Maintenance prédictive, réparations en ligne : quand la voiture devient garagiste
Grâce à un mélange d'IoT, de statistiques et d'intelligence artificielle, il est possible de personnaliser l'entretien d'un véhicule connecté en fonction de chaque conducteur et de chaque pièce.
Pourquoi attendre la panne ou un seuil théorique pour changer les pièces usées d'une voiture ? La question taraude depuis longtemps des constructeurs automobiles qui aimeraient fluidifier le processus de maintenance et de réparation de leurs véhicules. Car pour savoir quand changer une pièce, les conducteurs se fient pour l'instant à des recommandations basées sur la distance parcourue depuis le dernier remplacement. Ces recommandations correspondent à la distance moyenne à partir de laquelle la pièce commence à être endommagée. Sauf que son usure effective peut grandement varier selon l'agressivité de la conduite, la vitesse moyenne, la météo ou encore le type de routes empruntées.
Grâce à l'IoT embarqué dans les véhicules connectés, les constructeurs vont pouvoir, en vrac, analyser l'usure de chaque pièce, personnaliser leurs recommandations de maintenance, prévenir les conducteurs lorsque le temps est venu de passer au garage voire même effectuer certaines interventions à distance. De nombreux constructeurs, comme Renault, PSA, Ford ou Volkswagen se préparent déjà à intégrer ces méthodes, à mesure que le parc automobile se renouvelle et que la proportion de véhicules connectés grandit, pour les deux ou trois années à venir.
Données théoriques, usure pratique
Ils peuvent, pour ce faire, s'adjoindre les services de start-up comme le Français Drust, fondé par trois anciens de la R&D de PSA. Ce dernier peut analyser directement les données relatives à un véhicule connecté ou celles d'une voiture classique, après avoir installé son boitier connecté. L'entreprise se concentre pour l'instant sur l'usure des freins et des pneus. "Pour les pneus, nous utilisons les données d'un accéléromètre fixé sur le châssis pour détecter les virages et les accélérations", détaille le directeur opérationnel de Drust, Pascal Galacteros. "Nous combinons ensuite ces données effectives aux modèles physiques utilisés par les constructeurs de pneus pour voir combien de temps ils vont durer."
Vient ensuite une phase de pondération statistique à l'aide d'intelligence artificielle. Le profil du client entre bien évidemment en ligne de compte. Il s'agit, par exemple, de prendre en compte les mois pendant lesquels il roule plus que d'autres, s'il part en vacances en voiture chaque été. "Nous finissons par déterminer un mois durant lequel il faudra effectuer une intervention sur le véhicule", ajoute Pascal Galacteros. Drust compare également ses résultats avec ceux d'une base de données acquise auprès de sociétés qui valident la durée de vie des pièces automobiles pour le compte des constructeurs en Espagne. Elle recense plus de 25 millions de kilomètres effectués sur différents types de routes et de conditions météo.
Verrouiller la relation client
La maintenance prédictive permet au constructeur de prévenir les conducteurs dont le véhicule a besoin d'une révision, par exemple via une notification sur leur smartphone, puis de leur proposer un rendez-vous chez un concessionnaire partenaire. Pour le client, c'est la garantie d'intervenir avant qu'il ne soit trop tard… ou d'éviter d'alourdir la facture. "Les plaquettes de freins sont fixées sur un disque avec une épaisseur d'usure. Si on dépasse cette épaisseur, on attaque les pièces de fixation et on endommage le disque qu'il faudra aussi changer," prévient Pascal Galacteros. Pour les constructeurs, il s'agit de privilégier leur propre réseau de réparation. En étant les premiers à savoir qu'un véhicule a besoin de maintenance, ils peuvent aiguiller les conducteurs et éviter qu'ils se rendent chez des garagistes indépendants. Quant aux garagistes, ces prédictions d'usure leur permettront de mieux anticiper la demande et donc de s'assurer d'avoir les bonnes pièces en stock.
La plupart des voitures doivent être mises à jour localement. Un peu comme s'il fallait se rendre dans un Apple Store pour installer la dernière version d'iOS…
Reste un cas de figure où il est impossible de prévoir que le véhicule aura besoin d'une maintenance : lorsqu'il comporte un défaut de conception ou un bug. "L'enjeu est de taille pour des constructeurs qui veulent réduire les milliards de dollars qu'ils dépensent dans des rappels de véhicules défectueux," explique Julien Masson, directeur de la division voiture connectée d'Orange Business Services. "Au-delà du coût financier, c'est un processus chronophage : il faut prendre un rendez-vous en concession, faire intervenir un réparateur, démonter le véhicule… Alors que de nombreux problèmes matériels sont simplement liés à des soucis logiciels qui peuvent être réglés à distance". Ces mises à jour à distance, dites "OTA" (Over the air, ndlr), sont la norme dans l'univers des smartphones. Mais pas encore dans celui des voitures. A part Tesla, très en avance sur le sujet, la plupart des autres véhicules doivent être mis à jour en accédant localement à leur système informatique. Un peu comme s'il fallait se rendre dans un Apple Store pour installer la dernière version d'iOS…
Deux exemples récents illustrent bien la différence de traitement entre ces deux méthodes. Fiat-Chrysler a annoncé fin mai le rappel en Amérique du Nord d'environ 5 millions de véhicules dont le régulateur de vitesse était dans certains cas impossible à désactiver, afin de corriger le problème via une mise à jour logicielle. Quelques jours plus tard, Consumer Reports, l'UFC-Que Choisir américain, publiait un rapport déconseillant d'acheter la Tesla Model 3 après avoir détecté des anomalies dans le système de freinage d'urgence. Une semaine après la parution du rapport, Tesla mettait à jour tout son parc de véhicules via une mise à jour OTA. Consumer Reports recommande désormais l'achat de la Tesla Model 3. Pendant ce temps-là, les voitures défectueuses de Fiat Chrysler dorment toujours au garage…