L'industrie manufacturière face au défi de l'économie circulaire : le rôle pivot des logiciels de logistique inverse

L'industrie manufacturière est en train de changer radicalement, passant de la transformation des matières premières en produits destinés à la consommation à une boucle où les produits, les pièces et les composants sont retournés et réutilisés et les matières premières ré-employées.

L'industrie manufacturière est confrontée à un changement de paradigme qui sera l’un des plus marquant de son histoire. Depuis le début de l’ère industrielle, les fabricants se sont approvisionnés en matières premières pour les transformer en biens de consommation. Mais l’arrivée de l’économie circulaire vient changer la donne. Il ne s’agit plus simplement de produire de la valeur mais bien de tenir compte de son impact environnemental, en prenant garde à ne pas gaspiller les ressources.

Une transformation stimulée par le contexte économique et les attentes des consommateurs

Plusieurs facteurs sont à prendre en compte pour expliquer cette mutation. Tout d’abord, les consommateurs sont en demande d’entreprises qui les aident à réduire leur impact environnemental et la quantité de matières utilisées, mais aussi qui leurs permettent de recycler davantage. En parallèle, les acteurs financiers, comme les banques et autres organismes de prêts, proposent désormais des offres intégrant cet impératif de durabilité avec des conditions attractives pour répondre à l'évolution des préférences des consommateurs et de la règlementation. De plus, les acheteurs interentreprises s’inscrivent aussi dans cette tendance, essayant de réduire au maximum le volume de déchets électroniques et d’emballages. Aussi, selon la Global Investor Study 2020 de Schroders, 55% des investisseurs indiquent que les investissements durables sont ceux qui offrent de meilleurs rendements.

Par ailleurs, la crise sanitaire a eu un impact fort auprès de l’opinion publique, les plus jeunes générations attendent des entreprises qu’elles reconstruisent l’économie sur de meilleures bases, autour du pilier de la durabilité, particulièrement suite au choc pandémique.

Moins d’une décennie pour passer à l’économie circulaire

L’institut Gartner affirme que d'ici à 2029, le modèle de l’économie linéaire sera complètement remplacé par celui de l’économie circulaire. Mais l'an dernier, l'organisation à but non lucratif Circle Economy a constaté que seulement 8,6% de l'économie mondiale fonctionnerait selon une configuration circulaire, contre 9,1% en 2018. Certes, certains fabricants ont déjà pris des engagements. Ainsi Löfbergs, un torréfacteur d’Europe du Nord, s’est engagé à éliminer tous les déchets liés à la culture, au traitement et à la consommation du café d'ici à 2030, et va même plus loin en aidant ses clients à réutiliser le marc de café. Toutefois, les fabricants doivent accélérer le rythme, en adoptant de nouveaux processus mais aussi des outils pour soutenir l’adoption de la logistique inverse et d’une meilleure gestion de l'empreinte écologique.

La logistique inverse au service de l’économie circulaire

Le principe de la logistique inverse est le suivant : repenser les étapes de vie du produit en s’appuyant sur la réutilisation des composants et des matériaux. La chaîne logistique est donc inversée : le point de départ de cette chaîne est le client final, qu’il s’agisse d’un particulier ou d’un professionnel. Ce dernier possède le produit et il le renvoie chez le fabriquant en vue de sa réutilisation ou de son recyclage. Pour ce faire, il faut mettre en place des autorisations de retour de matériel afin de permettre la remontée du cycle. A ce titre, la facilité du processus de retour est désormais un critère clef pour jauger de la qualité de l’expérience client.

Une fois le produit rendu, le logiciel qui supervise cette logistique inverse doit pouvoir gérer le bon suivi de son routage et notamment de prendre en compte des obligations contractuelles concernant le renvoi au fournisseur, son recyclage, sa revente et autres dispositions. Le logiciel est ainsi au centre du système de gestion des garanties, des contrats et des opérations de service sur le terrain. Le bénéfice de ce système a été remarqué par différentes études décortiquant les procédés des entreprises de service les plus performantes.

Gérer les vies du produit

Aujourd’hui, les consommateurs accordent de plus en plus d’importance à la seconde vie de leurs produits. De fait, les fabricants doivent prendre en compte ce facteur dans l’analyse du cycle de vie des produits qu’ils conçoivent.

Le rôle de la technologie et des logiciels de logistique inverse est de permettre de gérer cette complexité. L’idée est tout d’abord de fixer les règles s’appliquant à la réparation d’article ou leur remplacement. Il faut inclure le coût de la réparation, localiser les pièces de rechange, connaître le statut des produits en cours de réparation, sachant que la réparation peut être confiée à des fabricants ou à des prestataires de services tiers. Afin de centraliser les informations, un dispositif unifié de planification des ressources de l'entreprise (ERP) est nécessaire, mais aussi un système de gestion de ses actifs et des services sur le terrain, nourri par de l’intelligence artificielle pour gérer la complexité de ces flux. L'objectif ultime sera d'éliminer, au plus possible, le besoin de maintenance.

Selon certains experts, s’il y a gaspillage de ressources, c’est tout simplement qu’il y a eu une mauvaise conception du produit au départ. On pense ici à la logique de l’obsolescence programmée, qui provoque un phénomène de production et de surconsommation particulièrement problématique dans le contexte actuel. 

Aujourd’hui, le monde évolue vers la servitisation et c’est un modèle totalement opposé à celui d’il y a 20 ans. Ce modèle recentré sur le service part du principe que les entreprises ne vendent pas que des produits – ce qui encourageait la logique de l’obsolescence programmée auparavant – mais bien une qualité de service global autour des produits.

Avec ce changement de paradigme, la panne n’est plus l’occasion de vendre un nouveau bien : c’est la pire chose que redoutent les industriels. Désormais, l’économie circulaire vise donc à tout faire fonctionner dans un circuit fermé, et ce, le plus longtemps possible. Non seulement, il s’agit de produire pour longtemps mais aussi de produire mieux : la capacité à réduire l'utilisation de substances controversées ou potentiellement nocives, à commencer par celles couvertes par les réglementations DEEE et RoHS, est également l'un des grands enjeux de cette dynamique.