Bot Analytics : la guerre est déclarée entre Google et Facebook

Bot Analytics : la guerre est déclarée entre Google et Facebook Les deux groupes américains avancent leurs pions sur un tout nouvel échiquier : celui de l'analyse d'audience des agents conversationnels. Pour chacun, l'enjeu est de taille.

Depuis un peu plus d'un an, le marché des bots est en pleine ébullition. Agents intelligents pour gérer l'accueil sur les sites web, chatbots de support client, d'aide à la décision dans la banque, de consultation de contenus dans les médias, skills vocaux... Les projets se multiplient et les annonces pleuvent. Des agences se sont spécialisées dans l'accompagnement des entreprises sur ce nouveau terrain. C'est le cas en France de Clustaar, The Chatbot Factory ou encore The Social Client.

Des éditeurs commencent également à proposer des outils d'analytics pour mesurer la performance de ces applications, qu'elles soient déployées au sein de messageries instantanées ou d'assistants vocaux. Se positionnent sur ce créneau Google (avec Chatbase) et Facebook (qui fournit via Facebook Analytics la possibilité de monitorer les bots sur Messenger), sans oublier quelques pure player au premier rang desquels Bot Analytics.

Comparatif des outils de bot analytics de Google et Facebook
  Canaux pris en charge Données démographiques Analyse de bots en arbre de décision Intégration à la couche de NLP (Natural Language Processing)
Google Chatbase Alexa, Google Assistant, Messenger, Microsoft Teams, Slack... Non Oui Non
Facebook Analytics Messenger Oui Non Non

Il existe plusieurs pure player du bot analytics parmi lesquels Bot Analytics, BotMetrics ou encore Dashbot (tous offrent une approche multicanale, mais aucun n'intègre par défaut l'analyse du NLP).

Chatbase comme Facebook Analytics livrent toute une pléiade d'indicateurs de bot analytics : évolution du volume d'utilisateurs actifs et de messages consultés, durée moyenne des échanges (sur une période donnée, en fonction des plages horaires), part des conversations comprises et non-comprises (ou bloquées)... "Que ce soit chez Facebook ou Google, l'analyse comportementale des visiteurs demeure cependant limitée", reconnait Nicolas Chollet, cofondateur et responsable du développement produit chez Clustaar. "Il sera difficile voire impossible de tracer un événement précis de bout en bout. Dans le cas du push d'un carrousel d'actualités par exemple, on pourra certes connaitre le volume d'internautes qui l'auront vu, mais pas la part d'entre eux ayant cliqué sur un des liens mis en avant... Ces outils n'étant pas capables de s'intégrer correctement aux solutions de web analytics pour faire le lien avec les pages vues correspondantes." De leurs côtés, les pure player du domaine ne feraient pas mieux.

Et Thomas Sabatier, PDG de The Chatbot Factory, d'enfoncer le clou : "ces offres se contentent d'analyser les bots de type arbre de décision." Entendez par là des agents conversationnels aux "scénarios figés", guidant l'utilisateur via des questions pré formatées (par exemple : "Quelle catégorie de vêtement recherchez-vous ?" "De quelle taille ?" "De quelle couleur ?"). "Il en découle des analytics assez statiques, et par définition incapables de monitorer les chatbots dotés d'une intelligence à base de NLP (conçue pour saisir les subtilités d'une question et enrichir en permanence leur base de connaissances ndlr)", insiste Thomas Sabatier. "Ils ne sauront pas comprendre comment les interlocuteurs s'expriment, de manière positive ou négative, saisir les thèmes récurrents en fonction des périodes, les réponses les plus souvent fournies en faisant le lien avec leur score de satisfaction, etc."

Un ensemble d'informations qui pourrait aider à optimiser l'intelligence du bot, sa manière de s'exprimer et de réagir, notamment en cohérence avec "l'esprit" d'une marque ou d'un service. "Au-delà de l'IA, ces données sont en outre centrales pour rationaliser les process. Se rendre compte, par exemple, que le bot est plutôt utilisé le matin pour les achats et l'après-midi pour les demandes de support permet d'ajuster les ressources au niveau de la gestion des commandes et du centre de contacts", pointe Thomas Sabatier. Et l'expert ajoute : "Pour tracer tous ces éléments, les bot analytics devraient être dotées de moteurs de compréhension linguistique et de décryptage de l'UX conversationnelle. Ce dont ils ne disposent pas."

"Les solutions de Facebook et Google ont un point commun : l'absence d'indicateurs business"

"Les solutions de Facebook et Google, comme celle de Bot Analytics d'ailleurs, ont un défaut principal. C'est l'absence d'indicateurs business dans leurs tableaux de bord", martèle Thomas Guenoux, directeur de Yelda (éditeur français d'une plateforme multibot). "Si un agent conversationnel permet à un service de support client d'automatiser 80 % des demandes, il faut pouvoir mesurer le nombre de jours/homme qu'il contribue à économiser. Il en va de même pour un chatbot dédié aux recrutements (en général taillé pour guider les candidats parmi les offres d'emploi proposées par un groupe ndlr). Et si le bot est consacré à la vente sur un site d'e-commerce, il est évidemment crucial d'en suivre les performances commerciales."

Et Nicolas Chollet de renchérir : "ces outils nécessitent en outre un taggage nettement plus complexe à réaliser que celui pour l'analyse d'audience d'un site web. Chaque événement à prendre en compte implique de remonter la teneur du message et l'identifiant utilisateur."

Facebook bon sur l'analyse démographique

Pour monitorer les agents intelligents déployés sur Messenger (qui en compte désormais 300 000), Facebook a ainsi choisi de faire évoluer Facebooks Analytics. Un outil qu'il met historiquement à la disposition des marques pour suivre l'activité de leur page sur son réseau social. "Les tableaux de bord ajoutés sur ce terrain s'avèrent néanmoins assez limités... et ils ne supportent que Messenger", déplore Nicolas Chollet. Thomas Sabatie pondère : "c'est vrai que l'approche est très simple. Mais à la différence de Chatbase, Facebook intègre une segmentation démographique du trafic des bots (répartition hommes/femmes, localisation géographique, âge ndlr) en se basant sur les données de ses abonnées." Naturellement, l'objectif est aussi de proposer une solution capable de piloter des campagnes marketing dans le but, in fine, de servir l'offre publicitaire de Facebook.

Des outils contre-productifs ?

Contrairement à Facebook, Google ne restreint pas son offre de bot analytics à ses produits. Sur le papier, Chatbase s'ouvre en effet aux principales plateformes de messagerie (Google Allo, mais également Messenger, Slack, WeChat, WhatsApp...) et assistants intelligents (Alexa, Google Assistant, Siri...). "Mais il est clair que Chatbase cible de manière prioritaire Google Assistant et son écosystème", estime Thomas Sabatier.

Reste qu'un autre type de solution pourrait très bien jouer le rôle d'un bot analytics : les plateformes utilisées pour créer et déployer les bots elles-mêmes. C'est en effet là que sont stockés en général les logs des moteurs de machine learning et de NLP sous-jacents (quand ils existent). "C'est le meilleur point de départ pour analyser les comportements des visiteurs et leurs interactions avec l'interface, notamment dans l'optique d'optimiser la couche d'intelligence et d'auto-apprentissage", estime Nicolas Chollet. Revers de la médaille : ces produits offrent rarement des interfaces très ergonomiques. Ils nécessiteront par conséquent de développer une surcouche pour générer des dashbaords graphiquement adaptés au reporting business. C'est le choix qu'à fait Amazon en dotant son environnement de création de bots pour Alexa (Lex) de fonctions d'analytics. Dans la même logique, Google a quant à lui commencé à intégrer Chatbase à sa propre plateforme cloud de bot : DialogFlow (issue de l'acquisition d'Api.ai, et désormais adaptée au développement de skills pour Google Assistant). C'est aussi une piste que sont en train d'explorer Clustaar et The Chat Bot Factory...