Face à l'accélération de l'IA, comment les DRH peuvent-ils se positionner ?
Dans un contexte où l'IA, en particulier la dernière vague d'IA dite "agentique", est une préoccupation majeure, le rôle des RH devient central. Comment peuvent-ils appréhender ces changements ?
Si l’IA transforme déjà nos entreprises, on peut se demander comment et à quel rythme elle le fera dans les mois à venir. Une enquête PwC démontre que 45% des CEO des 500 plus grands groupes au monde estiment que leur organisation ne sera plus viable dans 10 ans si elle poursuit sa trajectoire actuelle. C’est une hausse notable par rapport à l’année précédente (39%), et l’IA figure parmi leurs préoccupations majeures. Dans ce contexte, le rôle des Ressources Humaines devient central : il ne s’agit plus de suivre la vague, mais bien de la dompter.
De “l’IA générative” à “l’IA agentique”
Nous avons mené, au dernier trimestre 2024, une étude auprès de 164 décisionnaires RH, issus d’un panel diversifié d’entreprises (tailles et secteurs confondus). Les résultats sont éloquents : plus de 70% d’entre eux estiment que “l’utilisation de l’IA s’intensifie dans le quotidien”. Cette impression est confortée par la hausse des investissements dédiés, traduisant un engouement incontestable pour ces technologies.
Et pourtant, l’IA n’a pas toujours suscité autant d’enthousiasme. Le chemin a été long depuis 2010 et l’apparition de premiers outils spécialisés. C’est seulement avec le succès planétaire de ChatGPT, que l’IA générative s’est véritablement démocratisée. Aujourd’hui, nous entamons une troisième vague de l’IA, celle de l’IA intégrée et créatrice de valeur. Désormais, la question n’est plus “pourquoi” investir dans l’IA”, mais “comment” l’intégrer de manière sécurisée et pertinente, en s’assurant d’en mesurer les bénéfices tangibles.
Ces modèles d’IA générative ne cessent de progresser. Dernièrement, ils ont connu deux évolutions majeures avec d’une part, l’apparition des modèles Omni, capables de vision et d’audio (ils peuvent, par exemple, analyser en temps réel les flux vidéo sur des sites industriels pour détecter des anomalies visuelles ou sonores, renforçant ainsi la prévention des risques) ; et d’autre part, la capacité de raisonner. Les IA ne se contentent plus de générer du contenu ; elles sont capables d’établir des liens logiques et d’argumenter, ouvrant la voie à des prises de décision plus sophistiquées.
Dernière étape, l’émergence des agents IA ou de l’IA dite “agentique”. Des outils comme relance.ai peuvent prendre des initiatives et exécuter des tâches de bout en bout. Devant ces avancées, doit-on déclarer comme le fondateur de Nvidia, « Le DSI sera le nouveau DRH » ? Vous l’aurez compris, l’enjeu pour la fonction RH est énorme : si la technique prend de plus en plus d’ampleur, l'humain ne doit pas perdre sa place, mais au contraire s’armer de nouvelles compétences.
L’IA : un levier puissant de transformation des compétences, dans la main des DRH ?
Face à ce constat, une question cruciale demeure : quels métiers vont émerger, et lesquels vont disparaître ? Nous n’avons pas de boule de cristal, mais l’histoire nous enseigne qu’environ 60% des métiers actuels n’existaient pas il y a 80 ans, et très peu avaient été anticipés par les rapports de prospective.
Les DRH doivent donc, avant toute autre chose, poser une stratégie lucide qui répartisse les emplois en quatre grandes catégories :
- Métiers menacés : ceux dont les tâches sont très standardisées, peu contextualisées et régies par des règles claires.
- Métiers complétés : ceux pour lesquels l’IA peut automatiser une partie des tâches, mais dont le cœur du métier reste porté par l’humain, ce qui correspond à la grande majorité (plus de 70%, selon nos estimations).
- Métiers protégés : ceux dont l’essence même repose sur la dimension émotionnelle, relationnelle ou créative, et dont la valeur ajoutée n’est pas réplicable par une IA.
- Métiers créés : de nouvelles professions émergent, notamment autour de la supervision des IA, du pilotage d’agents autonomes ou encore de la data éthique.
En pratique, nous constatons que l’IA “remplace” véritablement des postes lorsqu’elle est intégrée de manière volontariste dans les processus opérationnels (par exemple, via l’automatisation complète de certaines chaînes de production). À l’inverse, lorsqu’elle n’est qu’un simple assistant à disposition des salariés, elle allège certes la charge de travail, mais n’engendre pas de gain direct de productivité pour l’entreprise.
Selon Microsoft, un salarié utilisant l’IA générative gagne en moyenne 30 minutes / jour de productivité, soit environ 10 minutes par usage. Face à cela, les décideurs ont 3 options :
- Réduire les effectifs, en considérant que le temps libéré doit se traduire en économies de postes.
- Libérer du temps, permettant aux collaborateurs de mieux concilier vie professionnelle et personnelle.
- Réallouer ce temps, via la formation et l’acquisition de nouvelles compétences, pour rendre l’entreprise plus adaptable à moyen et long terme.
Cette troisième voie s’avère, selon moi, la plus prometteuse pour développer la résilience de l’organisation. C’est donc au DRH de favoriser cette adoption, de bâtir une organisation flexible fondée sur les compétences (“Skills based organizations”) et d’anticiper, en temps réel, les transitions d’activités.
Concrètement, comment passer à l’action ?
Sur le terrain, un paradoxe se dessine : les collaborateurs, dans leur majorité, se montrent souvent plus enthousiastes que les DRH quant à l’impact de l’IA sur leur trajectoire professionnelle. Les DRH, de leur côté, restent prudents et attendent des bénéfices concrets, rapides et mesurables. Pourtant, ils partagent un consensus avec les collaborateurs : l’humain doit conserver une place centrale, notamment dans les décisions sensibles comme l’embauche, ou dans le déploiement de programmes de formation et de développement professionnel.
Si la plupart des DRH cherchent encore à obtenir des gains immédiats (efficacité opérationnelle, décisions basées sur les données…), des champs restent encore sous-exploités, comme l’engagement, la rétention des talents, la diversité et l’inclusion. À mesure que l’IA se perfectionnera et que les entreprises gagneront en maturité, ces sujets pourraient prendre davantage d’importance. L’un des grands défis sera alors de mesurer précisément l’impact de l’IA sur des objectifs plus qualitatifs, comme la motivation et la fidélisation.
Pour réussir cette transformation de la fonction RH, il est essentiel de s’appuyer sur des indicateurs précis (KPIs) et de choisir les cas d’usage les plus pertinents. Les éditeurs et fournisseurs de solutions d’IA ont ici un rôle important à jouer : accompagner les entreprises dans la conduite du changement, démontrer la valeur ajoutée et assurer la formation des collaborateurs pour limiter les risques en matière d’éthique et de cybersécurité.
En définitive, si l’IA, sous toutes ses formes, gagne du terrain dans les entreprises, elle n’a pas encore révélé toute l’étendue de son potentiel en matière de gestion de l’humain. Les DRH ont un rôle-clé à jouer dans cette transformation :
- Fixer des objectifs stratégiques et mesurables (au-delà de l’automatisation).
- Prioriser les cas d’usage les plus matures
- Tester et analyser en continu, pour prouver la valeur ajoutée de l’IA et lever les freins internes.
Avec l’émergence de l’IA agentique et la montée en puissance de nouvelles applications, le futur de la fonction RH mute en permanence. Mais une chose est sûre : les DRH qui sauront s’emparer de cette révolution – en conciliant humanité, technologie et sécurité – donneront à leur entreprise les moyens de prospérer dans la décennie à venir.