L'expérience utilisateur : ce facteur clés de succès de l'IA... trop souvent oublié

L'expérience utilisateur : ce facteur clés de succès de l'IA... trop souvent oublié L'UX joue un rôle majeur dans la réussite d'un projet d'intelligence artificielle. Pour trouver l'interface graphique la plus attrayante, designers et data scientist devront travailler main dans la main.

L'expérience utilisateur (UX) est-elle le parent pauvre des projets d'intelligence artificielle d'entreprise ? Force est de reconnaitre que cette dimension était jusqu'ici peu mise en avant dans les facteurs clés de succès des projets d'IA. A l'inverse de la qualité des données d'entrainement, certes garante de résultats fiables et non-biaisés. Ou encore de l'alignement des algorithmes sur la problématique métier. Mais le vent commence à tourner. L'IA n'est plus l'apanage des data scientist. Les UX designers entrent dans la danse. "Le machine learning revêt un côté abstrait voire magique pour la plupart des utilisateurs. Cet aspect boîte noire peut faire peur et engendre un risque de rejet. D'où l'importance de bâtir une interface graphique simple et compréhensible", résume Guillaume Bodet, CEO de Zeenea, éditeur français d'une plateforme de data management.

Une IA qui se fond dans le décor

Partant de là, tout l'enjeu est de rendre l'IA sympathique pour l'utilisateur. Comment ? En traduisant les prédictions des modèles de machine learning sous-jacents dans son propre vocabulaire graphique et métier. "Sur un projet d'IA de surveillance maritime par exemple, nous avons choisi de ne pas afficher de statistiques, mais plutôt le synoptique des déplacements de bâtiments de surface sur un fond de carte", explique Perrine Pothier, directrice créative & designer au sein de l'agence Intactile Design. Résultat : l'usager comprend en un clin d'œil que deux navires pourront se croiser dans une zone maritime non surveillée s'ils ne changent pas de cap et conservent la même vitesse. Le modèle de prédiction devient évident. "Visuellement, on prolonge leur vecteur vitesse en pointillé sur la carte pour montrer le point potentiel de transbordement (qui est une pratique très réglementée, ndlr)", résume Perrine Pothier.

Une fois l'IA déployée et adoptée, reste à savoir comment la faire évoluer. Une question d'autant plus sensible que l'environnement analysé est mouvant et l'algorithme mis en œuvre particulièrement supervisé. On pense immédiatement aux systèmes de calcul d'itinéraire qui s'adapteront en permanence en fonction du trafic routier. "Globalement, tout l'enjeu est de faire en sorte que l'utilisateur fournisse des feedbacks sans s'en rendre compte", souligne Guillaume Bodet chez Zeenea. En fonction des cas d'usage, il faudra trouver les bonnes astuces. Pour poursuivre sur l'exemple des GPS, Google Maps propose systématiquement trois itinéraires en mettant en avant celui qui lui paraît le plus pertinent. Une approche qui permet à Google de glaner des réactions pour enrichir son IA cartographique. "Waze a opté pour un logique nettement plus ouverte", estime Guillaume Bodet. Contrairement à Google Maps, l'application multiplie les sollicitations, notamment pour demander confirmation en cas de perturbation du trafic ou encore d'accident de la circulation pour ne citer que les plus courantes.

"C'est en observant les utilisateurs pratiquer leur profession que l'on pourra imaginer leur métier et outils de demain"

Chez Intactile Design, Perrine Pothier a principalement mené des projets d'IA orientés BtoB : aide au diagnostic de sinistres, ligne automatique de train, traitement de maladie, analyse de données génomiques... Elle recourt à une méthode de création graphique signée Intactile Design mise au point il y a une dizaine d'années. "Cette démarche a été modélisée par Emmanuelle Jacques, sociologue des usages dans les jeux vidéo, à l'occasion d'un projet dans le contrôle aérien mené en lien avec l'Ecole Nationale de l'Aviation Civile", précise l'intéressé. Elle débute par une phase d'immersion dans l'environnement de travail des utilisateurs. "C'est en observant les usagers pratiquer leur profession, en les interrogeant sur leurs difficultés, sur leurs rapports à l'outillage existant et, plus largement, sur leurs tâches quotidiennes que l'on pourra imaginer leur métier et outils de demain", argue Perrine Pothier.

Ensuite vient le design de l'interface. Une étape qui implique toutes les parties prenantes du projet : utilisateur, data scientist, développeur... sans oublier l'UX designer évidemment qui joue le rôle de médiateur. Avec pour objectif de rendre l'équipe créative, il dessine plusieurs maquettes successives qui s'affinent au fil des réactions de chacun. "Une séance de conception participative réussie est une séance où un des participants vous arrache le crayon de la main pour modifier la maquette", lâche Perrine Pothier. Après plusieurs réunions, le processus aboutit à des storyboards décrivant le parcours logiciel et fonctionnalités associées. C'est sur cette base que le designer s'appuie pour réaliser l'interface finale de l'IA.

A/B testing et UX optimization

"Dans le BtoB, le design de l'UX passe le plus souvent par l'idéation via des focus groupe", confirme Guillaume Bodet. "Une fois l'interface graphique développée et déployée, on passera dans un deuxième temps à une phase moins empirique en définissant des indicateurs de résultats mesurables." L'utilisateur va-t-il jusqu'au bout du scénario proposé, et en combien de temps réalise-t-il la tâche cible comparé aux pratiques et outils précédents ? Les feedbacks attendus sont-ils au rendez-vous en vue d'alimenter le modèle ? "Le volume de clients étant sans commune mesure plus important dans le BtoC, on pourra s'orienter à l'inverse vers des modes de conception industriels", compare Guillaume Bodet. A partir d'une certaine audience, les outils d'A/B testing permettront de confronter plusieurs versions d'interface ou de fonctions de feedback à plusieurs groupes d'utilisateurs pour ne retenir que les plus performantes.

Autre piste également applicable à l'IA grand public : le recours aux plateformes d'optimisation d'UX. Un créneau sur lequel le français ContentSquare apparaît parmi les solutions incontournables (lire l'article Comparatif des outils d'UX optimization : le français ContentSquare s'impose). Automatisant la segmentation des utilisateurs en fonction de leur comportement, sa plateforme détecte les moindres clics de souris, les mouvements et contrôles tactiles sur une tablette ou un smartphone, les interactions avec les textes, les liens, mais également avec les images et vidéos en tenant compte des contenus. Elle cerne les points de friction, à quelle phase de la navigation ou d'un tunnel de dialogue le visiteur hésite ou décroche, en estimant y compris l'impact potentiel sur le chiffre d'affaires. 

Last but not least, ContentSquare va jusqu'à mettre le machine learning au service de l'UX via sa brique AI Insights. Elle est conçue pour identifier proactivement les opportunités d'optimisation au regard de leur impact potentiel à venir sur le trafic et, à l'inverse, les anomalies dans l'UX susceptibles de venir gêner les visiteurs. AI Insights met ainsi l'intelligence artificielle au service de l'interface graphique des applications d'IA. La boucle est bouclée.