accès au mode chat, la possibilité d'une tache simultanée et d'une planifiée. Notons que les crédits sont principalement consommés par des jetons LLM, l'utilisation des machines virtuelles et les APIs tierces.
Nous utilisons l'offre " Basic ", à 20 euros par mois, pour nos tests. Elle comprend notamment l'utilisation des modèles avancés en mode Agent, la génération d'images, de vidéos ou de diapositives. Nous utilisons le mode "Qualité" pour des analyses approfondies. Il coûte environ 20 % plus cher que le mode "Vitesse", qui offre des résultats rapides mais moins précis. L'outil propose aussi les offres "Plus" à 33 euros par mois, "Pro" à 166 euros par mois et "Team" à 39 euros par membre par mois.
1er test : une requête complexe
Nous effectuons une requête complexe avec le mode Agent, pour tester les capacités de Manus à répondre à ce style d'interrogation. Exemple d'un de nos prompts : "Je suis un tennisman qui joue régulièrement. J'ai un style plutôt offensif. Je cherche une raquette légère de 280 grammes environ, équilibrée, pour la compétition, à moins de 200 euros. Liste-moi les principaux modèles disponibles, avec les avantages et inconvénients."
Pour y répondre, un peu sur le modèle de l'extension Nanobrowser associée à un LLM, l'Agent divise la tâche en différentes actions. Il cherche des informations sur différents sites Internet, les analyse et les compile. Il crée notamment des fichiers Markdowns, construits sur un langage de balisage léger. Il est possible de repréciser sa requête pendant la recherche. Au bout de 4 minutes environ, Manus génère une sélection assez pertinente des meilleures raquettes selon les critères demandés. Attention toutefois à la vérification des réponses fournies.
2e test : la création d'un site Internet
Autre possibilité de Manus, la création de sites Web. Pas besoin de connaissances techniques pour cela, un simple prompt suffit. On mentionne idéalement le type de site web, l'objectif principal et le style de design voulus. Nous lui avons par exemple demandé de réaliser un site de comparaison de raquettes de tennis, basé sur notre prompt précédent. En une dizaine de minutes, l'outil recherche informations, images et textes sur Internet. Lors du processus, il exécute des commandes Ubuntu, des instructions tapées dans le Terminal pour interagir avec le système d'exploitation. Il lit des fichiers HTML et CSS, teste la responsivité sur mobile, ou construit un projet React pour le déploiement. A la fin de sa tâche, Manus demande si le site doit être gardé en local ou déployé publiquement.
Le résultat est étonnant : le site est bien structuré, avec des sections claires. L'UX est plutôt convenable pour le temps passé dessus. Les textes sont relativement corrects. Il est possible de l'éditer directement avec le bouton en bas à droite du site. L'entreprise affirme par ailleurs que son IA peut créer des "boutiques en ligne complexes avec traitement des paiements, gestion des stocks et comptes clients." A voir avec les problèmes liés à la sécurité des données notamment.
3e test : l'audit SEO
Parmi les nombreuses promesses de Manus, celle de l'audit SEO est particulièrement alléchante. Sur le papier, les possibilités de l'outil peuvent amener de vraies avancées sur le sujet. Pour notre test, nous lui avons demandé d'effectuer un audit SEO d'une page Web, en intégrant les dernières recommandations de Google et des référenceurs sur le sujet.
Pour y répondre, nous voyons que Manus cherche des documents importants, sur l'EEAT, les Core web vitals, ou encore sur les tendances 2025 du SEO. Il exécute du JavaScript, ou étudie les données structurées en JSON. A la fin de sa mission, trois documents sont générés, dont un "Audit SEO complet", relativement abouti de notre point de vue. Il fait référence à des notions récentes. Attention toutefois à la véracité des propos, comme les chiffres avancés. Pensez à vérifier auprès de la Google Search Console. Le document techniques et les préconisations quant à eux sont très génériques et pas pleinement exploitables en l'état.
4e test : création d'une vidéo scénarisée
Manus intègre Veo3 depuis peu. Le générateur de vidéos par IA de Google est disponible pour les membres Basic, Plus et Pro. Il doit permettre de créer des séquences de qualité, avec une voix off et des bruitages.
Exemple de prompt donné : "Réalise une vidéo de 40 secondes avec ces instructions : plan western, deux hommes face-à-face et des robots derrière. Les deux humains marchent l'un vers l'autre. Eclairage : plein jour, soleil qui semble se coucher en arrière-plan. L'atmosphère est dominée par le jaune, le bleu et le marron. Elle est étouffante. Les robots habillés en cowboys entourent la scène, près d'un saloon, tandis que la musique d'"Il était une fois dans l'Ouest" d'Ennio Morricone retentit. La caméra avance vers les deux hommes, créant un effet de suspens. On ne sait pas ce qu'ils vont faire : se tirer dessus ou se donner la main ? Finalement ils se serrent la main."
On note que Manus utilise notamment Ubuntu pour générer la vidéo. Le résultat est intéressant au niveau de la qualité de chaque scène. Mais le scénario n'est pas bien respecté. On ne reconnait également pas les personnages d'une scène à l'autre. Nous n'avons pas la bande-son demandée. Cela explique peut-être le message affiché lors de la préparation de la vidéo : "Nous ne pouvons pas traiter cette demande en raison des exigences de sécurité et de conformité de la communauté."
5e test : générer une série de diapositives
Manus propose également depuis peu la création d'une série de diapositives structurées à partir d'une simple invite. Cela peut être très intéressant à utiliser dans le cadre professionnel. Pour cela, il est possible de lui fournir directement un fichier. Prenez soin de ne pas y mentionner d'informations sensibles. Grâce au RAG, Manus peut sortir un document très intéressant.
Pour un autre de nos tests, nous nous appuyons sur les connaissances tirées d'Internet. Le prompt : "Je suis un formateur et consultant Qualiopi. Dans le cadre de la formation que je dispense, crée un cours basé sur des diapositives claires et pédagogiques expliquant l'intérêt de passer la certification Qualiopi. Cela doit permettre de faire comprendre facilement les avantages de celle-ci. Les couleurs dominantes des diapositives sont le bleu, le jaune et le rouge."
En seulement quelques minutes, Manus fournit un document exploitable (voir ici). Les informations demeurent toutefois à vérifier. On note la présence de logos, schémas, graphiques, ou de citations qui facilitent la lecture du document. Il est bien structuré. La répartition des couleurs est discutable, elle peut être améliorée dans le prompt.
6e test : créer un podcast
Manus peut aussi créer un podcast à partir d'un script. Nous lui avons par exemple demandé de réaliser un podcast de l'article "Tutoriel : comment automatiser Google Chrome avec Nanobrowser et Gemini." Pour créer le fichier audio demandé, Manus analyse l'article, résume la structure et rédige le script. Il est possible de choisir entre une voix féminine ou masculine pour dicter le texte.
Le résultat généré est plutôt bon. Le ton de la voix, la diction et la tonalité sont assez convaincants. Quelques bémols : la prononciation de certains mots, en anglais notamment, laisse à désirer, tout comme le côté verbeux et technophile du texte généré.
7e test : générer une vidéo avec commentaires
La création d'une vidéo avec une voix off constitue également une possibilité de Manus. Nous lui avons par exemple soumis ce prompt : "Réalise une vidéo de cet article "Tutoriel : comment automatiser Google Chrome avec Nanobrowser et Gemini". Elle prendra la forme d'une vidéo journalistique reprenant les grandes sections de l'article. Illustre-la avec des images en lien avec la voix-off. Ces images doivent si possible changer toutes les 2 à 4 secondes environ. Elles doivent être pertinentes, variées et ne jamais être les mêmes. Tu peux utiliser les images et des extraits de vidéo de l'article. La vidéo doit durer moins de 4 minutes."
La vidéo générée possède les mêmes caractéristiques au niveau du texte que le podcast créé. Malheureusement, les images ne sont pas toujours pertinentes avec le texte lu, et leur qualité n'est pas toujours optimale.
Attention aux données partagées
Malgré toutes ces prouesses ou potentialités, certaines limites apparaissent chez Manus. Si l'autonomie et la latence se révèlent souvent satisfaisants, le problème vient plutôt de la sécurité des données. Les agents de navigations qui s'exécutent à distance dans le cloud peuvent potentiellement avoir un comportement inapproprié ou fuiter des données. Egalement, la manipulation de plateformes en ligne pose question. Signalons que, d'après nos essais, Manus n'a pas pu entrer dans des sites payants, même si les possibilités de l'outil pourraient mettre à mal plus d'un paywall.
De plus, d'après une étude récente, des éléments provenant de la politique de confidentialité de Manus du 8 mars 2025 ne respectent que partiellement le Règlement Général sur la Protection des Données. Il n'existe par exemple aucune mention d'encadrement légal des transferts de données vers Singapour, un pays tiers ne bénéficiant pas d'une décision d'adéquation de la Commission européenne. La conservation des données, jusqu'à 6 ans, sans finalité claire, pose également souci. L'enquête déplore de plus l'absence explicite de consentement de l'utilisateur pour chaque finalité.